Un retour sur la pointe des pieds
Melania Trump, la résistance d'une première dame

L'épouse de Donald Trump est tout sauf une groupie inconditionnelle de son mari redevenu président. Elle a déjà prévenu, d'ailleurs, que son retour à la Maison-Blanche se fera sur la pointe des pieds.
Publié: 16.01.2025 à 15:03 heures
|
Dernière mise à jour: 16.01.2025 à 15:10 heures
Depuis la réélection de son époux, Melania Trump affiche toujours la même moue.
Photo: Getty Images

Chaque expression de son visage sera guettée. Chacun de ses gestes sera commenté. Logique. Pour les commentateurs familiers de la Maison-­Blanche, son regard en dira bien plus, le 20 janvier, que la déclaration formelle de son époux, redevenu président des Etats-Unis.

Sur les marches du Capitole à Washing­ton, en cette journée historique qui verra le 47e président prendre ses fonctions, Melanija Kavs, alias Melania Knauss-Trump, sera celle dont tout le monde voudra décrypter les émotions. Est-elle prête à rejouer le jeu de la «première dame la plus séduisante de la planète», comme Donald Trump aime la présenter devant ses homologues et face aux journalistes? 

Sera-t-elle cette première dame de fer qui continuera de dicter son agenda à l’homme le plus puissant de la planète, la seule peut-être, au sein de l’entourage du nouveau chef de l’Etat, à pouvoir tenir tête à Elon Musk, son désormais inséparable associé? Ou n’est-elle, au fond, que l’actrice douée – et sans doute très bien rémunérée – d’une histoire familiale et politique dont elle prend soin, depuis son mariage soigneusement chorégraphié, d’écrire chaque phrase du scénario? La preuve: le géant Amazone lui a signé un contrat de 40 millions de dollars pour un documentaire consacré à sa vie.

Plus qu’un nom, un prénom

Une chose est sûre: à 54 ans (elle est née le 26 avril 1970 à Novo Mesto, en Slovénie, près de la frontière de son pays natal avec la Croatie), Melanija-Melania n’a plus besoin de se faire un prénom. Depuis la sortie de son livre de Mémoires sobrement intitulé Melania, en octobre 2024, celui-ci est partout en devanture des librairies aux Etats-Unis et dans le monde. Melania est une marque. Peut-être la meilleure marque de la firme familiale Trump Inc., qui s’y connaît en la matière…

Pourquoi, d’ailleurs, parler d’elle en accolant toujours son prénom à son nom marital? En signant son livre de son seul prénom, celle que le milliardaire new-yorkais a épousée le 22 janvier 2005 à Palm Beach, en Floride – en présence de Bill et de Hillary Clinton –, a gravé dans le marbre conjugal sa prise de distance et sa résistance. 

Oui, le 47e président des Etats-Unis pourra compter sur elle pour les photos et les voyages officiels. La première dame reprendra bien du service. Mais ne comptez pas sur elle pour donner l’illusion que la Maison-Blanche est autre chose qu’un logement de fonction.

Retour à Washington

Retour, justement, au 1600 Pennsylvania Avenue, à Washington. Lorsqu’elle s’y installe pour la première fois, en janvier 2017, après l’élection surprise de son mari trois mois plus tôt, Melania Trump n’est pour le grand public qu’un mannequin américain d’origine slovène – elle est arrivée aux Etats-Unis à 17 ans – pas encore entrée dans la légende. Le nom de Trump, à l’issue de cette campagne victorieuse contre la première femme candidate à la présidence des Etats-Unis, est encore associé à l’une de ses prédécesseures, la Tchèque Ivana, mariée avec Donald Trump entre 1977 et 1992.

Mère de Donald Jr., d’Ivanka et d’Eric, les trois aînés du clan familial, Ivana a toujours attiré la lumière. Elle brille. Promue décoratrice en chef de la Trump Tower de New York par son promoteur de mari – comme le montre bien le film The Apprentice sorti à l’automne 2024 –, cette très bonne skieuse d’abord mariée à un Autrichien a longtemps été la cheffe d’orchestre des mondanités que son époux, tout droit sorti des chantiers familiaux, supporte beaucoup moins bien que les pourparlers pour décrocher les permis de construire. 

Ivana s’occupe des VIP (et de leurs épouses) tandis que Donald négocie pied à pied, enveloppes en poche, avec les émissaires de la mafia ou avec les élus qu’il faut savoir corrompre.

D’abord un style

Ivana-Melania: la comparaison est toujours de rigueur en ce mois de janvier 2025, même si la première est décédée en juillet 2022, et inhumée sur l’un des terrains de golf familiaux, au Trump National Golf Club de Bedminster, dans le New Jersey. Sauf qu’elle ne tient pas. Car Melania s’est bien gardée de marcher sur les traces de sa prédécesseure (entre les deux, Donald Trump fut aussi marié de 1993 à 1999 à Marla Maples, mère de leur fille Tiffany). 

