Le gouvernement israélien a donné samedi le feu vert final à l'accord de cessez-le-feu avec le Hamas dans la bande de Gaza, ouvrant la voie à l'entrée en vigueur dimanche d'une trêve assortie de la libération de premiers otages israéliens en échange de détenus palestiniens.
Annoncé mercredi par le Qatar et les Etats-Unis, cet accord ambitionne de déboucher à terme sur «une fin définitive de la guerre» qui a fait en plus de 15 mois des dizaines de milliers de morts dans le territoire palestinien dévasté, selon le Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani.
Cent nouveaux morts depuis mercredi
Mais dans l'attente du début de la trêve, fixé à dimanche, à la veille de l'investiture du président américain élu, Donald Trump, l'armée israélienne a poursuivi ses frappes aériennes sur le territoire palestinien, faisant plus de 100 morts depuis mercredi, selon les secours.
Le Conseil des ministres a approuvé tôt samedi le plan, malgré l'opposition de ministres d'extrême droite. La trêve doit entrer en vigueur dimanche, mais le gouvernement n'en a pas précisé l'heure. Le Hamas a, quant à lui, déjà annoncé avoir approuvé les termes de l'accord et s'engager à les respecter.
Dans sa recommandation en faveur du projet, le cabinet de sécurité israélien avait jugé, «après avoir examiné tous les aspects politiques, sécuritaires et humanitaires de l'accord proposé», que celui-ci soutenait «la réalisation des objectifs de guerre».
33 otages contre 737 prisonniers
L'accord prévoit dans une première phase de six semaines la libération de 33 otages retenus dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre. En échange, Israël va relâcher 737 prisonniers palestiniens, a annoncé le ministère de la Justice, précisant que leur libération n'interviendra pas avant 16H00 dimanche (14H00 GMT).
Parmi les prisonniers appelés à être libérés se trouve Zakaria Zubeidi, responsable de plusieurs attentats contre des civils israéliens et ex-leader des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, la branche armée du parti Fatah, qui s'était évadé d'une prison israélienne en 2021.
La fin définitive des hostilités négociée durant la première phase
Selon un responsable militaire israélien, trois points d'accueil ont été mis en place sur la frontière avec Gaza, d'où les otages, pris en charge par des médecins, seront conduits vers des hôpitaux. Selon deux sources proches du Hamas, le premier groupe devrait être composé de trois Israéliennes.
Les autorités israéliennes ont désigné vendredi 95 détenus libérables dès dimanche, des femmes et mineurs en majorité, pour la plupart arrêtés après le 7 octobre, et indiqué avoir pris des mesures pour «prévenir toute manifestation publique de joie» à leur sortie.
Deux Franco-Israéliens, Ofer Kalderon, 54 ans, et Ohad Yahalomi, 50 ans, figurent au sein de la liste des 33 premiers otages libérables, selon Paris. Tous deux avaient été enlevés dans le kibboutz Nir Oz avec plusieurs de leurs enfants, libérés lors de la première trêve en novembre 2023.
«C'est le moment que nous attendions (...), j'espère vraiment que nous verrons mon grand-père rentrer à la maison, debout, vivant», a dit vendredi à Tel-Aviv Daniel Lifshitz, petit-fils d'Oded Lifshitz, 84 ans, enlevé à Nir Oz.
«Placer ma tente sur les gravats»
Avant même le début de la trêve, des déplacés palestiniens chassés par les bombes et combats se préparent à rentrer chez eux. «Je vais (...) retirer les décombres de la maison et placer ma tente sur les gravats», anticipe Oum Khalil Bakr, réfugiée à Nousseirat. «Nous savons qu'il fera froid et que nous n'aurons pas de couvertures pour dormir, mais ce qui importe, c'est de retourner sur notre terre», ajoute cette mère de dix enfants.
Beaucoup «trouveront leur quartier entier détruit» sans aucun service essentiel, avertit Mohamed Khatib, de l'organisation Medical Aid for Palestine à Gaza. «La souffrance va continuer (...) mais au moins il y a un espoir», ajoute-t-il, alors que les organisations humanitaires anticipent des obstacles considérables pour venir en aide à la population.
Un bilan sanglant
La guerre, qui a provoqué à Gaza un niveau de destructions «sans précédent dans l'histoire récente», selon l'ONU, a été déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sanglante du Hamas sur le sol israélien.
Elle a entraîné la mort de 1210 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles israéliennes. Sur 251 personnes enlevées, 94 sont toujours otages à Gaza, dont 34 sont mortes selon l'armée.
Au moins 46'876 personnes, en majorité des civils, ont été tuées dans la campagne militaire israélienne de représailles à Gaza, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, jugées fiables par l'ONU.
Trois phases
L'accord, fruit de laborieuses négociations, a été débloqué à l'approche du retour lundi de Donald Trump à la Maison Blanche. Outre les premières libérations d'otages, la première phase comprend, selon le président américain, Joe Biden, «un cessez-le-feu total», un retrait israélien des zones densément peuplées et une augmentation de l'aide humanitaire.
La deuxième phase doit permettre la libération des derniers otages, avant la troisième et dernière étape consacrée à la reconstruction de Gaza et à la restitution des corps des otages morts en captivité.
Pendant la première phase seront négociées les modalités de la deuxième, à savoir «une fin définitive de la guerre», selon le Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani.
600 camions d'aide par jour prévus
Vendredi, des médiateurs égyptiens, qataris, américains et israéliens sont convenus de mettre en place une salle d'opérations conjointe au Caire pour «assurer une coordination efficace» et le respect des conditions de la trêve, et de faciliter l'entrée de 600 camions d'aide par jour, a indiqué un source égyptienne informée à Al-Qahera News.
Déjà minée par un blocus israélien imposé depuis 2007, la pauvreté et le chômage, la bande de Gaza assiégée a été ravagée par la guerre et la quasi-totalité de ses 2,4 millions d'habitants déplacés. Le cessez-le-feu laisse en suspens l'avenir politique de Gaza, où le Hamas a pris le pouvoir en 2007.
L'Autorité palestinienne, rivale du mouvement islamiste, est prête à «assumer pleinement ses responsabilités» à Gaza, a déclaré vendredi son président, Mahmoud Abbas dans sa première déclaration après l'annonce de l'accord. Considérablement affaibli, le Hamas est toutefois encore loin d'être anéanti, contrairement à l'objectif qu'avait fixé Benjamin Netanyahu, selon des experts.