On se croirait presque dans une série Netflix. Ou dans une succession mystérieuse à la tête d’un puissant royaume. Pas de doute: le départ programmé de Klaus Schwab de la présidence exécutive de son bébé, le World Economic Forum de Davos (WEF, Forum économique mondial en français), est un feuilleton qui intrigue bien au-delà de Genève, où l’organisation a son siège sur les hauteurs de Cologny. D’autant que, selon «Politico», l’influent média américain, l’un des noms cités pour lui succéder est celui de Christine Lagarde, l’actuelle patronne française de la Banque centrale européenne…
«L'homme qui a transformé une petite entreprise avec 6000 dollars de capital en une firme qui dégage 390 millions de dollars de chiffre d’affaires par an n’abandonne pas facilement. Ce n’est pas comme Rupert Murdoch ou Warren Buffett qui, eux, ont lâché les rênes», commente mardi 17 janvier l’édition européenne de «Politico», très suivie à Bruxelles et dans les capitales de l’UE.
Dans les coulisses de Davos
«Politico» a l’habitude de détailler les jeux de pouvoirs et leurs coulisses à Washington et dans les grandes capitales européennes. Mais cette fois, c’est vers Davos que ce média très politique a tourné son attention. Sa lettre d’information «Playbook» vient de consacrer un article fouillé à la succession de l'économiste allemand Klaus Schwab, né en 1938. Résultat: une plongée dans une dynastie plus que dans les soutes d’une entreprise ou d’une fondation comme les autres.
«'Playbook' s’est entretenu avec 29 sources, dont des partenaires stratégiques du WEF, des membres actuels et anciens du personnel et des membres des comités et des communautés du Forum (qui craignaient presque tous des répercussions en nous parlant) – et beaucoup ont déclaré que Schwab traite l’organisation internationale comme un héritage familial», estime «Politico». D’après le site d’information, «les partenaires stratégiques du WEF disent qu’ils commencent à s’impatienter. Les membres du personnel, anciens et actuels, disent qu’il est impossible de savoir ce qui va se passer (et donc plus difficile de planifier une carrière)».
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«Politico» en est persuadé. Rien ne se déroulera comme prévu, car tout dépend d’un homme. «Klaus Schwab a un complexe de Dieu, et pense qu’il fait partie des 0,1% les plus forts. Mais personne n’est immortel», estime, dans les colonnes du quotidien, un vétéran américain ayant participé à vingt conférences de Davos. Et d’ajouter: «C’est fou qu’ils n’aient pas de plan de succession». Logique: le fondateur du forum conserve les clefs. «Un coup d’œil derrière le rideau du système de gouvernance du WEF montre un système à couper le souffle, poursuit «Politico». Les statuts de gouvernance, publiés en 2015, stipulent que «le fondateur désigne son successeur. Rien dans ce texte n’empêche donc Schwab d’essayer de contrôler le processus d’outre-tombe – en mourant en fonction, puis en désignant son successeur dans son testament.» Ambiance…
Les consultations ont démarré
Les consultations en vue de nommer un successeur, voire peut-être le processus de sélection, semblent toutefois avoir démarré. «Politico» cite Yann Zopf, responsable des médias au Forum de Davos. Selon lui, «c’est le Conseil d’administration du WEF qui décidera du successeur de Schwab. Mais les statuts garantissent également à la famille Schwab un siège à cette table, par l’intermédiaire de Klaus ou d’au moins un membre de sa famille proche». Le média américain a donc fait le tour de la table familiale. Résultat? La fille de Klaus Schwab, Nicole, est membre du Conseil d’administration. Son fils, Olivier, est membre du Conseil de direction. Et sa femme, Hilde, dirige une fondation liée au WEF. «Les Schwab ont également un droit de veto sur la fermeture éventuelle du WEF», affirme le quotidien.
Christine Lagarde et Peter Maurer
Alors, qui pour succéder au «roi» Klaus? La conclusion de l’enquête réserve une sacrée surprise. «Les trois Schwab cités ci-dessus sont bien sûr pressentis, explique «Politico». Mais il serait judicieux de miser sur un administrateur de longue date du WEF. Et à la connaissance de «Playbook», la directrice de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde (actuelle membre du conseil de fondation du WEF), est la seule personne dont Klaus Schwab a suggéré le nom pour prendre la relève si nécessaire. Deux autres noms sont cités dans l’article: Marc Benioff, co-PDG de Salesforce, et Peter Maurer, ancien chef de la Croix-Rouge internationale. Netflix peut préparer son casting et prévenir ses scénaristes: la série «Davos, le nouveau règne» n’est pas encore écrite.