Souvenirs de la crise financière de 2008
Déjà sur les nerfs, Wall Street se prépare à davantage de chaos

L’annonce brutale de nouveaux droits de douane par Donald Trump a plongé Wall Street dans la panique. En deux jours, les marchés ont chuté de 10%, réveillant les souvenirs de 2008 et laissant la finance américaine en plein désarroi.
Publié: 07.04.2025 à 06:01 heures
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Dernière mise à jour: 07.04.2025 à 07:13 heures
Déjà au bord de la crise de nerf, Wall Street s'enfonce dans le chaos avec la guerre commerciale de Trump. L'avenir est très incertain (Illustration).
Photo: Getty Images
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Solène MonneyJournaliste Blick

Colère, frustration, anxiété, et surtout peur: Wall Street a vécu un week-end sous haute tension. En cause, l’annonce choc de Donald Trump, mercredi 2 avril, d’imposer de nouveaux droits de douane. En deux jours, ces mesures ont fait s’évaporer des milliers de milliards de dollars en capitalisation boursière. Et si l’élite financière américaine vacille, c’est qu’elle se découvre impuissante face à un président qu'elle ne parvient plus à influencer.

La chute brutale des marchés – 10% en 48 heures – rappelle les pires moments de la crise financière mondiale de 2008. Banquiers, traders et gestionnaires de fonds ont passé le week-end à simuler des scénarios d’urgence, annuler des projets de fusion et anticiper d’éventuels défauts de paiement, révèle le «New York Times», dimanche 6 avril. Comme à l’époque de Lehman Brothers, tous les actifs ont été emportés dans la tourmente: pétrole, métaux, cryptomonnaies, et même le dollar.

La plupart des fonds spéculatifs et investisseurs privés ne communiquent pas quotidiennement ni de manière hebdomadaire les détails de leurs portefeuilles. Il faudra alors attendre plus d'un week-end pour connaitre l'étendue des dégats. Un gestionnaire a admis, sous anonymat, que le sien avait fondu de 1,5 milliard de dollars. «Cela ressemble vraiment à 2008», a déclaré Ran Zhou, un gestionnaire de fonds spéculatifs new-yorkais qui n'a pas quitté son bureau du week-end.

Les soutiens de Trump le lâchent

La particularité de la crise qui touche la place financière américaine, c'est qu'elle semble auto-infligée. L’initiative vient de la Maison Blanche, et l’industrie n’entrevoit aucune main tendue du gouvernement. Le réseau mondial d’interdépendances économiques est volontairement mis à mal, mettant en péril la position dominante des Etats-Unis.

La frustration est palpable jusque chez les soutiens de Trump. Des figures comme le milliardaire Daniel Loeb a écrit sur X, avant de supprimer que «la fête est finie». Ou encore Bill Ackman, également milliardaire et soutien public de Trump a également publié sur X un message appelant à une pause dans l'escalade tarifaire. En cas de refus, celui-ci alerte sur une «récession, potentiellement grave». 

Parmi les récents investissements de Bill Ackaman: Nike. L'entreprise a vu sa stratégie de relocalisation de sa production au Vietnam se retourner contre elle, après l’annonce de droits de douane de 46% sur les importations vietnamiennes.

Quand même du positif

La levée de fonds devient plus difficile, et la revente des actifs compliquée par la détérioration rapide des relations commerciales avec les autres pays. Sur le terrain, les avocats d’affaires et les banques d’investissement, comme Lazard, sont submergés d’appels d’entreprises paniquées. Sans visibilité, leur rôle est désormais de conseiller sans promettre. Chez Goldman Sachs, un haut responsable résume sa frustration vis-à-vis du président américain: «Quelqu’un doit l'arrêter.»

Malgré le climat de panique généralisée, certains signes rassurants émergent. Plusieurs grandes institutions financières soulignent que, même en pleine tourmente, les marchés ont continué à fonctionner de manière fluide, sans défaillance technique majeure. Les plateformes de trading ont tenu bon, et aucun acteur systémique ne semble au bord de l’implosion. Un haut responsable bancaire s’est même dit soulagé, après une réunion de crise, de constater qu’aucun client majeur ne présentait de risque immédiat.

Les grandes banques se taisent

Pour l’instant, les grandes figures de la finance gardent le silence. Jamie Dimon, patron de JPMorgan, a évité les médias et préféré se concentrer sur sa lettre annuelle aux actionnaires qui devraient être publiée ce lundi, malgré ses anciens propos minimisant les risques des droits de douane, estimant même qu'ils étaient bénéfiques aux Américains.

Steve Eisman, l’un des rares investisseurs à avoir prévu la crise de 2008, appelle à l’humilité: «Tout le monde a appris en économie que les guerres commerciales sont mauvaises.» Mais celui-ci a laissé entendre que les Etats-Unis étaient les mieux placés pour prospérer dans ce type de scénarios. 

Alors que les premières conférences de presse bancaires s’annoncent, l’incertitude domine. Pour certains, la crise pourrait encore s’aggraver. Pour d’autres, une sortie de crise pourrait émerger si les pays ciblés par les tarifs parviennent à négocier des accords avec la Maison Blanche, réduisant ainsi les tensions commerciales. Et justement, l'administration Trump a déclaré que plus de 50 pays seraient prêts à négocier avec les Etats-Unis... mais ces discussions pourraient prendre plusieurs mois.

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