Rêves immobiliers brisés
Entreprise liquidée, patron introuvable: les clients suisses craignent pour leur argent et leur maison

Le groupe Arras a vendu des maisons en bord de mer en Italie. Les maisons n'étant pas achevées, les clients, dont des Suisses, ont exigé le remboursement de leur argent et ont porté plainte. Le tribunal italien a demandé la liquidation. Le patron est introuvable.
Publié: 08:32 heures
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Une maison de vacances en Sardaigne, à environ un kilomètre de la mer: c'est ainsi qu'elle a été vendue à la famille Costa du canton de Zurich. (Visualisation)
Photo: zVg
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Dorothea Vollenweider

De nombreux rêves immobiliers se sont définitivement envolés. Le groupe Arras a fait perdre de l’argent à plusieurs acheteurs de maisons, en Suisse comme à l’étranger. Séduits par la photo de carte postale idyllique mise en avant sur le site de cette agence immobilière italienne, ils ont cru investir dans de somptueuses résidences de vacances en Sardaigne, en Sicile ou dans les Pouilles. Mais ces promesses sont restées sans suite.

A la place des lotissements de vacances promis, ce sont souvent des ruines à l’abandon que l’on découvre. Désormais, la justice italienne s’intéresse de près à la société immobilière. Selon les informations de Blick, le parquet de Milan a demandé la mise en liquidation judiciaire du groupe Arras.

Les victimes se défendent

Que s’est-il passé? Ces derniers mois, Blick a révélé plusieurs cas de Suisses et Suissesses ayant payé pour une maison de vacances en Italie… sans jamais en voir la couleur. Parmi eux, la famille Costa*, originaire du canton de Zurich. En 2022, elle verse un acompte de 78'000 euros pour une villa en Sardaigne, censée être livrée en 2024. Deux ans plus tard, rien n’a bougé: la maison n'est toujours pas construite.

Le Suisse romand A. Meier* a lui aussi versé un acompte de 80'000 francs au groupe Arras, pour une résidence de vacances à La Maddalena, au nord-est de la Sardaigne. Les travaux devaient débuter en juin 2023 et s’achever fin 2024. Mais là encore, le projet est resté lettre morte.

Le boss de Bulgari floué

Blick sait que de nombreuses autres personnes sont concernées. Elles viennent des Pays-Bas, d’Allemagne… et bien sûr de Suisse. Parmi elles, un nom surprend: Jean-Christophe Babin, patron de la marque de luxe romaine Bulgari. L’éminent homme d’affaires suisse n’est pas seulement un client floué d’Enrico Arras, il a aussi été partenaire du groupe immobilier.

En 2023, Babin investit plus d’un million de francs dans la société et siège brièvement à son conseil d’administration. Il comptait également faire construire une villa, estimée à 414'000 francs. Mais là encore, le chantier n’a jamais vu le jour.

Plaintes pénales et liquidation

Selon les médias italiens, plus de 60 plaintes pénales ont été déposées auprès du parquet de Milan contre le groupe Arras. Elles proviennent de clients lésés, mais aussi de partenaires commerciaux. Début avril, le parquet a officiellement demandé la liquidation judiciaire de l’entreprise. Puis, le 8 avril, coup de théâtre: l’ensemble du conseil d’administration démissionne avec effet immédiat, annonce un communiqué de presse publié par la société elle-même.

Le maître d’œuvre de toutes les activités immobilières du groupe n’est autre que son CEO, Enrico Arras. Pendant longtemps, l'homme de 43 ans a tenté de calmer les inquiétudes de ses clients. Selon lui, il ne s’agissait que de simples retards de chantier. Mais à mesure que la frustration grandissait, il leur a promis des remboursements échelonnés. Promesses qui, elles aussi, sont restées sans suite. C’est à ce moment-là que la justice a commencé à s’intéresser de près à ses activités.

Où est Enrico Arras?

Depuis qu’Enrico Arras a officiellement jeté l’éponge, il reste injoignable: ni les victimes ni Blick n’ont pu le contacter. Toutes les tentatives de le joindre se heurtent au silence. L’ancien CEO a disparu, laissant derrière lui de nombreuses questions sans réponse. Où est passé l’argent versé pour des maisons jamais construites? Les acheteurs reverront-ils un jour leurs acomptes? Et surtout: qui assumera les dommages?

«Ce qu’a fait Enrico Arras a fait grand bruit», confie S. Costa*. Aujourd’hui, il ignore s’il reverra un jour son argent. Mais pour lui, l’enjeu dépasse sa propre perte: « Enrico Arras n'est pas le seul à nous avoir fait perdre nos économies», affirme-t-il. Beaucoup d’autres, dit-il, ont cru à ses promesses jusqu’au bout. Et de conclure sans détour: «Je veux voir Arras en prison pour ce qu’il a fait.»

Les autres victimes, elles aussi, réclament justice. «Cette affaire est embarrassante pour l’Italie, car la majorité des victimes sont des étrangers», déclare Jean-Christophe Babin à Blick. Et d’ajouter: «En Suisse, Monsieur Arras aurait déjà été condamné et probablement emprisonné.» Pour l’heure, Enrico Arras et les autres personnes impliquées bénéficient de la présomption d’innocence.

* Noms modifiés

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