Lors d'un entretien filmé avec le blogueur militaire Semen Pegov, proche du Kremlin, le patron de Wagner Evgueni Prigojine a été mis à mal. L'utilisation des nouvelles recrues comme chair à canon en Ukraine, un taux de mortalité astronomique, des rapports sur les exécutions de mercenaires et la critique à haute voix d'Evgueni Prigojine contre le Ministère russe de la Défense: Semen Pegov, bien préparé, savait exactement comment faire transpirer le chef des mercenaires.
Le plan du boss de Wagner visant à discréditer le Kremlin et à sauver sa propre réputation lors de l'entretien a lamentablement échoué. Il a certes pu donner un coup de pouce en prédisant que la conquête du Donbass pourrait prendre jusqu'à deux ans. Il est toutefois de plus en plus évident que le Kremlin tente d'écarter le sulfureux homme d'affaires.
C'est la conclusion à laquelle parvient le groupe de réflexion américain Institute for the Study of War (ISW) dans un rapport de situation. Le Kremlin tente par tous les moyens de mettre fin à l'influence d'Evgueni Prigojine.
Evgueni Prigojine mis sur la défensive
Le Kremlin a entre-temps retiré au chef des mercenaires déployés notamment en Ukraine le droit de recruter dans les prisons. Ces derniers jours, l'affirmation d'un blogueur militaire de Wagner a en outre fait le tour de la Toile, selon laquelle les médias russes auraient été expressément enjoints dans un document de ne plus mentionner Wagner et Evgueni Prigojine dans leurs reportages sur l'«opération spéciale» en Ukraine. La raison en serait sa rivalité avec le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, ainsi que le danger que Prigojine représente pour le président, Vladimir Poutine.
«Ils ne veulent apparemment pas le faire entrer en politique parce qu'il est si imprévisible. Ils ont un peu peur de lui», a récemment déclaré le politologue pro-Poutine Sergei Markov au «New York Times». L'ISW soupçonne même un piège du Kremlin dans cette interview. L'opinion publique russe devait être consciemment rendue attentive aux mauvais côtés de la troupe Wagner, analysent les experts militaires.
Lorsque Evgueni Prigojine a accepté de participer à l'interview du blogueur Semen Pegov, il s'est probablement cru en position de force, les cartes en mains, puisqu'il avait l'occasion de laver son nom en public. Il n'en a rien été: l'homme qui s'est fait connaître autrefois sous le nom de «cuisinier de Poutine» s'est retrouvé sur la défensive.