«
Melania se voit d’abord comme la gardienne du temple familial, veillant sur son fils Barron dont elle protège la vie privée et l’image
Maggie Haberman, journaliste
»

«Il faut bien comprendre qui elle est vraiment», argumentait en 2023, lors d’une conférence devant un club de femmes influentes de New York la journaliste Maggie Haberman, qui suit depuis des années Donald Trump pour le New York Times. «Melania se voit d’abord comme la gardienne du temple familial, veillant sur son fils Barron dont elle protège la vie privée et l’image.» Agé de 18 ans, celui-ci vient de rentrer à l’université.

«Melania, c’est d’abord un style», poursuit Maggie Haberman, en projetant sur l’écran la page web du site Melaniatrump.com: «N’oubliez pas qu’elle a créé une ligne de bijoux dont l’une des pièces maîtresses est un pendentif en forme de trèfle avec les mots «Love & Gratitude» (amour et gratitude, ndlr). Pour elle, les sentiments impliquent toujours une récompense.»

Donald Trump, triomphant après sa réélection du 5 novembre, accompagné de Melania et de leur fils Barron, cinquième enfant du républicain.
Photo: DUKAS

Légende tissée dans l’ombre

L’intéressée, elle, donne peu d’interviews, même si elle vient de s'exprimer sur Fox News, à la veille du second mandat de son mari. Son livre, devenu rapidement un best-seller, ne contient rien de croustillant. Au contraire. Donald Trump a 78 ans, vingt-quatre ans séparent les deux époux. Difficile de ne pas passer pour l’ex-mannequin qui a trouvé, avec lui, un sugar daddy plaqué or. 

Melania sait aussi que des photos d’elle, nue et dans des poses suggestives, circulent et peuvent à tout moment ressurgir. La présentatrice de la télévision russe Olga Skabeyeva se plaît à le rappeler, en les montrant à l’écran le 8 novembre, trois jours après la victoire électorale de son mari. Plus problématique: Melania sait aussi que Donald Trump n’était plus, lorsqu’elle l’a épousé en 2005, l’aventurier solitaire de l’immobilier à la recherche d’une réputation et d’une réussite capables de surpasser celles de son père, Fred Trump.

Trump, un prédateur

L’homme avec qui elle s’est mariée, voici pile vingt ans, n’était plus le constructeur de gratte-ciel respecté de New York. Son univers était celui de la téléréalité. Trump faisait partie de ces héros du petit écran qui se permettent tout et Melanija Kavs, alias Melania Knauss, a d’abord été, dans les années 1996-1997, la «petite amie» de ce magnat infidèle et coureur de jupon, comme le racontera le magazine Vanity Fair dans un long portrait. 

Le couple naissant en 2001. Melania s'appelle encore Knauss à cette époque. Ils se sont mariés en 2005.
Photo: DUKAS

La preuve? Cette fameuse phrase lâchée par Trump (et enregistrée à son insu) lors d’un tournage l’année de leur mariage: «Je suis automatiquement attiré par les belles femmes, je les embrasse tout de suite, c’est comme un aimant. Je n’attends même pas. Et quand vous êtes une star, elles vous laissent faire. Vous pouvez faire tout ce que vous voulez. Les attraper par la chatte...»

Seule manière d’échapper aux quolibets? Se bâtir une réputation. Et c’est ce qu’elle s’emploie à faire, avec une implacable méthode. Acte 1: Melania récrit sa rencontre avec Donald. Exit la sulfureuse liaison secrète. Place à la légende de leur première entrevue, lors d’un défilé de mode au Kit Kat Club de Manhattan en 1998. Acte 2: une prestation mutuelle au Howard Stern Show, une émission de télévision à la mode de l’époque. 

«Melania a eu tout de suite deux obsessions: faire oublier que son mari couchait avec des tas de femmes et tourner la page de sa propre vie sentimentale agitée, notent Barry Levine et Monique El-Faizy dans leur livre Le prédateur – Trump et les femmes. Dès le début, elle a fait une arme de son austérité et du contrôle implacable de son image.»

A temps partiel

La suite est connue. Objectif: Melania devient, en 2016, une sorte de première dame à temps partiel. Devant sa lassitude évidente et son visage souvent fermé lorsque son mari se tourne vers elle, un hashtag fait florès sur Twitter: FreeMelania (Sauvez Melania). Idem en mai 2017 lorsqu’elle repousse la main de son mari au pied du jet présidentiel Air Force One à Rome, puis une autre fois sur le tarmac de l’aéroport de Tel-Aviv. Son absence au fil de la campagne présidentielle de 2024 n’a donc surpris personne, d’autant plus qu’elle s’est prononcée, dans son livre, pour le droit des femmes à l’avortement, sans exprimer à ce sujet une revendication formelle.

Résultat en 2024, année marquée par deux tentatives d’assassinat de son époux? Quelques dîners à Mar-a-Lago, très peu de moments d’émotion filmés en direct et une apparition sur la scène du Centre des congrès de West Palm Beach, dans la nuit du 5 au 6 novembre, aux côtés de toute la famille Trump pour assister au premier discours du président élu. Melania accepte alors de celui-­ci un baiser sur la joue, retransmis en mondiovision. Elle sourit. Ce 20 janvier, la première dame de fer sera bien de retour. En acier trempé.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la