Lors d'une conférence de presse en ligne organisée à la fin de son séjour dans le pays, Michelle Bachelet a rappelé que sa visite, dont la presse étrangère était exclue, ne constituait «pas une enquête». Selon l'ex-présidente chilienne âgée de 70 ans, ce séjour de six jours lui a cependant permis de parler avec «franchise» aux dirigeants communistes de la répression menée au Xinjiang (nord-ouest) au nom de l'antiterrorisme.
Cette région chinoise a longtemps été le théâtre d'attentats sanglants visant des civils et commis, selon les autorités, par des séparatistes et islamistes ouïghours - le principal groupe ethnique de la région. Le Xinjiang fait ainsi l'objet depuis quelques années d'une surveillance draconienne. Des études occidentales accusent Pékin d'avoir interné plus d'un million de Ouïghours et de membres d'autres groupes ethniques musulmans dans des «camps de rééducation», voire d'imposer du «travail forcé» ou des «stérilisations forcées».
Les Etats-Unis évoquent un «génocide» et ont exprimé samedi leur «préoccupation» quant aux «efforts» de Pékin «pour restreindre et manipuler ce déplacement», a déclaré le Secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. Il s'est dit «troublé par des informations selon lesquelles les habitants du Xinjiang ont été avertis de ne pas se plaindre ou de parler ouvertement des conditions dans la région.»
La Chine dénonce des rapports biaisés et parle de «centres de formation professionnelle» destinés à développer l'emploi et à éradiquer l'extrémisme. Elle dément toute «stérilisation forcée», disant uniquement appliquer la politique nationale de limitation des naissances. Des associations de défense des droits humains et des membres de la diaspora ouïghoure accusent Pékin d'avoir pris dans les mailles de sa campagne antiterroriste des personnes n'ayant commis aucun crime.
Appelée à démissionner
Selon eux, des Ouïghours auraient été internés sur la seule base d'un extrémisme supposé, en raison d'une barbe trop longue, d'un voyage suspect à l'étranger ou de croyances religieuses jugées trop poussées. Michelle Bachelet a ainsi appelé samedi la Chine à éviter les mesures «arbitraires et sans discernement» au Xinjiang, tout en dénonçant les «actes violents d'extrémisme».
Des paroles jugés trop conciliantes par le Congrès mondial ouïghour, une organisation d'exilés basée en Allemagne et considérée comme séparatiste par Pékin. «Si une Haute-Commissaire aux droits de l'homme garde le silence, c'est qu'elle manque à ses devoirs», a-t-il fustigé dans un communiqué. «Démissionner est la seule chose significative qu'elle puisse faire.»
L'organisation de défense des droits humains Amnesty International a déploré le fait que Michelle Bachelet soit tombée dans une «très prévisible manoeuvre de propagande du gouvernement chinois». Les médias officiels chinois ont rapporté cette semaine qu'elle avait loué les progrès de la Chine en matière de droits humains - des propos que les services onusiens n'ont ni démentis, ni confirmés.
Globalement, ils ont couvert ses déplacements a minima, ne rapportant que des comptes-rendus très policés de ses rencontres avec le président Xi Jinping et le ministre des Affaires étrangères Wang Yi. «Certains pays occidentaux, animés d'arrière-pensées, s'étaient donné beaucoup de mal pour perturber et saper la visite de la Haute-Commissaire. Leur manigance a échoué», s'est félicité samedi soir Ma Zhaoxu, un vice-ministre chinois des Affaires étrangères.
Un rapport reporté de nombreuses fois
Amnesty International a appelé Michelle Bachelet à publier au plus vite son rapport sur le Xinjiang, dont la publication a été maintes fois reportée, faute de quoi cela «reviendrait à trahir les victimes et leurs familles». Beaucoup de Ouïghours disent ainsi n'avoir pas de nouvelles de leurs proches emprisonnés.
«Cette question et d'autres ont été soulevées avec les autorités», a assuré Michelle Bachelet, ajoutant qu'elle avait «soulevé beaucoup de cas». La Haute-Commissaire a fermement défendu son séjour, assurant avoir pu avoir avec les personnes qu'elle désirait rencontrer au Xinjiang un accès «non supervisé» par les autorités.
Michelle Bachelet dit avoir rencontré, entre autres, des membres de la société civile et le chef du Parti communiste chinois dans la région. Cette visite en Chine était la première d'un Haut-Commissaire aux droits de l'homme en 17 ans. Elle fait suite à d'âpres négociations entre l'ONU et Pékin.
Michelle Bachelet s'est rendue au Xinjiang dans la capitale régionale, Urumqi, et dit avoir visité dans la ville de Kashgar une prison, où elle a notamment vu des prisonniers, décrivant son accès comme «assez ouvert, assez transparent». Le gouvernement du Xinjiang lui a, selon elle, assuré que le réseau de «centres de formation professionnelle» avait été «démantelé». Michelle Bachelet a déclaré avoir visité l'un de ces anciens centres.
Les détails de sa visite n'ont pas été rendus publics. L'ex-présidente chilienne, au nom de la situation épidémique en Chine, était dans une bulle sanitaire qui l'a tenue à l'écart de la presse étrangère.
(AFP)