Le règlement en discussion est destiné à organiser une réponse européenne en cas d'afflux massif de migrants dans un pays de l'UE, comme lors de la crise des réfugiés de 2015-2016. Il permet notamment d'allonger la durée de détention des migrants aux frontières extérieures du bloc.
L'accord, annoncé par la présidence espagnole de l'UE, devra désormais faire l'objet de négociations avec le Parlement européen.
Ce texte, dernière pièce du «Pacte asile et migration» de l'UE sur lequel les Etats membres devaient se mettre d'accord, s'étaient heurtée pendant plusieurs mois aux objections de l'Allemagne, pour des raisons humanitaires.
L'Italie récalcitrante
Un compromis avait été élaboré lors d'une réunion des ministres de l'Intérieur, fin septembre, pour obtenir le feu vert de Berlin, mais l'Italie avait alors manifesté son désaccord.
Ses objections portaient sur le rôle des ONG secourant des migrants, selon des sources diplomatiques, Rome reprochant à Berlin de financer plusieurs ONG de secours en Méditerranée, dont certaines opèrent sous pavillon allemand.
La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni avait réclamé la semaine dernière que ces ONG fassent débarquer les migrants dans les pays dont leurs bateaux battent pavillon. Le compromis adopté mercredi a finalement reçu le soutien de l'Italie comme de l'Allemagne.
La question migratoire toujours discutée
La Commission européenne et l'Espagne, qui exerce la présidence semestrielle du Conseil de l'UE, avaient exprimé leur confiance sur les perspectives d'un accord avant le Conseil européen informel qui se tient vendredi à Grenade (sud de l'Espagne). La brûlante question migratoire sera au coeur des discussions des chefs d'Etat et de gouvernement.
La paralysie de ce «règlement de crise» suscitait la frustration au sein de l'UE, face à la hausse des arrivées de migrants à ses frontières extérieures et la situation sur l'île italienne de Lampedusa.
Le texte prévoit, en cas d'afflux «massif» et «exceptionnel» de migrants, la mise en place d'un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d'asile que les procédures habituelles.
Mécanismes de solidarité
Il prolonge la durée possible de détention d'un migrant aux frontières extérieures de l'UE, jusqu'à 40 semaines, et permet des procédures d'examen des demandes d'asile plus rapides et simplifiées pour un plus grand nombre d'exilés (tous ceux venant de pays dont le taux de reconnaissance, c'est-à-dire le taux de réponse positive aux demandes d'asile, est inférieur à 75%), afin de pouvoir les renvoyer plus facilement.
Il prévoit par ailleurs un déclenchement rapide de mécanismes de solidarité envers l'Etat membre confronté à cet afflux, sous la forme notamment de relocalisations de demandeurs d'asile ou d'une contribution financière.
Lors d'une réunion en juillet, la majorité nécessaire à l'adoption de ce règlement n'avait pas été atteinte. L'Allemagne s'était notamment abstenue en raison de l'opposition des Verts, membres de la coalition au pouvoir, qui réclamaient des aménagements pour les mineurs et les familles.
«Un grand pas en avant»
Pour pousser les Vingt-Sept à s'accorder sur ce règlement, le Parlement européen a décidé de mettre sur pause les négociations déjà entamées avec les Etats membres sur deux autres textes du paquet migratoire, visant à renforcer la sécurité aux frontières extérieures.
Mais l'accord conclu mercredi «constitue un grand pas en avant, et nous sommes désormais dans une meilleure position pour parvenir à un accord sur l'ensemble du Pacte asile et migration avec le Parlement d'ici la fin de ce semestre», a assuré le ministre espagnol de l'Intérieur Fernando Grande-Marlaska Gomez.
L'objectif affiché est en tout cas d'aboutir à une adoption de ce Pacte, présenté en septembre 2020 par la Commission européenne et comprenant une dizaine de législations, avant les élections européennes de juin 2024.
Abstentions et oppositions
Lors du vote mercredi, l'Autriche, la Slovaquie et la République tchèque se sont abstenues mercredi tandis que la Pologne et la Hongrie s'y sont opposées, selon une source diplomatique.
«Nous appelons Bruxelles à mettre immédiatement fin à cette politique migratoire, aux quotas de réinstallation obligatoires (...) La pression migratoire croissante sur l'Europe centrale est entièrement imputable à Bruxelles» qui «soutient le modèle économique des passeurs», a réagi le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto.