La Russie recherche désespérément des soldats volontaires afin d'éviter une mobilisation sur le front en Ukraine. Pour ce faire, le régime de Moscou est prêt à sortir le chéquier. Une stratégie qui semble fonctionner auprès de bon nombre de citoyens russes. C'est surtout dans les régions provinciales les plus pauvres, d’où proviennent la majorité des volontaires, que les promesses de gros salaires et les indemnités élevées pour les familles des défunts sont un puissant appât.
Pour la première fois depuis les régiments de Streltsy au XVIIe siècle, il est à nouveau possible de gagner autant — voire même davantage — en tant que soldat en Russie qu’en occupant un emploi civil. On promet tant d’argent aux soldats que la mort d’un homme au combat devient la forme de prévoyance la plus efficace pour une famille.
L'État doit mettre la main à la poche, car il ne peut pas compter sur le patriotisme de ses hommes. Ils veulent de l'argent pour aller au front. Les coûts des soldats sous contrat sont devenus une variable économique importante qui marque la Russie.
105'000 francs pour mourir au front
La ville de Moscou, par exemple, offre déjà l'équivalent d'environ 18'000 francs de prime de départ pour les soldats volontaires. À cela s'ajoutent les 3800 francs versés une seule fois par l'État. Avec toutes les allocations, un soldat moscovite peut ainsi gagner 49'000 francs par an. Une somme rondelette pour un pays où, même dans la riche capitale, un cinquième de ce montant est déjà considéré comme un bon salaire annuel.
Malgré la forte augmentation du nombre de volontaires, le plan gouvernemental est loin d'être respecté. Les recrutements ne suffisent pas à compenser les pertes sur le front. Selon le président russe Vladimir Poutine, quelque 700'000 soldats s'y trouvent. C'est justement parce que l'État ne peut pas compter sur le patriotisme de ses hommes qu'il doit les attirer avec de l'argent.
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Les blessés reçoivent une indemnité d’environ 28'500 francs. En cas de décès, les proches peuvent percevoir jusqu'à 105'000 francs d’indemnisation. «Chaque vie humaine est inestimable», a insisté Poutine dans une interview en mars 2024. Mais des calculs montrent que, dans les faits, la vie d’un soldat russe vaut bien moins que cela.
«Prévoyance la plus efficace pour une famille»
«C'est cynique, mais la mort de l'homme est devenue la prévoyance la plus efficace pour une famille», déclare l'économiste russe Vladislav Inozemtsev au journal «Die Welt». L'expert militaire russe et professeur de sciences politiques Pavel Luzin s'exprime dans le même sens: «Ils vendent leur sang en échange de sommes d'argent qu'ils ne pourraient jamais gagner par leur travail et leur créativité dans le système actuel.»
Les dépenses pour les soldats vivants et morts sont un moteur essentiel de l'économie. La Russie vit une économie de la mort qui transforme le pays. Depuis le début de la guerre, elle déplore environ 600'000 blessés et morts, dont 200'000 tués, estiment les services de renseignement occidentaux. «Nous avons identifié les noms de 70'112 soldats russes tués en Ukraine», a rapporté cette semaine la télévision britannique BBC. Le nombre réel serait toutefois nettement plus élevé.
Encore plus de soldats pour Poutine
Poutine a désormais décidé d'augmenter l'armée russe de 180'000 soldats pour atteindre 1,5 million de soldats actifs. Elle deviendrait ainsi la deuxième plus grande armée du monde après l'armée chinoise. La majeure partie des soldats sous contrat continuera probablement à venir du fin fond de la province appauvrie, où la perspective d'argent facile est la plus alléchante.