Oubliées, les réformes...
Un nouveau gouvernement français sans ambition

Le nouveau gouvernement français a été dévoilé ce lundi 4 juillet. La Première ministre, Elisabeth Borne, fera sa déclaration de politique générale mercredi. Le bilan? Des arrangements, des renoncements, et bien peu d'ambition en ce début de second mandat pour Macron.
Publié: 04.07.2022 à 12:33 heures
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Dernière mise à jour: 04.07.2022 à 16:53 heures
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Elisabeth Borne, aux commandes du paquebot France en panne.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

La France est à l’arrêt. En mode pause. Désormais soumise au moindre accès de colère des députés, que le nouveau gouvernement d’Elisabeth Borne a pour but de ne pas effaroucher. De retour d’une tournée internationale qui l’a conduit la semaine dernière au sommet européen de Bruxelles, puis au G7 en Bavière, à l’OTAN à Madrid et au chevet des océans à Lisbonne, Emmanuel Macron a renoncé ce week-end à toute surprise dans la désignation des 41 ministres et secrétaires d’État qui seront le visage des vrais débuts de son second quinquennat.

Pas de surprise dans le casting

Pas une nomination tonitruante! Pas une recrue de premier plan, hors des formations centristes réunies dans le camp présidentiel. Pas de débauchage de vedettes politiques du côté de la gauche, des écologistes ou des Républicains, le parti de la droite traditionnelle dont il espère obtenir le soutien ponctuel. La Macronie est assiégée. Le choix a été fait de consolider d’abord ses murs et ses remparts.

Enumérer les noms des nouveaux ministres français n’a guère d’intérêt vu de l’étranger. Depuis sa réélection le 24 avril, Emmanuel Macron n’a abattu que deux nouvelles cartes.

Les deux poids lourds restent Darmanin et Le Maire

La première, en la personne d’Elisabeth Borne, technocrate réputée aussi rigide que tenace, signalait la volonté du chef de l’État français d’avoir à ses côtés une exécutante, sorte de «Chief Operating Officer» du pays, assurée de ne pas lui faire d’ombre et de prendre tous les coups, sous le vernis de la parité et de la promotion d’une femme au sommet du pouvoir, pour la seconde fois après la socialiste Edith Cresson, dans les années 1990.

La seconde carte, plus originale, a consisté à nommer l’historien noir Pape Ndiaye, spécialiste de la décolonisation et de l’histoire raciale aux Etats-Unis, à la tête du ministère de l’Education nationale. Fermez le ban. Les deux poids lourds du gouvernement français restent son ministre des Finances, Bruno Le Maire, et celui de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui s’occupera désormais de l’outre-mer en pleine crise sociale. C’est bien sur le bouton «pause» que la Macronie, hier les bras chargés de projets de réforme, a décidé d’appuyer.

Quatre noms, quatre symboles

Quatre noms quand même, car ils symbolisent ce coup d’arrêt des ambitions et, aussi, de la capacité d’Emmanuel Macron à tenir tête aux médias et aux remous politiques.

Le premier est celui de Damien Abad, le député de l’Ain tout juste réélu, mais accusé de viol par trois femmes pour des faits survenus en 2010. Blick l’avait anticipé: Emmanuel Macron a renoncé à défendre cet élu handicapé, choisi dans l’espoir de scinder la droite et cloué depuis par les plaignantes. L’heure n’est plus à la défense effrontée et assumée de la présomption d’innocence, qui avait joué jadis en faveur de Gérald Darmanin. Quand un homme est accusé par des femmes, il doit partir. Nouvelle jurisprudence sans doute liée à la personnalité de la Première ministre, qui en rajoute en faisant revenir Marlène Schiappa, l’ex-ministre spécialisée dans la cause des violences faites aux femmes.

On note que la ministre de la francophonie, Chrysoula Zacharopoulou, gynécologue accusée par des patientes, demeure à son poste. La multiplication actuelle des plaintes et des témoignages en France montre que le séisme politique est loin d’être terminé en matière de mœurs, de harcèlement et de viol.

Domaine réservé présidentiel

Deuxième nom: celui de l’économiste Laurence Boone, nommée aux Affaires européennes aux côtés de la ministre des Affaires étrangères, l’ex-ambassadrice Catherine Colonna, technocrate pur sucre. La preuve est faite qu’Emmanuel Macron conservera son domaine réservé. Les deux femmes seront ses aides de camp. Laurence Boone, qui vient de l’OCDE, a officié à l’Elysée sous François Hollande au côté d’un certain… Emmanuel Macron. Le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu, est aussi un proche du président. La forteresse à l’intérieur de la forteresse est bien verrouillée.

Troisième nom: celui du ministère dont l’ex-socialiste Olivier Véran (chargé de la Santé durant la pandémie) sera chargé, en plus d’être le porte-parole du gouvernement. Le ministère du Renouveau démocratique. Oups! Il y a donc un problème démocratique en France. Bien vu. Parlera-t-on ici de référendum? L’élu grenoblois sera-t-il chargé du futur Conseil national de la refondation proposé par Emmanuel Macron, avec des citoyens tirés au sort? Intéressant mais artificiel: sous la pression permanente des journalistes, le ministre du «renouveau» n’aura guère de temps à y consacrer. A peine ouvert, le couvercle est presque refermé.

Quatrième nom: Roland Lescure. Les Français de l’étranger feraient bien de s’intéresser au parcours de ce député pro--Macron de la circonscription Etats-Unis et Canada. Nommé ministre chargé de l’Industrie, l’homme connaît les rouages de la Silicon Valley. Il est l’ultime survivant du rêve macronien de la «start-up nation». En voilà un qui, au moins, connaît le monde tel qu’il est. A l’heure du grand recroquevillement français, ce n’est pas anodin.

Les vainqueurs sont en coulisses

On connaît les vainqueurs de ce nouveau gouvernement. Ils sont en coulisses. Ils fourbissent déjà leurs armes politiques pour 2027, date de la prochaine élection présidentielle. L’un est Edouard Philippe, l’ancien Premier ministre qui place ses pions. L’autre est François Bayrou, le leader centriste qui rêve de continuer à peser sur le cours du quinquennat.

La gauche, actuellement sonnée par les rumeurs de harcèlement contre le président mélenchoniste de la Commission des finances de l’Assemblée, Eric Coquerel, attend pour repartir à l’assaut. L’écologiste Yannick Jadot, ex-candidat à la présidentielle, n’a pas fait le saut attendu vers Macron, dont les promesses «vertes» ressemblent à des mirages. Le Rassemblement national se réinvente en arbitre, prêt à voter tout ce qui se transformera en argent frais dans la poche des Français, et à rejeter tout le reste.

Bienvenue dans le paquebot France en panne, confronté aux nombreux icebergs que sont l’inflation, les prix de l’énergie, la crise démocratique et les colères tous azimuts! Son capitaine, Elisabeth Borne, qui s’exprimera mercredi à l’Assemblée nationale, sait qu’elle n'a qu'un seul choix: naviguer à vue.

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