Première pour un ancien président
Trump face aux juges: un spectacle autant qu'un moment historique

Pour la première fois dans l'histoire ce mardi à New York, un ancien président américain comparait devant la justice. Donald Trump est mis en cause dans une affaire de transactions suspecte. Mais face aux juges, il peut encore l'emporter.
Publié: 04.04.2023 à 21:36 heures
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Dernière mise à jour: 05.04.2023 à 10:21 heures
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La force de l'ancien président Américain est sa pugnacité. Comme magnat de l'immobilier, Donald Trump a passé sa vie à affronter les plaintes et la justice. Sa comparution pourrait le galvaniser.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Un combat de plus. Et pas n’importe lequel! Ce mardi 4 avril, c’est le «combat judiciaire de sa vie» que va entamer Donald Trump, au tribunal de Manhattan, après son inculpation pénale par un «grand jury» (une vingtaine de citoyens chargés de formuler l’accusation dans le système pénal de l’État de New York), sur la requête du procureur Alvin Bragg.

Ce dernier accuse l’ex-locataire de la Maison-Blanche d’avoir commis trente quatre infractions et fraudes et d’être responsable d’un système de paiement d’argent occulte et de dissimulation destiné, entre autres, à faire taire l’actrice porno Stephanie Clifford, alias Stormy Daniels, en 2016. L’intéressée affirme avoir eu des relations sexuelles avec le candidat Trump et avoir accepté de sa part 130'000 dollars de son ancien avocat, Michael Cohen, en échange de son silence, pour ne pas ruiner ses chances d’être élu contre Hillary Clinton. Deux autres personnes au moins ont bénéficié des faveurs financières de Trump: une modèle du magazine Playboy, Karen Mc Dougal, et un ancien portier de la Trump Tower à New York. Objectif à chaque fois ? S'assurer de leur silence.

Donald Trump va désormais tout faire pour éviter un procès. Mais même si celui-ci devait avoir lieu, peut-il s’en sortir? La réponse est oui. Pour au moins trois raisons, assurées de renforcer sa popularité au sein de sa base électorale, qu'il a de nouveau cherché à rallier dans son allocution de mardi soir à Mar-A-Lago, en Floride.

Trump a choisi d’affronter les juges

Cette stratégie offensive pourrait se révéler payante pour l’ex-promoteur immobilier qui a toujours affirmé être la cible des juges. Son aller-retour entre la Floride et New York (il devrait s’exprimer mardi soir, heure des États-Unis, depuis sa résidence de Mar-a-Lago) est déjà le feuilleton politique de l’année 2023. De l’autre côté de l’Atlantique, une bonne partie du pays va suivre l’arrivée de Trump au tribunal de Manhattan, puis la lecture de l’acte d’accusation, et ses réponses qui devraient durer trente minutes. Est-il coupable ou pas? À la limite, peu importe.

Ce que veut Trump, c’est montrer qu’il ne craint personne et décrédibiliser, par là même, tous ceux qui ont dans le passé travaillé pour lui, comme son ancien avocat Michael Cohen, condamné à trois ans de prison (il a purgé une peine de treize mois derrière les barreaux et deux ans d’assignation à résidence) pour infraction aux règles de financement de campagne. La thèse de Donald Trump ne surprendra pas: l’ancien président des États-Unis affirme être la victime d’une campagne de déstabilisation pour l’empêcher de se présenter de nouveau en 2024.

Affronter les juges est sa spécialité: jusqu’au bout, après l’élection perdue de novembre 2020 face à Joe Biden, Trump a multiplié les recours en justice. Il avait même tenté, en vain, de forcer la main de son ministre de la Justice William Barr pour retarder la publication des résultats. Dans son livre de mémoires, best-seller aux États-Unis, celui-ci prend sa revanche: «En 2024, il nous faut un autre candidat que Trump» écrit-il.

