Encore sous le choc de la mort du chef du Hamas, Yahya Sinouar, les Gazaouis se prenaient jeudi à rêver d'une fin rapide à la guerre qui dure depuis plus d'un an dans le territoire palestinien entièrement ravagé par les combats. Depuis la fin d'après-midi, la nouvelle circule sur les téléphones portables: Yahya Sinouar est mort. A 61 ans, ce natif du camp de réfugiés de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, avait réussi à se hisser à la tête du Hamas. Il était craint par certains et adulés par d'autres.
Malgré les photos montrant le cadavre d'un homme lui ressemblant fortement, le crâne ouvert et la bouche béante, presque enseveli sous les décombres d'un bâtiment non identifié, de nombreux Gazaouis n'y croyaient pas. «L'assassinat de Yahya Sinouar est une tragédie pour la population de Gaza, nous ne nous y attendions pas», commente Amal al-Hanawi, 28 ans, depuis Nuseirat dans le centre de la bande de Gaza où elle s'est réfugiée après avoir quitté le nord du territoire en proie à d'intenses combats et bombardements depuis plus de dix jours.
«J'ai l'impression que c'en est fini du Hamas, qu'il n'y a plus de résistance puissante, qu'elle s'est effondré», poursuit-elle, estimant que c'est «exactement ce que veut» le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Comme beaucoup d'habitants rencontrés par les correspondants de l'AFP à Gaza, elle rappelle que la mort de Yahya Sinouar était l'un des principaux objectifs de guerre d'Israël après l'attaque sans précédent du Hamas sur le pays, le 7 octobre 2023, dont il a été l'architecte.
Entre hommages et épuisement
«Il n'y a plus d'excuse pour que Netanyahu continue cette guerre d'extermination», avance Moumen Abou Wassam, 22 ans. Son quartier, al-Tuffah dans la ville de Gaza, était l'un des plus anciens du territoire, connus pour ces mosquées dont certaines datent du XIIIe siècle. Il est presque entièrement détruit. «Si Dieu le veut, la guerre prendra fin, et nous verrons de nos yeux la reconstruction de Gaza», soupire le jeune homme.
L'immense majorité des Gazaouis ont été contraints de quitter leur logement selon l'ONU, et se réfugient d'abris en camps de fortune dans des conditions humanitaires dramatiques dénoncées quotidiennement par les ONG. «On est épuisés, la guerre est allée trop loin, elle nous a tout pris», insiste Shadi Nofal Abou Maher, 23 ans, qui souhaite que «le monde intervienne» pour mettre fin à la guerre et rappeler à Israël que Sinouar était la cause du conflit.
Dans la rue comme sur les réseaux sociaux, les Gazaouis saluent néanmoins la «résistance» de Sinouar, homme d'appareil du mouvement islamiste palestinien et traqué depuis un an. Beaucoup estiment qu'il a péri en «combattant», alors qu'Israël n'a pas divulgué de détails sur les circonstances de sa mort. «On se souviendra de lui comme un dirigeant mort au champ de bataille», note Ahmed Omar, 36 ans, déplacé de la ville de Gaza à Khan Younès.
Clichés circulant sur les réseaux sociaux
A Ramallah, en Cisjordanie occupée, des Palestiniens ont également confié leur incrédulité et leur amertume à l'AFP. Hamad Ayadi, chauffeur de bus, assure que «l'occupation ne mettra pas fin à la résistance en assassinant Sinouar». La femme d'un Palestinien détenu dans les prisons israéliennes souhaitant rester anonyme se désole de la mort du dirigeant, expliquant qu'il était «un espoir pour nous, les familles de prisonniers» en raison de sa mobilisation pour les faire libérer.
Sur les photos ayant circulé sur les réseaux sociaux et affirmant montrer la dépouille de Sinouar, beaucoup ont noté qu'il portait un keffieh, l'écharpe traditionnelle palestinienne, mais aussi une tenue militaire et une arme. En 2021, à l'issue d'une guerre avec Israël, Yahya Sinouar avait été pris en photo affichant un sourire aussi large que rare, posant sur un fauteuil au milieu des décombres.
Dans la foulée, des Gazaouis avaient eux aussi diffusé des photos d'eux reproduisant la pose. Jeudi soir, elle est réapparue sur les réseaux sociaux tandis que l'armée israélienne diffusait une courte vidéo du chef du Hamas assis dans un fauteuil quelques instants avant sa mort.