Réfugiés ukrainiens en Pologne
«Le plus important, c’est que j’ai pu sauver les enfants»

Laissant leur vie derrière eux, ils fuient la guerre que Poutine a amenée dans leur pays. Des dizaines de milliers d'Ukrainiennes et des Ukrainiens traversent chaque jour la frontière avec la Pologne pour se mettre à l'abri. Blick est allé en reportage sur place.
Publié: 04.03.2022 à 06:13 heures
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Dernière mise à jour: 04.03.2022 à 06:41 heures
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Lesya, 44 ans, a fui Lviv avec ses petits-enfants.
Photo: Samuel Walder
Samuel Walder et Benjamin Fisch

C’est à Medyka, à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne, qu’arrivent les victimes des actions de Poutine. Des dizaines de milliers de réfugiés de guerre ukrainiens, presque exclusivement des femmes et des enfants, traversent chaque jour la frontière. Ils ont dû tout quitter pour fuir la guerre qui s’est abattue sur leur pays. Blick s’est rendu à la frontière ukrainienne à l’ouest de Lviv, à la rencontre de ces déracinés. Ils étaient déjà plus d'un demi-million sur le sol de leur pays voisin du nord-ouest, jeudi.

Du côté polonais, les Ukrainiens sont accueillis par des amis et des parents ainsi que par une foule de bénévoles. Ce sont des scènes d’où émane un profond soulagement, mais aussi de la peur et de l’inquiétude. Ici, presque tout le monde a dû se séparer de proches. Les hommes en âge de combattre n’ont pas le droit de quitter le pays. «Mon père se bat contre la Russie», confie une jeune femme avant de fondre en larmes. Des millions d’individus ne peuvent pas quitter les villes. Il ne reste donc aux réfugiés que des photos de leurs proches. Et l’espoir de les revoir un jour.

Lesya, 44 ans, a fui la ville de Lviv avec ses petits-enfants. Elle raconte avec émotion: «Ma fille est médecin et est restée en Ukraine pour aider. Les gens m’ont très bien accueillie ici en Pologne. Malgré tout, je veux rentrer au plus vite dans mon pays. Ça me fait de la peine. Et j’ai peur pour tous les membres de ma famille qui sont restés. Mais le plus important, c’est que j’ai pu sauver les enfants.»

«Certains ont marché pendant des jours»

«Nous essayons simplement d’aider là où nous le pouvons, explique l’un des bénévoles à Blick. Les gens qui arrivent ici sont dans un sale état. Certains ont marché pendant des jours.» Les Ukrainiens ont beaucoup de gratitude face à cet élan de solidarité. «Merci d’être à nos côtés», ne cesse-t-on d’entendre.

À 12 kilomètres de la frontière, les autorités ont mis en place un centre d’accueil provisoire avec l’aide de bénévoles. Des tentes et des stands sont installés sur le parking d’un centre commercial. Des volontaires préparent de la soupe et du thé pour les Ukrainiens qui ont fui la guerre. Un jeune homme distribue des cartes SIM. D’autres organisent la suite du parcours en voiture privée. Chacun aide comme il le peut.

Olga, qui vient de Zaporijia, espère que son périple est arrivé à terme. «Je suis seule ici, mais le reste de ma famille est aussi en route pour la Pologne. J’espère que je pourrai rester. Sinon, je ne sais pas où aller. Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie! Ce que les Russes font en Ukraine, c’est une guerre entre frères. Nous sommes pourtant égaux. Je souhaite simplement la paix.»

Des dizaines de milliers d'exilés supplémentaires

Personne ne reste longtemps au centre d’accueil. Des trajets en bus gratuits permettent de continuer vers d’autres villes. Les réfugiés, épuisés, trouvent refuge dans un hôtel ou sont accueillis chez un particulier. Pour l’instant, ce n’est pas la place qui manque, rapporte à Blick la bénévole Anna Strelec. Reste à savoir si cela va durer. Dans les prochains jours, ce sont des centaines de milliers d'exilés supplémentaires qui sont attendus. Anna Strelec est optimiste quant au fonctionnement du centre d’accueil: «C’est le chaos, et pourtant ça fonctionne. Il y a suffisamment de bénévoles pour aider.»

Aleksandr, un Polonais de 37 ans, est venu prêter main-forte bénévolement: «C’est le strict minimum que l’on puisse faire. Moi aussi, j’ai de la famille et des amis en Ukraine, comme presque tous ceux que je connais. Je suis en contact avec eux tous les jours, je souffre avec eux. Poutine se contentera-t-il d’attaquer l’Ukraine? Je ne sais pas, personne ne peut le dire. Personne n’est à l’abri.»

La présidente d’Amnesty International Suisse, Alexandra Karle, estime que près d’un million de personnes fuient actuellement les troupes russes. Elle dénonce le fait que pour Vladimir Poutine, les vies humaines n’ont manifestement pas beaucoup de valeur. «Nous pouvons prouver que la Russie ne fait pas la différence entre les cibles militaires et les civils. Que des bombes à fragmentation, bien que proscrites au niveau international, sont aussi tombées dans des zones résidentielles, sur des écoles, des hôpitaux et des jardins d’enfants. Et que des enfants ont perdu la vie», assène-t-elle.

«Des villes entières ont été rasées»

Pour Amnesty International, le fait que la population civile soit toujours davantage impliquée dans les combats a été planifié: «Les Russes s’en prennent à la population civile afin de la démoraliser.»

Même si la guerre s'arrêtait subitement, les blessures qui en découlent seraient encore visibles longtemps en Ukraine. «Des villes entières ont été rasées. Il faudra des mois, voire des années, pour reconstruire les infrastructures. Des ponts ont été dynamités, des rues entières détruites», soupire Alexandra Karle.

Alexandra Geresh, 19 ans, témoigne de l’horreur qu’elle a vécu avant de quitter Ivano-Frankivsk. «Notre ville a été bombardée par les occupants russes, bien que nous habitions loin de Kiev. Je ne m’attendais pas du tout à ce que la Russie bombarde aussi l’ouest de l’Ukraine. J’ai peur et je suis fatiguée. Mais je suis reconnaissante d’avoir réussi à passer la frontière avec ma sœur.»

L’experte prévoit que de nombreux réfugiés ukrainiens se dirigeront vers la Suisse, car ils y ont de la famille et des amis: «Le Conseil fédéral a annoncé dimanche que la Suisse accueillerait elle aussi des réfugiés. Nous appelons à ce que cela se passe de la manière la plus simple possible. Et que les gens reçoivent une aide rapide et efficace.»

(Adaptation par Jessica Chautems)

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