Selon les communiqués russes, 5 Su-27 ont été détruits par une frappe de missile sur la base de Myrgorod, à 150 kilomètres de la frontière russe, un hélicoptère Mi-24 a été détruit, également par un tir de système Iskander à Poltava, à une centaine de kilomètres de la Russie, et un Mig-29 a été détruit encore par un Iskander, sur la base de Dolguintsevo, à quelque 80 km de front et 200 de la Crimée annexée, qui sert de base arrière aux forces russes.
Dans les trois cas, les Russes ont publié des vidéos tournées par un drone, des images lourdes de sens qui signifient que l'appareil a pu s'enfoncer profondément en territoire ukrainien et voler longuement au-dessus des bases sans se faire abattre ou repérer, avant de transmettre les coordonnées précises au système Iskander pour qu'il tire ses missiles balistiques 9M723.
«Le principal problème est le manque de systèmes de défense anti-aérienne de très courte portée des Ukrainiens. La capacité des Russes à faire voler leurs drones si profondément en Ukraine pour fournir des coordonnées vient essentiellement de cette faiblesse», analyse pour l'AFP Konrad Muzyka, le directeur de Rochan Consulting, entreprise polonaise d'analyse de données en source ouverte sur la Russie et l'Ukraine.
Rareté des ressources
Pour envoyer leurs drones si loin, «la Russie peut avoir recours à un second drone servant de relais de télécommande pour augmenter la portée», explique une source industrielle européenne du secteur de la défense, sous couvert d'anonymat.
Mais au-delà du problème du drone, les Ukrainiens pourraient aussi frapper le missile avec leurs systèmes anti-missiles comme les Patriot ou Iris-T SLM ou SAMP/T donnés par les Occidentaux. Mais là encore, ils font face au problème de la rareté de leurs ressources, surtout face à des Russes qui attaquent dans la profondeur les villes, les centrales électriques, etc.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky ne cesse de plaider auprès des Occidentaux pour qu'ils accélèrent leurs livraisons de ces batteries, d'armes et d'avions, d'autant que la quasi-totalité de la population vit désormais avec les pénuries d'électricité provoqué par les bombardements russes.
«Choix difficiles»
«L'Ukraine a un nombre limité de systèmes (anti-aériens) à longue portée et il doivent faire des choix. Ils ne peuvent pas couvrir les villes, les infrastructures critiques, les bases aériennes», résume Konrad Muzyka.
Dans cette guerre d'attrition, «les planificateurs ukrainiens doivent constamment faire des choix difficiles et les adapter, parce que l'aide occidentale est insuffisante pour protéger toutes les cibles que peut choisir la Russie», estime aussi Alessandro Marrone, directeur du programme défense du centre de recherche italien IAI.
A elles seules, «ces frappes ne vont pas changer le cours de la guerre, mais ce sont des signaux inquiétants qui soulignent que la Russie se prépare à contrer le déploiement des F-16» que les Occidentaux ont promis aux Ukrainiens. Réclamés depuis le début de la guerre par l'Ukraine dont la flotte composée d'appareils soviétiques peu nombreux face à l'armada volante des Russes, une soixantaine de ces avions multi-rôle américains ont été promis par les Occidentaux pour cet été.
Objectif reprise de contrôle du ciel ukrainien
Volodymyr Zelensky a martelé avoir besoin de 120 à 130 de ces appareils pour faire la différence, l'Ukraine s'étant fixé pour objectif de reprendre le contrôle de son ciel en 2024, un but qui semble en l'état très ambitieux.
«En 2024, la priorité est de chasser la Russie du ciel, car celui qui contrôle le ciel déterminera quand et comment la guerre va se finir», a dit en janvier au Forum économique de Davos le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba. Selon une source militaire européenne, les tout premiers F1-6 sont arrivés sur le sol ukrainien, mais n'ont pas encore commencé leurs missions.
«Je pense que les Ukrainiens vont devoir les bouger souvent», estime Konrad Muzyka, qui pense que les Ukrainiens ont pris en compte les contraintes logistiques que cela implique. Les avions «ne seront sans doute pas près du front, mais bien sûr, cela dépendra des options dont ils seront équipés et de leurs missions». En revanche, estime-t-il, «les F-16 seront en mesure de contrecarrer la capacité russe à conduire ce type de frappes (sur les bases aériennes, ndlr) en ciblant soit le drone, soit le missile».