«Nous avons été battus et menacés de mort»
Des mercenaires yéménites massacrés en Ukraine après avoir été trompés par de fausses promesses russes

Moscou attire des combattants du Yémen sur le front en Ukraine avec de fausses promesses. Alors qu'on leur promettait une opportunité rêvée, des hommes racontent avoir été manipulés, maltraités et même menacés de mort.
Publié: 07.12.2024 à 19:00 heures
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Le président russe Vladimir Poutine a besoin de chair à canon pour sa guerre en Ukraine.
Photo: AFP
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Marian Nadler

La Russie fait régulièrement appel à des combattants étrangers lors de son invasion de l'Ukraine. Ces mercenaires, qui mettent leur vie en jeu et finissent le plus souvent comme chair à canon, sont rarement traités de manière équitable. C'est ce que montre l'exemple du sort de quelques Yéménites mis en lumière par «Le Temps».

Des promesses salariales

Les journalistes du Temps ont pu identifier un réseau yéméno-omanais par lequel au moins 200 hommes ont été envoyés à Moscou depuis cet été. Certains de ces hommes ont déclaré avoir répondu à des offres d'emploi qui n'avaient rien à voir avec la guerre.

On leur a promis un salaire mensuel équivalent à près de 2200 francs. A titre de comparaison, le salaire moyen au Yémen est d'à peine 580 francs. Lors de la signature du contrat, les hommes se voyaient en outre offrir un bonus d'un montant équivalent à 8760 francs et la perspective d'obtenir un passeport russe.

Un individu clé

D'après les recherches, c'est une personne entretenant de bonnes relations avec les rebelles hutus qui est à l'origine des accords passés avec les Russes: Abdulwali Abdo Hassan al-Jabri, membre du parti Congrès populaire général (CPG). Il aurait également pris récemment le commandement d'une brigade militaire de la milice.

Interrogé par «Le Temps», il a reconnu avoir «envoyé 200 personnes en Russie en un mois seulement pour y rejoindre l'armée russe». Mais l'homme politique précise aussi: «Nous avons cessé de nous concerter avec le ministère russe de la Défense parce qu'ils ne payaient pas ce que nous avions négocié auparavant.»

Des personnes en situation précaire

Les personnes recrutées pour la guerre d'agression de Vladimir Poutine se composent d'ouvriers yéménites travaillant dans des conditions précaires en Oman et d'hommes originaires des régions contrôlées par les Houthis au Yémen.

Ils se sentent trahis, comme le raconte l'un d'entre eux depuis un hôpital militaire situé près de la ville de Tokmak, occupée par la Russie, à environ 22 kilomètres de la ligne de front. Avec un autre camarade yéménite, il s'est tiré une balle dans le bras pour échapper au hachoir à viande.

Le rêve se transforme en cauchemar

«J'ai été manipulé par la société Al-Jabri, basée à Oman. A l'époque, j'étais étudiant dans un pays asiatique, comme beaucoup d'autres ici, et nous voulions seulement subvenir aux besoins de nos familles», explique la recrue. On leur aurait proposé un emploi civil dans le secteur de la sécurité. Il confirme les informations concernant le salaire et le passeport.

L'accueil à Moscou a été rude. «Dès que nous sommes arrivés en Russie, un groupe armé nous a emmenés dans une forêt où nous avons été forcés de signer des contrats. Ensuite, nous avons été envoyés dans des bases militaires, notamment à Rostov, avant d'être déployés sur le front ukrainien», raconte-t-il.

Seulement 116 francs par mois

Les contrats que le Yéménite et ses compatriotes ont signés contiennent des conditions nettement moins bonnes que celles qui leur avaient été promises dans leur pays. Concrètement, le service de guerre est rémunéré à hauteur d'un misérable 116 francs par mois.

Leur protestation contre ces contrats a été rapidement réduite au silence. «Nous avons catégoriquement refusé de participer à ces opérations et avons exprimé le souhait de retourner dans notre pays d'origine. En réaction, nous avons été battus et menacés de mort.»

Les Yéménites sont brûlés sur le front

Selon le jeune homme, huit de ses camarades ont déjà été tués et douze autres sont portés disparus. «Nous ne savons pas s'ils sont vivants ou morts. Un jour, les Russes les ont chargés dans trois véhicules blindés et les ont emmenés au combat sans savoir où ils allaient.»

Un autre Yéménite a été blessé sur le front. On lui avait promis qu'il travaillerait comme agent de sécurité dans un centre commercial. «J'étais abasourdi de me retrouver au milieu de cette guerre», raconte-t-il. «Certains camarades ont entamé une grève de la faim, mais personne n'a réagi. Nous avons joué avec nos vies.»

Les deux mercenaires sont désespérés. «Si aucune solution n'est trouvée, nous envisageons de mettre fin à nos jours.»

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