Trump en embuscade
Législatives au Groenland: les indépendantistes en force, la gauche chute

Aux élections législatives groenlandaises, l’opposition de centre-droit l’emporte, les nationalistes réalisent une percée historique et la gauche écologiste mord la poussière. Dans un contexte géopolitique tendu, l’ombre de Trump a plané sur le scrutin.
Publié: 12.03.2025 à 16:42 heures
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À Nuuk, l'ambiance est à la fête au QG de Naleraq. Le parti indépendantiste arrive en deuxième position des élections au Groenland.
Photo: KEYSTONE
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Alessia BarbezatJournaliste Blick

Jamais des élections législatives au Groenland n’avaient autant attiré l’attention internationale. Depuis que Donald Trump ne cesse de réitérer son appétit pour ce territoire hautement stratégique et riche en ressources naturelles – qu’il compte récupérer «d’une manière ou d’une autre» – le monde a les yeux rivés sur cette île arctique, grande comme quatre fois la France. 

Une attention médiatique qui a d’ailleurs exaspéré une certaine partie de la population comme l’activiste anti-colonialiste Aka Hansen qui s’en est émue sur Instagram mardi soir. «Il y a tellement de journalistes. C’était massif et franchement très intrusif», a-t-elle posté depuis la salle de sport de l’équipe de handball groenlandaise, où se trouve le seul bureau de vote de Nuuk, la capitale.

Un scrutin scruté

A l’issue d’un scrutin qui a vu se déplacer 70% des 57’000 habitants de l’île aux urnes, le mardi 12 mars, c’est l’opposition de centre-droit qui arrive en tête avec 29,9% des suffrages. Une immense surprise et une douche froide pour la coalition sortante composée d'Inuit Ataqatigiit (IA, gauche écologiste) et des sociaux-démocrates de Siumut.

Début mars, Blick avait rencontré Pipaluk Lynge, députée d’IA dans la salle de l’Inatsisartut, le Parlement groenlandais, à Nuuk. Si la quarantenaire redoutait le chaos engendré par les déclarations de Donald Trump, la politicienne se montrait confiante quant à l’issue des élections. «Notre parti a fait du bon travail. Nous œuvrons pour l’indépendance, mais c’est un processus qui prend du temps, qui doit être construit étape par étape.»

Pour la députée d'Inuit Ataqatigiit, Pipaluk Lynge, la défaite de la gauche écologiste est une douche froide.
Photo: Niels Ackermann / Lundi13



Alors forcément, le score de son parti, en recul de 15,3 points par rapport à celui d’il y a quatre ans, est une pilule dure à avaler. «Je suis très surprise par ce résultat. Le peuple a parlé, il réclame le changement, nous écrit-elle ce mercredi matin par message. Nous allons respecter ce vote et continuer à travailler guidés par valeurs de notre parti, tout en collaborant avec les autres formations politiques. Dans un contexte géopolitique si tendu, il est important de montrer qu’on est solidaire, qu’on fait front et qu’on se respecte les uns les autres.»

L’ombre de Donald Trump

L’ombre du président américain a-t-elle pesé de tout son poids sur ces législatives galvanisant les aspirations indépendantistes d’une population qui rêve de s’émanciper de la tutelle du Danemark? Impossible à affirmer avec certitude, mais le résultat canon du parti nationaliste Naleraq, arrivé deuxième, est un indicateur à ne pas négliger. Doublant son score en quatre ans, passant de 12 à 24,5% des voix, le parti indépendantiste réalise une poussée historique. 

Pour le député indépendantiste Kuno Fencker, l'indépendance, c'est maintenant.
Photo: Niels Ackermann / Lundi13

Rencontré à Nuuk, à la veille des législatives, l’un de ses députés, Kuno Fencker, assurait qu’il n’y avait plus de temps à perdre. «Cela fait 46 ans (ndlr: En 1979, date à laquelle l'autonomie interne du Groenland est définitivement actée par la Constitution danoise) que les partis politiques trouvent des excuses pour ne pas organiser de référendum sur l’autodétermination de notre peuple. J’en ai marre. Notre peuple doit être indépendant!», fulminait-il. 

Le paragraphe 21

Jørgen Boassen, l’autoproclamé «fils spirituel groenlandais de Trump», lui, est ravi de la percée des nationalistes. «C’est un pas supplémentaire vers l’indépendance. Naleraq a promis d’activer le paragraphe 21 de la loi sur l’autonomie datant de 2009», nous explique-t-il par texto. Une activation qui permettrait d’ouvrir sur le champ des négociations en vue d’une rupture avec Copenhague.

Jørgen Boassen, l’autoproclamé «fils spirituel groenlandais de Trump», est ravi de la percée des nationalistes.
Photo: Niels Ackermann/ Lundi13

Si l’indépendance est voulue par la grande majorité des partis politiques, le calendrier et les moyens pour y parvenir divergent, selon les formations. Recouvert à 80% de glace, le territoire semi-autonome est économiquement fortement tributaire de la pêche, qui représente la quasi-totalité de ses exportations. Mais il dépend également de la contribution annuelle d'environ 4,4 milliards de couronnes danoises (près de 530 millions de francs suisses) versée par Copenhague, soit 20% du produit intérieur brut (PIB) local.

Si les nationalistes plaident pour une indépendance rapide, les autres formations politiques temporisent, la conditionnant aux progrès économiques de Groenland. 

À l’issue de ces élections législatives, aucun des partis n’est en position d’obtenir la majorité sur les 31 sièges au Parlement. Des tractations sont déjà en cours pour former une alliance. Et les rêves de Naleraq pour une indépendance immédiate ont peu de chances de se réaliser.

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