Sa famille en quête de vérité
60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

Que s'est-il réellement passé le 21 février 1965, lorsque Malcolm X, icône du mouvement pour les droits civiques, a été criblé de balles à New York? Soixante ans après son assassinat, l'affaire est relancée par sa famille, en quête de vérité.
Publié: 21.02.2025 à 15:31 heures
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Dernière mise à jour: 21.02.2025 à 15:38 heures
Malcolm X s'exprime à l'église méthodiste de Corn Hill, cinq jours seulement avant sa mort.
Photo: IMAGO/USA TODAY Network

Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement «Black Power», notamment pour son héritage en matière de «justice sociale», écrit le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence et quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre? Et comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la «Nation of Islam» puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités? Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 de spectaculaires poursuites au civil, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qui ont, selon elle, joué un rôle à divers degrés dans son assassinat. 

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA. «Nous espérons que la vérité tant attendue éclate, après 60 ans, et que ce qui s'est passé soit documenté», explique à l'AFP la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz. Son père est mort sous ses yeux et ceux de sa mère le 21 février 1965, lorsqu'il a été criblé de 21 balles par plusieurs tireurs en plein discours devant des sympathisants de l'Organisation de l'unité afro-américaine (OAAU).

«Cette dissimulation a duré des décennies»

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et le renseignement américain ont sciemment désengagé les policiers habituellement dévolus à sa protection la nuit du drame. Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement oeuvrent à maquiller leurs agissements, selon la plainte. Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas commenté dans l'immédiat.

«Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de son droit à obtenir justice», juge auprès de l'AFP Maître Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X. «Nous écrivons l'Histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux», se félicite le conseil, spécialiste des dossiers liés aux droits civiques.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et qui ont passé plus de vingt ans derrière les barreaux, ont finalement été innocentés, l'une des plus grandes erreurs judiciaires des Etats-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la ville et de l'Etat de New York.

Des éléments jugées «peu crédibles»

«On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X a eu lieu. On sait qui en est responsable, à mon avis cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore c'est qui a donné l'ordre», observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort. Pour lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont «peu crédibles».

«
Si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur
Abdur-Rahman Muhammad, historien
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Mais «si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur», convient-il. Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant «l'héritage» de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, «ennemi implacable» de la communauté noire, affirme l'historien.

«Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes», anticipe Abdur-Rahman Muhammad. «En gros, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm: lutter.»

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