Mouvement antigouvernemental des étudiants
Le bilan des manifestations au Bangladesh grimpe à au moins 300 morts

Le bilan des manifestations au Bangladesh a atteint au moins 300 morts lundi, après que 94 personnes ont été tuées dimanche lors d'affrontements entre des manifestants et des partisans du pouvoir, selon un décompte de l'AFP.
Publié: 05.08.2024 à 07:40 heures
Le bilan des manifestations au Bangladesh grimpe à au moins 300 morts.
Photo: Habibul Haque/Drik/Getty Images

Un décompte de l'AFP, réalisé à partir de données de la police, de responsables et de médecins dans des hôpitaux, établit le bilan des manifestations au Bangladesh a au moins 300 morts lundi. Lors de combats entre des manifestants et des partisans du pouvoir dimanche, 94 personnes avaient été tuées. 

C'est le bilan le plus lourd en une seule journée depuis le début des manifestations antigouvernementales il y a un mois dans ce pays musulman de 170 millions d'habitants où les étudiants contestent, sur fond de chômage aïgu des diplômés, les faveurs dont bénéficient les proches du pouvoir pour devenir fonctionnaires.

L'Inde voisine a «fortement déconseillé» dimanche à ses ressortissants de se rendre au Bangladesh. Parmi les morts figurent au moins 14 policiers, selon le porte-parole de la police, Kamrul Ahsan. Les camps rivaux se sont affrontés à coups de bâtons et de couteaux, les forces de l'ordre ont tiré à balles réelles. Un commissariat à Enayetpour (nord-est) a été pris d'assaut et onze policiers tués, selon la police.

Tout Dacca s'est transformé «en champ de bataille» et une foule de plusieurs milliers de manifestants a mis le feu à des voitures et des motos près d'un hôpital, selon une autre source policière.

Au moins 283 personnes tuées

Ce bilan sanglant de dimanche porte à au moins 283 le nombre de personnes tuées depuis le début des manifestations en juillet. Des médias locaux, citant les autorités, ont évoqué un bilan dépassant les 90 morts pour la seule journée de dimanche.

A Dacca, des coups de feu et détonations répétées ont été entendus après la tombée de la nuit alors que des manifestants bravaient le couvre-feu, malgré la coupure quasi-totale de l'internet mobile.

Selon la police et les hôpitaux, au moins douze personnes ont été tuées dans la capitale, dont plusieurs par balles, tandis que 18 personnes ont perdu la vie dans le district de Sirajganj, dans le nord du pays.

«La violence choquante au Bangladesh doit cesser», a exhorté dimanche soir le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, inquiet pour la journée de lundi alors «que le mouvement de jeunesse du parti au pouvoir se mobilise contre les protestataires».

Contestation contre des quotas d'emplois

Plus tôt dans la journée, des milliers de Bangladais s'étaient rassemblés sur une place de Dacca pour exiger la démission de Mme Hasina, après plus d'un mois de contestation initialement dirigée contre des quotas d'emplois réservés dans la fonction publique.

Certains ont agité un drapeau bangladais sur un véhicule blindé sous le regard des soldats, selon des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux et vérifiées par l'AFP.

Ils répondaient à l'appel du collectif étudiant «Students Against Discrimination» qui avait exhorté la veille à la désobéissance civile. De son côté, le secrétaire général du parti au pouvoir, la Ligue Awami, Obaidul Quader, avait appelé les Bangladais à se rassembler dimanche dans «tous les quartiers de Dacca» et «dans tous les districts» du pays. «Le temps est venu de la manifestation finale», a lancé Asif Mahmud, un des leaders, en appelant à une marche lundi sur la capitale.

Ces affrontements comptent parmi les plus meurtriers depuis l'arrivée au pouvoir il y a quinze ans de Mme Hasina. Pour rétablir l'ordre, son gouvernement a notamment coupé l'accès à internet, fermé écoles et université, imposé un couvre-feu et déployé l'armée.

L'armée au côté du peuple

D'anciens officiers militaires ont depuis apporté leur soutien aux contestataires. Dans une prise de position hautement symbolique contre la Première ministre, un ancien chef de l'armée, le général Ikbal Karim Bhuiyan, a appelé au retrait des troupes de la rue, dans une déclaration commune avec d'autres anciens officiers supérieurs, en soulignant que les gens n'avaient «plus peur de sacrifier leur vie».

Dans plusieurs cas, des soldats et des policiers ne sont d'ailleurs pas intervenus contre les protestataires, contrairement au mois dernier.

«Ceux qui sont responsables d'avoir poussé les habitants de ce pays dans un état de misère aussi extrême devront être traduits en justice», a aussi estimé M. Bhuiyan.

Samedi, l'actuel chef de l'armée, le général Waker-uz-Zaman, avait lui affirmé que l'armée se tiendrait «toujours aux côtés du peuple», selon un communiqué.

«Vivre librement»

Le pays compte de nombreux diplômés au chômage, et les étudiants exigent l'abolition d'un système de discrimination positive qui réserve un quota d'emplois publics aux familles des vétérans de l'indépendance.

Partiellement aboli en 2018, ce système a été restauré en juin par la justice, mettant le feu aux poudres, avant un nouveau retournement fin juillet de la Cour suprême.

La crise sociale s'est muée en crise politique à partir du 16 juillet, quand la répression a fait ses premiers morts, les manifestants réclamant alors la démission de Mme Hasina. Quarante-sept entreprises du secteur textile se sont dites «solidaires», dimanche, du mouvement de contestation.

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