Elle a le même âge que lui: 31 ans. À part ça tout les oppose. D’un côté, un petit délinquant toxicomane devenu meurtrier et ennemi public numéro un en France. De l’autre, l’une des plus brillantes avocates du pays, ambitieuse, reconnue pour son éloquence et respectée par ses pairs.
La situation ne manque pas d’ironie: la défense de Salah Abdeslam, principal accusé fondamentaliste dans le procès des attentats du Bataclan, un homme aux idées misogynes, se trouve entre les mains d’une femme.
Depuis le début du mois de septembre, le Palais de justice de Paris traite de la série d’actes terroristes lors desquels 130 personnes ont été tuées en novembre 2015. Les attentats étaient survenus devant le Stade de France, sur des terrasses de bars et de restaurants dans les 10e et 11e arrondissements de Paris, et dans la salle de concert du Bataclan.
La semaine passée, des survivants et des proches ont pris la parole pour la première fois. Dans le box des accusés, quatorze hommes dont le client d’Olivia Ronen, seul survivant de l’attaque terroriste. Selon les enquêteurs, il avait conduit trois des kamikazes au Stade de France et portait lui-même une ceinture d’explosifs. Mais il ne l’a jamais actionnée.
Défendre les indéfendables
Presque trois ans plus tard, pendant l’été de 2018, à la prison de Fleury-Mérogis, le détenu numéro 444806 contacte la jeune avocate, à peine connue du public à l’époque, depuis sa cellule de haute sécurité. Selon certaines sources, il avait vu Olivia Ronen dans une émission de télévision sur les rapatriés français de Syrie.
Olivia Ronen a déjà dû défendre des individus extrémistes. Elle avait été l’avocate d’un homme lié à l’attentat de Nice en 2016, mais aussi de militants d’extrême droite. Son sourire, souvent bref, cache une détermination inébranlable. Elle ne semble pas accorder beaucoup d’importance aux accusations haineuses et aux médias qui lui reprochent sa discrétion depuis le début du procès. «En tant qu’avocate, vous ne pouvez pas avoir peur de ne pas plaire ou de choquer», avait-elle expliqué dans l’une de ses rares interviews, avant d’ajouter: «Sinon, autant rester à la maison».
Les récits des témoins de la semaine passée sont glaçants. Les personnes présentes sur les lieux parlent de «confettis de chair» après qu’un des terroristes s’est fait exploser dans la salle du Bataclan. Certains mentionnent les «dents brisées, des téléphones portables vibrants sous un tas de cadavres». Un jeune homme à la barre des témoins raconte comment il a vécu la nuit du crime sur la terrasse du restaurant «Le Carillon». Il imite le tir d’une Kalachnikov et décrit l’horreur: «Il a fallu quatre jours pour retrouver toutes les parties du corps de mon ami. Les sept balles qu’il avait reçues l’avaient déchiqueté».
«Plus les faits sont graves, plus la défense doit être totale»
Les attentats rassemblent un million de pages de procédure. Lorsqu’on lui demande pourquoi elle défend un client en partie responsable de l’attaque terroriste, Olivia Ronen répond toujours la même chose: «Plus les faits sont graves, plus la défense doit être totale, sans concessions.»
Les audiences des survivants dureront encore au moins quatre semaines, et les accusés ne témoigneront pas avant début 2022. Le client d’Olivia Ronen risque la prison à vie. Malgré son talent, il est peu probable que l’avocate soit en mesure de modifier cette sentence.