Novartis et Roche
Comment les géants pharmaceutiques suisses envisagent l'ère Trump?

L'industrie pharmaceutique est le principal secteur d'exportation de la Suisse. Des droits de douane américains auraient un effet secondaire très indésirable sur ces affaires actuellement florissantes. Blick se renseigne auprès des géants de l'industrie.
Publié: 02.02.2025 à 22:13 heures
Le CEO de Novartis Vasant Narasimhan (à droite) semble avoir une vision claire de ce que l'administration Trump doit faire dans l'intérêt de l'industrie pharmaceutique.
Photo: STEFAN BOHRER
RMS_Portrait_AUTOR_293.JPG
Jean-Claude Raemy

Pour Roche et Novartis, l'enjeu est de taille: leur prospérité dépend fortement du marché américain. Le premier, par exemple, réalise 52% de son chiffre d'affaires aux Etats-Unis.

Mais Les deux géants pourraient être confrontés à une pilule amère sous la présidence de Donald Trump. Pour son ministère de la Santé, le président américain prévoit un nouveau chef controversé: Robert F. Kennedy, un fervent opposant à la vaccination, qui veut complètement remanier son ministère.

Les patrons restent confiants

Les grands chefs de l'industrie helvétique restent toutefois confiants. Le CEO de Novartis Vasant Narasimhan, lui-même américain, veut d'abord attendre de voir comment le ministère de la Santé sera transformé avant de spéculer sur les conséquences possibles du gouvernement Trump sur l'activité pharmaceutique.

Il attend toutefois de la nouvelle administration qu'elle abolisse la «punition des pilules» que Joe Biden avait imposée. Ainsi, les prix des médicaments sous forme de pilules ou de gélules sont négociables neuf ans seulement après leur autorisation. Vasant Narasimhan souhaite en revanche un report de 13 ans.

«
La manière dont le gouvernement fixe les prix des médicaments est actuellement une boîte noire
Vasant Narasimhan, CEO de Novartis
»

«La manière dont le gouvernement fixe les prix des médicaments est actuellement une boîte noire», dit-il. Il n'a pas encore rencontré de hauts représentants du gouvernement américain mais affirme qu'il existe un consensus parmi les républicains et les démocrates selon lequel la décision Biden doit être révisée.

De son côté, le patron de Roche, Thomas Schinecker, fait remarquer que Trump est «soucieux de la croissance économique de son pays» et que le secteur pharmaceutique reste très important pour cela. De plus, Trump aurait travaillé en étroite collaboration avec le secteur lors de son premier mandat. Entre les lignes, il apparaît clairement que les deux patrons n'ont pas encore passé de nuits blanches à cause des menaces de Trump.

Dans le sens de l'industrie

Jusqu'à présent, les mesures prises par l'administration Trump vont de toute façon dans le sens de Big Pharma. L'une des premières actions de Trump a été de révoquer le décret 14087 de son prédécesseur, qui visait à réduire le coût des médicaments sur ordonnance pour les bénéficiaires de Medicare et Medicaid. Il s'agit de deux importants programmes d'assurance santé américains: Medicare profite aux personnes âgées, Medicaid aux citoyens américains à faibles revenus.

Cela confirme l'impression de Vasant Narasimhan: l'administration Trump s'éloigne des réformes agressives des prix des médicaments et privilégie une approche plutôt favorable à l'industrie, qui entraîne sans doute des coûts plus élevés pour les consommateurs, mais obtient aussi des bénéfices plus importants pour les entreprises pharmaceutiques.

Implantés depuis longtemps aux Etats-Unis

Qui plus est, Roche et Novartis sont actives aux Etats-Unis depuis des années et disposent d'un excellent réseau à Washington. Lors de son élocution vidéo au WEF, Trump avait demandé aux fabricants étrangers de délocaliser leurs sites de production aux Etats-Unis. Ils «bénéficieraient d'une fiscalité avantageuse pour les entreprises».

Avec sa filiale Genentech, Roche emploie environ 25'000 personnes aux Etats-Unis, dont 4000 dans la production. De plus, Roche a beaucoup investi ces dernières années dans l'extension de ses sites américains. Novartis emploie environ 28'000 personnes sur plusieurs sites aux Etats-Unis et y est la neuvième plus grande entreprise pharmaceutique. «Nous voulons continuer à nous développer sur le marché prioritaire des Etats-Unis», souligne Vasant Narasimhan.

Pour René Buholzer, chef de l'association professionnelle Interpharma, il est important de maintenir les bonnes relations avec les États-Unis même sous l'administration Trump. Pour l'industrie pharmaceutique pratiquant la recherche, des conditions-cadres favorables à l'innovation sont essentielles. «Des mesures protectionnistes telles que des droits de douane frapperaient durement le site pharmaceutique et donc l'économie suisse», déclare-t-il. 

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la