«Chers lecteurs, chères lectrices
Demain, la Suisse fêtera Pâques. Cela signifie que les souffrances de Jésus du Vendredi Saint seront passées, que les larmes de Marie et des autres femmes seront séchées face à la résurrection du Christ. La consternation et la perplexité des disciples feront place à la joie et à l'enthousiasme après avoir fait pu voir celui qui est ressuscité.
L'Ukraine orthodoxe fêtera Pâques une semaine plus tard que l'Occident, cette année. Le temps des larmes et de la souffrance n'est pas encore derrière nous. Le chemin de Croix des nombreuses victimes des massacres de Boutcha, de Hostomel, de Bodorianka et de nombreuses autres localités ukrainiennes n'est pas terminé. Nous resterons encore longtemps en lamentations, muets, paralysés face à ces atrocités insensées, la cruauté nous privant de sommeil et nous figeant les larmes dans les yeux.
La Semaine Sainte durera bien plus d'une semaine en Ukraine. Elle a commencé à Carême, mais elle ne se terminera probablement pas le lundi de Pâques. Ainsi, à l'instar de Jésus qui a appelé les disciples à veiller et à prier avant ses souffrances, j'aimerais vous adresser la même demande, chers lecteurs. Veillez et priez!
Veillez également que personne ne vous égare. Ces derniers temps, de nombreux soi-disant «compreneurs de Poutine» se sont exprimés pour défendre cette guerre, ou pour en faire porter la responsabilité à l'Occident, à l'OTAN, voire à l'Ukraine elle-même. Ce serait la faute de l'Ukraine pour avoir voulu entrer dans l'OTAN.
Cet argument passe sous silence le fait que l'Ukraine avait inscrit dans sa constitution un statut de neutralité jusqu'à l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Ce n'est qu'après l'agression russe que l'Ukraine a finalement envisagé d'adhérer à l'OTAN. On cherche une accusation pour nous condamner, à l'instar de Jésus. Et comme il n'y en avait pas, il fallait en inventer une.
Veillez et priez! La prière dans le jardin de Gethsémani donne à Jésus la force de surmonter les souffrances à venir. Il ne prie pas seul, mais demande à ses disciples de faire de même. Leur soutien dans la prière est important pour le Fils de Dieu. Car il est aussi un homme, pour qui la prière solidaire de ses amis compte beaucoup.
La prière a une force incroyable: elle donne aux soldats ukrainiens le courage de défendre leurs familles et leur pays. Elle donne aux réfugiés ukrainiens la force de continuer à avancer malgré l'épuisement. La prière guide ceux et celles qui ont été tués et soutient ceux et celles qui sont restés. Elle permet d'atténuer la douleur indicible de ceux qui ont été traumatisés moralement et physiquement. Elle leur permet de mieux faire face aux blessures et aux douleurs qu'ils ont subies dans leur corps et dans leur cœur. L'énorme souffrance et la cruauté inhumaine nous paralysent et nous ravagent de l'intérieur.
Mais l'amour du prochain donne de l'espoir en ces temps. La volonté d'aider les Ukrainiens qui ont fui leur pays, la solidarité mondiale avec l'Ukraine, créent une nouvelle confiance en l'homme et en l'humanité. Le nombre de personnes qui y participent est tout simplement incroyable: que ce soit en accueillant les réfugiés, en donnant des biens ou de l'argent, ou en organisant et en participant à des manifestations qui envoient un signal fort aux gouvernements du monde entier.
Cette incroyable vague de compassion envers les victimes et la résistance à l'agresseur permet d'espérer que Pâques sera bientôt là aussi pour l'Ukraine. Que le printemps s'y impose également et que, pour les Ukrainiens aussi, les souffrances du Vendredi Saint soient suivies du jour de la victoire de la résurrection. À l'instar du Christ, lui aussi ressuscité.»