Trump peut se défausser sur Michael Cohen

Quoi de plus facile, pour Donald Trump, que d’accuser de mensonges son ancien avocat Michael Cohen? Quoi de plus simple, pour l’ancien magnat new-yorkais, que de présenter son ex-conseil juridique comme un «traître» qui a accepté de négocier avec le procureur Alvin Bragg? Le fait est que les accusations retenues contre l’ancien président passent toutes, ou presque, par ce juriste de 56 ans, qui déclarait jadis «être prêt à prendre une balle» pour protéger son patron. De son propre aveu, c’est lui qui a payé, «de sa poche», les 130'000 dollars empochés par Stormy Daniels.

Pour mener cette contre-offensive, Donald Trump compte sur un autre avocat New-Yorkais, Robert Costello. «J’ai écouté Michael Cohen se tenir devant le tribunal et dire des choses qui sont directement contraires à ce qu’il nous a dit, a déclaré celui-ci lundi 3 avril, juste avant la comparution historique de l’ancien président américain. Il est temps que le jury comprenne exactement qui est Michael Cohen et ce qu’il était à ce moment-là». Le choix de Costello est habile, car il a dans le passé secondé Michael Cohen.

Avant l’inculpation de Donald Trump, une première pour un président américain, Robert Costello avait déclaré à CNN avoir remis «des centaines de documents au procureur de Manhattan, dont plus de 300 courriels liés à Michael Cohen, de nature à contredire les déclarations publiques de celui-ci au sujet des paiements occultes qu’il admet avoir facilités».

Trump et les femmes, une histoire qui nourrit sa légende

Donald Trump n’a guère de raisons de redouter les accusations de Stormy Daniels, 44 ans. Quoi qu’elle dise, l’ex-actrice de films X sera réduite, dans l’opinion, au rang de semi-prostituée à la recherche de lumière et d’argent. Il faut se souvenir que Trump a collectionné, dans le passé, les histoires sordides avec des femmes qu’il a insultées, ou cherché à faire taire.

On se souvient de l’enregistrement qui avait fait surface en 2016 à Hollywood: le candidat Républicain jurait avoir «essayé de baiser une actrice déjà mariée». Puis, il avait fait étalage de ses prouesses de prédateur sexuel: «Je commence à les embrasser. C’est comme un aimant. J’embrasse, c’est tout. Je n’attends même pas. Et quand vous êtes une star, ils vous laissent faire. Tu peux faire n’importe quoi». La fin est connue: «Attrape-les par la chatte. Tu peux tout faire»… Ce qui ne l’avait pas empêché d’être élu face à Hillary Clinton. Il est vrai que le mari de celle-ci, l’ancien président Bill Clinton, avait, lui aussi, été dans le passé accusé d’être un prédateur sexuel.

Bien sûr, cette affaire et cette inculpation vont mobiliser encore davantage les anti-Trump. Les féministes qui ont juré sa perte vont être galvanisées. Et après? «Trump a transformé la masculinité en arme en tant que président» assénait, après son élection, la radio publique américaine NPR. «Pourquoi les gens restent-ils avec Trump? Son attrait de «mâle alpha»» tranche le Washington Post.

Et le quotidien de la capitale fédérale américaine de poursuivre: «Qu’il s’agisse de se vanter de la taille de son pénis à la télévision nationale ou de publier des rapports sur son taux élevé de testostérone, la rhétorique et le comportement du président Trump respirent le machisme. Son comportement semble également avoir touché une corde sensible chez certains électeurs masculins. Voir, par exemple, les T-shirts «Donald Trump: Enfin «quelqu’un qui a des couilles», que l’on voit souvent dans les rassemblements de Trump […] Il semble attirer davantage les hommes qui manquent secrètement de confiance en leur virilité.»

Un procès historique à Manhattan? Oui. Mais celui-ci pourrait bien aussi, avec le renfort des médias ultra-conservateurs et de ses partisans sur les réseaux sociaux, se transformer en un redoutable tremplin électoral…

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