Stratégie de dissuasion
À Kaliningrad, la Russie fait planer le spectre d'une guerre nucléaire

Les exercices militaires menés par la Russie avec des missiles à capacité nucléaire dans l'enclave de Kaliningrad mettent les pays de l'UE et de l'OTAN en état d'alerte. Les experts en sécurité tempèrent le risque de déclenchement d'une guerre nucléaire. Explications.
Publié: 06.05.2022 à 16:39 heures
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La Russie a mené mardi un exercice avec des missiles Iskander-M capables de transporter des ogives nucléaires. (Image symbolique)
Photo: IMAGO/SNA
Chiara Schlenz

Depuis plus de deux mois, Vladimir Poutine mène une guerre brutale en Ukraine. Et depuis plus de deux mois, une épée de Damoclès nucléaire plane sur l’Occident. Car le chef du Kremlin ne cesse de brandir la menace de la bombe atomique en cas d'engagement direct de l'OTAN - ou plus généralement des pays occidentaux - dans le conflit.

Mardi, la Russie a annoncé qu’une centaine de soldats s’entraînaient à une attaque nucléaire avec le système de missiles Iskander. Et ce dans l’enclave de Kaliningrad, à proximité immédiate de nombreux pays de l’UE et de l’OTAN. Un conflit nucléaire est-elle vraiment en train de se préparer à la porte de l’Occident?

La Russie veut réduire le risque de guerre nucléaire

Alors que de nombreux éléments laissent penser que la Russie se prépare à une attaque nucléaire, la politique russe se veut rassurante. Le ministre des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a mis en garde la semaine dernière contre le déclenchement d’une Troisième Guerre mondiale. Mais il a également déclaré que la Russie souhaitait réduire au maximum le risque d'une guerre nucléaire.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a lui aussi souligné à plusieurs reprises que la Russie ne voulait utiliser ses armes nucléaires qu’en cas de «menace existentielle». «Nous avons un concept de sécurité intérieure, c’est bien connu», a-t-il déclaré.

Des «armes politiques» de dissuasion

Liviu Horovitz, expert en sécurité internationale et connaisseur de l’OTAN, travaillant à la Fondation Wissen und Politik à Berlin (SWP), observe les signes avant-coureurs avec inquiétude, mais de manière critique. «Il est possible que la Russie ait délibérément choisi de mener cet exercice militaire à proximité de l’OTAN et l’UE», explique-t-il dans un entretien à Blick. En effet, les missiles de type Iskander-M, qui peuvent être équipés d’ogives nucléaires, ne sont pas uniquement stationnés à Kaliningrad.

La menace viserait avant tout les citoyens occidentaux. Il s’agit toutefois d’une action purement politique, selon l'expert. «L’intimidation russe fonctionne bien, car personne ne sait comment on pourrait contrôler une telle escalade nucléaire», précise-t-il.

Son collègue Wolfgang Richter, colonel de la Bundeswehr (l'armée allemande) et expert militaire à la SWP, abonde dans ce sens dans le «Tagesspiegel»: «Toute utilisation d’armes nucléaires briserait le tabou en vigueur depuis 1945: les armes nucléaires ne servent pas à faire la guerre, mais à dissuader. Ce sont des 'armes politiques'. Leur utilisation ne serait une option envisageable que dans des circonstances extrêmes, par exemple lorsque l’existence même d’États dotés d’armes nucléaires, éventuellement de leurs alliés, serait en jeu.»

Une réaction de l'OTAN conduirait à une escalade

Liviu Horovitz est par ailleurs certain que «ces insinuations de la Russie n’ont qu’une faible crédibilité», car jusqu’à présent, non seulement aucune menace nucléaire n’a été mise à exécution, mais aucun préparatif concret n'a été observé. La raison: «La Russie sait que les coûts d’une guerre nucléaire sont trop élevés», explique l'expert. Outre une nouvelle exclusion de la communauté internationale, le pays lui-même risque d’être détruit si l'arme nucléaire est utilisée.

En outre, il estime peu probable que l’OTAN, à la lumière de l’exercice à Kaliningrad, affirme son engagement dans la guerre en Ukraine. «Si l’OTAN réagissait à ces menaces, la situation serait beaucoup plus instable», explique Liviu Horovitz. La situation actuelle est toutefois préoccupante, car il faut remonter à la Guerre froide dans les années 1960 pour trouver trace d'une situation comparable.

(Adaptation par Quentin Durig)

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