Sportif, diplômé d'une université prestigieuse et issu d'une famille aisée: sur le papier, Luigi Mangione était promis à un bel avenir. Mais des éléments révèlent la colère contre le système de santé de ce jeune homme, souffrant du dos, soupçonné du meurtre d'un patron américain.
Les enquêteurs ont notamment retrouvé un manifeste où Mangione, 26 ans, critique le système de santé «le plus coûteux du monde, alors que l'espérance de vie d'un Américain est classée au 42e rang mondial». C'est ce qu'a rapporté Joseph Kenny, de la police de New York, sur la chaîne ABC.
Un entourage sous le choc
Arrêté lundi, le suspect a été inculpé pour le meurtre de Brian Thompson, le directeur général de UnitedHealthCare, premier assureur santé privé des Etats-Unis. Cette nouvelle a surpris certaines connaissances du grand jeune homme brun aux cheveux bouclés, qui mettait en avant sa musculature avantageuse sur ses réseaux sociaux présumés.
C'est «un vrai choc», dit à l'AFP un ancien camarade de Luigi Mangione dans un lycée huppé privé de Baltimore, évoquant un garçon alors plutôt «calme» et «intelligent», arrivé premier de sa promotion en 2016. «C'est inimaginable», confie à CNN R.J. Martin, qui a vécu à Hawaï avec le suspect en 2022, se souvenant d'une «personne attentionnée».
«Notre famille est choquée et anéantie par l'arrestation de Luigi. Nous prions pour la famille de Brian Thompson», écrit la famille Mangione dans un communiqué envoyé aux médias par le cousin du suspect, Nino Mangione, élu du parlement local du Maryland (est).
Une famille (très) aisée
La famille Mangione, d'origine italienne, est très connue dans la région de Baltimore, selon le site d'information The Baltimore Banner. Le patriarche, Nick Mangione, avait fait fortune dans l'immobilier, possédant des «country clubs», des maisons de retraite et des stations de radio.
Luigi Mangione «était un fervent croyant dans le pouvoir de la technologie pour changer le monde», explique au New York Times Aaron Cranston, un de ses amis à l'école. Il décrit un passionné d'informatique.
En 2018, le natif du Maryland coprésidait un groupe d'étudiants pour développer des jeux vidéos au sein de l'université de Pennsylvanie, l'une des meilleures du pays. Il en est sorti diplômé en 2020, en ingénierie.
Une colère liée à des problèmes de dos
«Au lycée, j'ai commencé à jouer à beaucoup de jeux vidéos indépendants et des choses comme ça, mais je voulais fabriquer mon propre jeu donc j'ai appris à coder», disait Luigi Mangione, cité dans un article – supprimé depuis – de l'université. Quelles motivations ont poussé ce jeune homme, visiblement bien inséré, à, comme il en est suspecté, abattre froidement en pleine rue à New York le patron de UnitedHealthcare?
Aaron Cranston, l'ami d'enfance, parle d'un garçon qui n'était pas spécialement politisé. R.J. Martin, l'ancien colocataire à Hawaï, se souvient de discussions pour «améliorer le monde», évoquant différents enjeux comme le système de santé. Mais il n'avait pas décelé de colère particulière chez Luigi Mangione.
Les policiers, eux, s'interrogent notamment sur une photo de radio médicale affichée sur le profil du suspect sur le réseau social X. Des problèmes de dos évoqués par R.J. Martin: après une leçon de surf, Luigi Mangione «était resté au lit pendant environ une semaine», dit-il à CNN, assurant que son ami s'était fait opérer récemment.
Manifeste contre le système de santé américain
Le manifeste retrouvé par les enquêteurs et cité par des médias américains semble attester de possibles motivations politiques. Le jeune homme y affirme en effet avoir agi seul et critique nommément UnitedHealthcare, géant de l'assurance santé. Il poursuit en dénonçant des compagnies qui «continuent d'abuser de notre pays pour en tirer un immense profit, simplement parce que les Américains les ont laissées faire». «Franchement ces parasites l'ont bien mérité», poursuit-il.
A son arrivée au Tribunal mardi, le suspect a tenu à adresser un message aux journalistes. Des vidéos le montrent en train des mots qui sont toutefois difficilement compréhensibles. Selon plusieurs personnes présentes sur place il aurait hurlé: «C'est surréaliste, c'est une insulte.»
La mort de Brian Thompson a provoqué un fort émoi. Il a néanmoins suscité des commentaires haineux sur les réseaux sociaux, symbole d'une colère à l'encontre système lucratif accusé de s'enrichir sur le dos des patients.
L'hommage de Mangione à «Unabomber»
En janvier, un profil au nom de Luigi Mangione avait commenté sur internet les écrits de Ted Kaczynski, alias «Unabomber». Ce dernier avait terrifié les Etats-Unis avec des attentats aux colis piégés entre 1978 et 1995.
«Il est facile d'écrire rapidement et sans réfléchir que c'est le manifeste d'un fou, pour éviter de faire face à certains des problèmes gênants qu'il soulève», estime Luigi Mangione. «Mais il est simplement impossible d'ignorer à quel point beaucoup de ses prédictions sur la société moderne se sont avérées prémonitoires».