«Retournez au bout de la queue, vous êtes là depuis cinq minutes à peine!», s'énerve Lisa Wood, une automobiliste qui patiente depuis plus d'une heure dans une station-service près du célèbre London Bridge, au coeur de Londres.
«J'ai dû faire cinq stations-service différentes» et «mon réservoir est presque à sec», explique Lisa Wood à l'AFP. «Ce n'est pas très britannique» de s'énerver mais «quand il y a une crise, on n'est plus très 'British'», ajoute-t-elle.
Dans une autre station-service, à l'est de Londres, une queue de 50 voitures s'étendait dès 6h30, avec des consommateurs ayant passé une partie de la nuit à patienter.
Les stations-service sont prises d'assaut
Certains médias britanniques mettaient en ligne des vidéos de conducteurs en venant aux mains près des pompes à essence.
Malgré des appels du gouvernement à ne pas paniquer et les déclarations du secteur affirmant qu'il y a assez d'essence, les stations-service sont prises d'assaut depuis que certaines enseignes ont indiqué jeudi subir à leur tour des difficultés de livraisons.
Elles touchent aussi les rayons des supermarchés, les fast-foods, les pubs, mais aussi des biens comme les vélos, entre autres, sous l'effet de la pandémie et du Brexit.
Partout à travers le pays, les panneaux «plus d'essence» ou «hors service» se multipliaient près des pompes à essence, avec notamment environ 30% des stations du géant BP touchées par des pénuries de carburant.
Le personnel soignant a des difficultés à se déplacer
Si les organisations médicales sonnaient l'alarme sur les difficultés des soignants à se déplacer, certaines écoles envisageaient de repasser en enseignement à distance si le problème persiste.
Comme au plus fort du «panic buying» du début de la pandémie, certaines stations-service mettaient en place des horaires réservés aux travailleurs prioritaires, en particulier le personnel soignant.
Selon la PRA, l'une des associations de distributeurs de carburants, jusqu'aux deux-tiers de ses membres (5.500 sites indépendants sur un total de 8.000 stations dans le pays), étaient à court de carburant dimanche, «les autres presque à sec». Mais l'association disait s'attendre à «un possible relâchement de la demande et une normalisation des stocks dans les jours à venir».
Une impression de déjà-vu
La situation rappelle des rationnements d'essence pendant la crise énergétique des années 70, ou un blocage des raffineries qui a paralysé l'activité du pays pendant des semaines au début des années 2000.
Face aux pénuries de carburant ou aux étalages qui se dégarnissent dans les magasins, attribués à un manque criant de chauffeurs routiers, les autorités cherchent des solutions.
Le ministre de l'Environnement George Eustice a assuré que le gouvernement ne prévoyait pas «en l'état» d'envoyer des soldats conduire les camions de livraison, comme l'affirment plusieurs médias, mais que des militaires aideraient à accélérer la formation de nouveaux conducteurs.
Londres s'est résolu en effet samedi à amender sa politique d'immigration post-Brexit et à accorder jusqu'à 10'500 visas de travail de trois mois pour pallier le manque de conducteurs de camions mais aussi de personnel dans des secteurs clés de l'économie comme les élevages de volailles.
La pandémie a aggravé la situation
Le gouvernement a également temporairement exempté le secteur des distributeurs de carburant des règles de la concurrence afin qu'ils puissent livrer en priorité les zones les plus touchées.
Brian Madderson, président de la PRA, attribue aussi le manque de chauffeurs-routiers au Royaume-Uni au retard dans les examens de conduite à cause de la pandémie: «il y a 40.000 demandes en instance de permis de poids lourds la part de Britanniques».
Quant à la perspective d'un retour des chauffeurs européens rentrés dans leur pays avec la pandémie et le Brexit, il fait valoir qu'il y a aussi des pénuries de chauffeurs en Europe continentale - même si pour l'instant il n'y a pas de pénurie d'essence déplorée outre-Manche.
La décision gouvernementale d'accorder des visas temporaires «apportera un soulagement à court terme» mais «nous espérons que ce ne sera pas trop peu ou trop tard», temporise la fédération British Poultry Council.
BP pour sa part avertit que malgré ces mesures, «cela prendra du temps au secteur pour renforcer les livraisons et reconstituer les stocks».
(ATS)