Nulle part ailleurs vénère-t-on autant la beauté et la jeunesse qu'à Hollywood. Les actrices, en particulier, qui prennent de l'âge ont du mal à s'imposer dans le milieu. Un phénomène connu sous le nom de «Hollywood Ageism», soit l'âgisme hollywoodien. Mais celles qui s'accrochent trop désespérément à la jeunesse écopent également des critiques, comme le montre l'exemple actuel de Madonna.
La reine de la pop a essuyé de vives railleries après sa prestation lors des Grammy Awards. C'est le visage «gonflé» de la chanteuse et actrice qui a été la cible de certains internautes. Elle aurait subi trop d'interventions chirurgicales et serait à peine reconnaissable, a-t-on dit. Madonna s'est rapidement défendue et a dénoncé une discrimination liée à l'âge. Seulement pour demander une semaine plus tard à ses fans sur Twitter: «N'ai-je pas l'air mignonne maintenant que l'enflure a disparu?»
La vraie question est plutôt de savoir pourquoi une industrie tant attachée à l'apparence et à la jeunesse pousse à la fois les femmes à modifier leur apparence naturelle et les critique vivement lorsqu'elles en font trop – un exercice d'équilibriste quasi impossible.
«Personne ne veut être vieux»
«C'est précisément dans le cas d'une star qui se définit déjà fortement par son apparence lorsqu'elle est jeune que la malveillance est d'autant plus grande lorsqu'elle s'accroche visiblement et désespérément à sa jeunesse lorsqu'elle est âgée», explique Pasqualina Perrig-Chiello, professeure émérite de psychologie et elle-même septuagénaire. «Mais ce désespoir n'a rien d'étonnant. Dans une société où l'anti-vieillissement est un slogan omniprésent, on veut certes vieillir, mais personne ne veut être vieux», relève l'experte.
Les chiffres donnent raison à Pasqualina Perrig-Chiello. Même si les femmes âgées comme Jane Fonda (85 ans) et Helen Mirren (77 ans) semblent gagner en visibilité dans le monde du divertissement, elles sont toujours nettement en retrait par rapport à leurs collègues masculins. Selon les dernières statistiques de Women and Hollywood, en 2021, les femmes occupaient le rôle principal ou secondaire dans 41% des 100 films les plus populaires. Mais dans seulement 7% des films, le rôle principal était tenu par une femme âgée de 45 ans ou plus. En comparaison, environ 27% des productions mettent en scène un homme de la même tranche d'âge. Cela correspond à un rapport hommes-femmes de quatre pour un.
Lettre ouverte de 100 actrices britanniques
En mai 2022, plus de 100 actrices et acteurs britanniques ont signé une lettre ouverte appelant à mettre fin à la discrimination fondée sur l'âge des femmes de plus de 45 ans, bien ancrée dans l'industrie du divertissement. Dans la lettre du groupe d'activistes Acting Your Age Campaign, il est dit qu'au Royaume-Uni, les femmes ont une «date de péremption» à l'écran, alors que les hommes ont «toute une vie».
Mais pourquoi les femmes âgées ne reçoivent-elles guère d'offres de rôles, alors que des hommes comme Brad Pitt (59 ans) ou Tom Cruise (60 ans) incarnent les héros de blockbusters même à l'approche de la retraite?
«C'est lié au double standard du vieillissement, c'est-à-dire à la double morale de l'âge, explique Pasqualina Perrig-Chiello. Chez les hommes, la maturité est associée à des caractéristiques positives comme la sécurité et l'expérience de la vie, détaille la psychologue. Chez les femmes, ces mêmes attributs sont jugés négativement et considérés comme une perte de féminité.»
«Trop vieille» à 28 ans pour jouer la femme de DiCaprio, 39 ans
Le fait que même les actrices à succès aient une date de péremption est un secret de polichinelle à Hollywood. Ainsi, en 2012, on a déclaré à la star Olivia Wilde qu'elle était «trop vieille» pour jouer le rôle de l'épouse de Leonardo DiCaprio dans «Le loup de Wall Street». Elle avait alors 28 ans, soit onze de moins que Leonardo DiCaprio, alors âgé de 39 ans. Le rôle a finalement été attribué à Margot Robbie, alors âgée de 22 ans.
Kelly McGillis (65 ans) a connu une expérience similaire. L'actrice est devenue une star dans les années 1980, aux côtés de Tom Cruise dans «Top Gun». Ses fans ont été surpris lorsqu'il a été annoncé en 2019 que la star ne serait plus présente dans la suite de «Top Gun: Maverick». L'actrice elle-même avait alors déclaré dans une interview: «Je suis vieille, je suis grosse, j'ai l'air de mon âge. Et cela n'est pas bien vu dans le monde du cinéma.» À sa place, c'est Jennifer Connelly (52 ans), de 13 ans sa cadette, qui a alors joué l'objet du désir de Tom Cruise. Le fait que l'on place une jeune femme aux côtés des stars masculines, même âgées, a une explication simple, pointe la professeure de psychologie Pasqualina Perrig-Chiello: «Un homme qui a du succès doit avoir une jeune femme. Dans notre société, une jeune femme reste un symbole de statut, un trophée.»
Nécessaire remise en question
Comment donc maîtriser cet exercice d'équilibriste entre ne pas vieillir en apparence, mais ne pas avoir l'air refaite pour autant? Il ne faut même pas essayer, recommande l'experte: «Si une femme en milieu de vie se distingue toujours par son attrait extérieur, elle a généralement perdu. Il vaut mieux, en tant qu'actrice, se définir très tôt, en plus de la sexualité et de la beauté, par d'autres valeurs.»
Selon elle, notre société ne peut pas esquiver une remise en question des représentations de la vieillesse. «Nous devenons finalement tous vieux, les femmes encore plus que les hommes», poursuit Pasqualina Perrig-Chiello. C'est pourquoi nous devrions d'urgence nous débarrasser des préjugés négatifs sur le sujet: «Je constate heureusement une lente amélioration, car une nouvelle génération de femmes vieillit actuellement – une génération qui s'oppose à ces stéréotypes de vieilles femmes.»
