Selon le politologue Peter R. Neumann
L'Occident est tombé en disgrâce: «Le monde est dans une phase de désordre»

Le politologue Peter R. Neumann en est convaincu: l'Occident est tombé en disgrâce auprès du reste du monde. Pour sauvegarder l'ordre mondial libéral, il appelle les pays occidentaux à être «plus modestes» et à «construire de vrais partenariats». Interview.
Publié: 13.12.2022 à 05:59 heures
1/2
Selon le politologue Peter R. Neumann, le pouvoir de l'Occident s'affaiblit.
Photo: zVg / Laurence Chaperon
Chiara Schlenz

Depuis bientôt dix mois, l’Europe est en proie à une guerre sanglante. La Chine – «la plus grande menace» selon les États-Unis – renforce sa puissance et, dans le sillage de la guerre en Ukraine, le continent africain se tourne davantage vers la Russie et la Chine. Le président russe, Vladimir Poutine, a récemment déclaré dans un discours: «Nous entrons dans la décennie la plus incertaine depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.» L’impression qui se dégage est que le monde tel que nous le connaissons est en train de s’écrouler.

Selon Peter R. Neumann, politologue allemand, journaliste et auteur du livre «Die neue Weltunordnung – Wie der Westen sich selbst zerstört» («Le nouveau désordre mondial – Comment l’Occident s’autodétruit»), le chef du Kremlin n’a peut-être pas tout à fait tort.

Un nouvel ordre mondial se dessine

Dans un entretien avec Blick, le politologue affirme lui aussi que «le monde est dans une phase de désordre. Dans une phase dont les historiens diront un jour: 'C’était la phase dans laquelle il était en quelque sorte clair que ce système ne pouvait plus continuer à exister, mais on ne savait pas encore ce qui allait suivre'.» Selon lui, le système international libéral qui s’est établi après la fin de la Guerre froide et qui a été dominé par l’Occident – surtout par les États-Unis – est sous pression. Mais pourquoi?

Peter R. Neumann explique: «C’est lié au fait que des pays comme la Russie sont très insatisfaits de ce système et ont eu le sentiment, au cours des dernières décennies, de n’avoir qu’une part insuffisante du gâteau. C’est également lié au fait que la Chine est une grande puissance qui revendique sa propre place dans l’ordre mondial et qui souhaite en partie établir un système selon d’autres règles. Et c’est aussi lié au fait que nos propres démocraties occidentales sont devenues assez instables à l’intérieur. L’idée d’un Occident uni n’existe plus du tout.»

Selon lui, les États-Unis en sont le meilleur exemple: «Un pays qui n’arrive même pas à organiser une élection qui soit acceptée par le perdant veut parler de démocratie à d’autres pays.» Cela est hypocrite et très peu crédible, critique-t-il. La désintégration de l’Occident de l’intérieur empêche en outre de se préoccuper de son image dans le reste du monde: «Nous sommes trop centrés sur nous-mêmes.» Et c’est là, pour Neumann, le plus grand défi actuel. Le bilan est sombre: «La démocratie est sur la défensive. Nous devons réfléchir sérieusement à la manière de sauver le système occidental pour le siècle prochain.» Comment en est-on arrivé là?

Les graves erreurs de l'Occident

Pour le politologue, il est nécessaire d’analyser le passé avec un œil critique - car c'est la meilleure manière de comprendre la situation actuelle. «Après la fin de la Guerre froide, l’Occident semblait si dominant et les idées occidentales si évidentes que l’on pensait qu’elles se répandraient d’elles-mêmes et ne nécessiteraient aucune explication.» Une erreur. «D’une part, l’Occident était très naïf, mais d’autre part, il était aussi très arrogant, souligne le politologue. Ce mélange a finalement conduit à l’échec de l’Occident et de son idéologie.»

Le résultat de ce cocktail toxique est désormais visible. Car de nombreux États africains n’ont pas perçu l’influence occidentale comme libératrice - bien au contraire! «L’Occident n’a pas réussi à exporter ces valeurs dans ceux qui étaient autrefois les pays du tiers-monde.» Ce qui a souvent prédominé n'est autre que l'exploitation occidentale des ressources et êtres humains de ces pays. Conséquence: les anciennes colonies se sont détournées de l'Occident - et se sont rapprochées de deux autres puissances: la Chine et la Russie. La Chine est par exemple bien mieux perçue en Afrique que ne l'est l'Occident.

Pour Peter R. Neumann, la solution pour sauvegarder l'ordre mondial actuel est claire: «Nous devons devenir plus modestes. Écouter sérieusement les gens en dehors de l’Occident. Reconnaître nos propres erreurs. Et essayer de construire de vrais partenariats.»

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la