Selon le spécialiste de la Russie Ulrich Schmid
Les menaces de recours au nucléaire de Poutine «expriment son désespoir»

Après avoir menacé d'attaque nucléaire l'Ukraine, Vladimir Poutine, fait marche arrière... Avant de menacer le reste du monde. Pour un expert de la Russie, cette rhétorique trahit le désespoir du chef du Kremlin face au conflit en Ukraine.
Publié: 28.10.2022 à 17:27 heures
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Vladimir Poutine a souligné lors d'un discours jeudi qu'il ne prévoyait pas de frappe nucléaire sur l'Ukraine.
Photo: IMAGO/SNA
Chiara Schlenz

«Nous n’avons pas besoin d’une attaque nucléaire contre l’Ukraine. Cela n’a aucun sens, que ce soit politiquement ou militairement.» Les propos du président russe, Vladimir Poutine, en ont surpris plus d’un lors de son discours jeudi soir. Ce dernier a été prononcé à l’occasion d’une réunion du Club Valdaï, un rassemblement national annuel créé par le chef du Kremlin, visant à réunir des journalistes, des politiciens et des scientifiques russes et internationaux.

Peu après cette déclaration de désescalade, le dirigeant russe a toutefois menacé à mi-mot d’autres nations d’une potentielle attaque nucléaire «pour protéger la souveraineté russe et l’intégrité territoriale et pour garantir la sécurité du peuple russe». Comment expliquer une telle rhétorique?

«Il reste peu d’options à Poutine»

«La menace d’avoir recours à l’arme nucléaire est une arme en soi», décrypte pour Blick Ulrich Schmid, professeur de culture et de société russes à l’université de Saint-Gall. Même si une frappe nucléaire sur le territoire ukrainien semble plutôt improbable, le risque d’une attaque contre le reste du monde existe toujours.

Cette posture permet à la Russie de se protéger, d’une certaine manière. Elle empêche l’Occident d’intervenir directement dans le conflit ukrainien et d’envoyer d’autres armes lourdes au pays. «On veut donner à l’Occident l’impression que la Russie est prête à tout», analyse encore l’universitaire de 56 ans.

Et cela semble fonctionner! Jeudi soir, le président des Etats-Unis a de nouveau mis en garde contre une attaque nucléaire russe. «S’il n’a pas l’intention d’utiliser ces armes, pourquoi en parle-t-il toujours?», a questionné Joe Biden jeudi lors d’une interview télévisée accordée à NewsNation.

Pour Ulrich Schmid, ces déclarations trahissent le «désespoir» du président russe vis-à-vis de la situation actuelle. «Face au déroulement précaire de la guerre, il reste peu d’options à Poutine», assure encore le professeur. Ce dernier estime que Vladimir Poutine doit maintenir en vie le mythe de la Russie étant la «deuxième armée la plus puissante du monde».

Le mythe de la «bombe sale»

Le quotidien allemand «Bild» voit encore une autre raison derrière les menaces nucléaires du président russe. Elles serviraient à contraindre l’Occident à entrer en négociation avec la Russie et à forcer la fin de la guerre. Alors que ces menaces semblent fonctionner en Europe, l’Ukraine tient bon et n’a pas eu peur d’assurer que, même en cas de guerre nucléaire, les troupes ukrainiennes continueront de se battre pour leur patrie.

Récemment, l’accusation de la Russie selon laquelle l’Ukraine construirait une «bombe sale» a fait vivement réagir. Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, avait affirmé la semaine dernière, lors d’une conversation téléphonique avec ses homologues français et britannique, que Kiev prévoyait de faire exploser un engin explosif conventionnel, mais enrichi de matières radioactives sur son propre territoire. Cette opération supposée serait menée dans le but de dresser le monde contre la Russie. Les preuves présentées par Moscou pour appuyer ses dires sont cependant sujettes à caution. La guerre rhétorique bat bel et bien son plein...

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