Menace d'une nouvelle guerre?
Voici pourquoi la Turquie bombarde désormais la Syrie et l'Irak

La Turquie pilonne des positions kurdes en Irak et dans le nord de la Syrie. Qu'est-ce qui se cache derrière ces bombardements? Faut-il craindre une nouvelle guerre? Blick fait le point avec Maurus Reinkowski, professeur à l’Université de Bâle.
Publié: 24.11.2022 à 16:13 heures
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Dernière mise à jour: 24.11.2022 à 16:23 heures
Le président Erdogan réagit ainsi à un attentat à la bombe à Istanbul - et en rend le PKK responsable.
Photo: keystone-sda.ch
Chiara Schlenz

Tout commence dans la nuit du 19 au 20 novembre, sur Twitter. «C’est l’heure des comptes», annonce alors le ministère turc de la Défense. Peu après, ce dimanche-là, la Turquie attaque des positions kurdes dans le nord de la Syrie. Ces frappes aériennes tuent douze personnes.

Les jours suivants, les bombes continuent de pleuvoir. Ce mercredi 23 novembre, l’armée turque déclare avoir attaqué 471 cibles depuis le début de cette offensive militaire en Irak et en Syrie. Au total, «254 terroristes ont été neutralisés», selon le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar.

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Si la Turquie pilonne le Kurdistan, c’est en réponse à l’attentat d’Istanbul du 13 novembre, qui a fait six morts et blessé 81 personnes. Le ministère de la Défense invoque le droit exceptionnel à l’autodéfense de la Charte des Nations unies: pour le gouvernement d’Ankara, il s’agit d’éviter d’autres «attaques terroristes» sur son sol. En ligne de mire: les milices kurdes de Syrie (YPG) et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme terroriste par une grande partie de la communauté internationale.

Les Etats-Unis et la Russie ont probablement donné leur accord à la Turquie

«L’objectif pour Ankara est d’affaiblir les organisations kurdes en Syrie, donc surtout les YPG», explique Maurus Reinkowski, professeur à l’Université de Bâle et spécialiste de la Turquie. En clair, «il s’agit d’étouffer dans l’œuf toute ambition de créer une entité kurde dans le nord de la Syrie».

Le président turc Recep Tayyip Erdogan évoquait depuis mi-2022 la possibilité d’une telle offensive militaire. La Russie et l’Iran — deux pays acteurs de la guerre civile syrienne — lui avaient déconseillé d’entreprendre une telle action. Les Etats-Unis aussi. Officiellement, en tout cas.

La donne pourrait avoir changé aujourd’hui. C’est du moins ce qu’avance Maurus Reinkowski: «Il est probable que la Turquie ait obtenu un accord de principe aussi bien de la Russie que des Etats-Unis» pour aller de l’avant.

Pour Maurus Reinkowski, «les milices kurdes de Syrie ne se risqueront pas à un conflit ouvert» face à la puissante armée turque.
Photo: zvg

Comment peut-il en être certain? Premièrement parce que la Russie contrôle une grande partie de la Syrie et son espace aérien. Résultat, sans l’accord du gouvernement de Vladimir Poutine, il serait difficile pour la Turquie d’agir sans s’attirer des ennuis.

D’autre part, il est probable que les Etats-Unis lui laissent une certaine marge de manœuvre parce que Joe Biden considère la Turquie comme une alliée importante. Sans oublier que celle-ci est membre de l’Alliance nord-atlantique (OTAN).

«Les Kurdes ont relativement peu de possibilités de riposter»

Reste la question centrale de la responsabilité des YPG dans l’attentat d’Istanbul. Pour Maurus Reinkowski, celle-ci n’est pas prouvée, même si le gouvernement turc le martèle. Ce discours donne en tout cas un prétexte à Recep Tayyip Erdogan pour déployer son offensive militaire.

La situation pourrait-elle s’envenimer? Après tout, selon le président turc, des offensives terrestres sont également prévues alors qu’en face, les parties attaquées menacent de répondre par les armes. Mais le professeur alémanique se veut rassurant: «Les Kurdes ont relativement peu de possibilités de riposter et de se défendre». Et face à la puissance militaire turque, «les YPG ne se risqueront donc pas à un conflit ouvert».

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