Les élections dimanche au Kosovo devraient voir une nouvelle victoire du Premier ministre Albin Kurti qui mise sur sa politique de fermeté face à la Serbie. L'opposition, très divisée, lui renvoie ses résultats économiques qu'elle juge décevants.
Au pouvoir depuis 2021, le Premier ministre social-démocrate membre du parti Vetevendosje (VV – 'Autodetermination') et son gouvernement se sont attachés ces derniers mois à démanteler les dernières institutions parallèles financées par Belgrade dans les zones majoritairement peuplées de Serbes du Kosovo.
Interdiction du dinar serbe
Banques, bureaux de postes, administration fiscale, délivrance de plaques d'immatriculations serbes… Tous ces bureaux dans lesquels Belgrade employait des milliers de personnes et qui permettait à la minorité serbe de percevoir retraites et aides sociales ont été fermés. L'usage du dinar serbe, jusqu'alors toléré, est interdit depuis le 1er février 2024.
«Les groupes criminels n'ont plus, et n'auront plus jamais, de pouvoir. Et il n'y a plus, et il n'y aura plus jamais de plaques d'immatriculation illégales» s'est rengorgé Albin Kurti lors d'un rassemblement à Mitrovica.
Ces fermetures, abondamment relayées dans la presse, pourraient offrir au VV une large victoire: les derniers sondages créditent le parti de 50% des voix, à peu près autant que lors des élections précédentes, en 2021.
Politique de fermeté
Les années de pouvoir d'Albin Kurti ont pourtant été marquées par des tensions fréquentes avec la minorité serbe et avec Belgrade, en particulier depuis l'échec des discussions organisées par l'Union européenne en 2023.
En mai de la même année, des dizaines de membres de l'OTAN ont été blessés dans des heurts avec des Serbes. En septembre 2023, un commando composé de serbes surarmés tuait un policier kosovar avant de se retrancher plusieurs heures dans un monastère puis de fuir à pied en Serbie. Fin novembre 2024 l'attaque d'un canal vital pour l'infrastructure électrique du Kosovo a de nouveau fait monter les tensions.
Cela n'a jamais fait vaciller Albin Kurti ni sa politique de fermeté face à la Serbie, quitte à s'aliéner la communauté internationale qui l'accuse de tourner le dos au dialogue.
«Il ne peut plus diriger le pays»
Les communiqués regrettant des provocations se sont multipliés: encore mi-janvier l'ambassade américaine à Pristina regrettait que «les actions continues et non coordonnées du gouvernement du Kosovo visant à fermer les institutions soutenues par la Serbie (...) sapent les aspirations du Kosovo à rejoindre la communauté euro atlantique».
Certains électeurs lui en tiennent rigueur, comme Adnan Brahimi, 31 ans. «Il ne peut plus diriger le pays avec succès, il nous a fâché avec tous nos alliés!», dit-il à l'AFP.
D'autres y voient l'aboutissement de l'indépendance, déclarée en 2008 mais que Belgrade n'a jamais reconnue. «Tous les anciens Premiers ministres faisaient semblant de ne pas voir que la Serbie faisait ce qu'elle voulait dans les zones majoritairement serbes», salue ainsi Beqir Bytyqi, un enseignant de 33 ans de Pristina, qui votera sans hésiter pour Kurti.
L'opposition s'organise
Mais pour ses détracteurs et les dizaines de partis d'opposition, Kurti a échoué sur le plan économique. Le Kosovo reste l'un des pays les plus pauvres d'Europe, et a vu près de 12% de sa population partir depuis 2011.
Selon les dernières données de la Banque mondiale, le taux de pauvreté y était de 19.2% en 2024, et la croissance y repose principalement sur la consommation et les investissements dans la construction, largement financés par la diaspora. Une situation dangereuse, selon l'opposition.
Xhavit Haliti, candidat du Parti démocratique du Kosovo (PDK, droite), et l'un des plus fervents opposants à Kurti, a ainsi accusé les sociaux-démocrates de n'avoir «rien fait d'utile pour le pays». Quant à la Ligue démocratique du Kosovo (LDK, centre droit) dirigée par l'économiste Lumir Abdixhiku, elle s'est engagée à augmenter les salaires, les retraites de 75% et à étendre le système de bourses pour les étudiants les plus pauvres. «Kurti a fait des promesses en l'air». a accusé M. Abdixhiku pendant la campagne, espérant à voix haute que «les citoyens en ont assez de lui».