Vous l’avez peut-être déjà remarqué dans votre hôtel au Portugal, dans votre restaurant préféré en France, sur la terrasse de votre café en Italie ou sur votre plage privée en Grèce: la «grande démission» frappe de plein fouet, cette année, le secteur du tourisme.
Moins de serveurs. Moins de service. Moins de confort. «L’époque des jobs d’été qui vous permettaient de profiter de vacances pas chères est terminée. Aujourd’hui, les travailleurs européens préfèrent des emplois mieux payés» prévient le très sérieux «Financial Times», dans son édition du 25 juillet. Vrai? Oui selon le World Travel and Tourism Council (WTTC), l’une des organisations représentatives des hôteliers et voyagistes. Selon le WTTC, 1,2 million d’emplois touristiques ne trouveront pas preneurs cet été à travers l’Europe si des mesures urgentes ne sont pas prises.
Près d’un poste vacant sur trois
«De nombreux postes vacants risquent de ne pas être pourvus pendant la période estivale estime un rapport de cette organisation selon laquelle les agences de voyages sont les plus touchées avec un manque de 30% de travailleurs (près d’un poste vacant sur trois). Suivent le transport aérien et l’hébergement, où un employé sur cinq manque à l’appel.»
Résultat: le WTTC estime que les patrons doivent réagir s’ils ne veulent pas voir la qualité de leurs établissements baisser, et les clients se détourner. La Suisse ne fait pas exception: «Si peu de faillites d’agence de voyages ont été à déplorer, la situation au niveau de l’emploi a été plus complexe, la branche a essuyé de nombreux départs d’employés. Le déficit de personnel se fait sentir maintenant» admettait au début de l’été Sonja Laborde, présidente de l’association des professionnels helvétiques du voyage
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«Si nous ne parvenons pas à attirer et à retenir les talents pour ce secteur, l’Europe, en tant que première destination touristique et la plus compétitive au monde, a beaucoup à perdre» admet l’Espagnol Luis Araujo, président de l’European Travel Commission, une autre instance. Une des raisons principales de cette pénurie de main-d’œuvre est… le télétravail, qui a permis à de nombreux employés du secteur de se recycler durant la pandémie. Servir dans un restaurant ou un café durant la saison touristique est un travail éprouvant. Or les salaires restent bas dans les pays les plus fréquentés du sud de l’Europe, et les touristes donnent de moins en moins de pourboires.
L’argent liquide disparaît… les pourboires aussi
Autre réalité: l’argent liquide qui permettait aux hôteliers et aux restaurateurs de rémunérer leurs employés sous la table, en plus de leurs salaires légaux, circule de moins en moins. En Grèce, cet été 2022, les touristes sont même accueillis à l’aéroport d’Athènes par des bannières où il est écrit «Apodixi Please!» (demandez un reçu), pour forcer les commerçants à déclarer tous leurs revenus.
Les tracts de cette campagne menée par l’administration fiscale grecque avertissent les touristes: «les restaurants, les cafés, les loueurs de voitures ou de bateaux, les guides, tous doivent produire des reçus et accepter les cartes bancaires.» Ce qui ne fait pas l’affaire des employés rémunérés jadis par des liasses de billets «sous la table».
Le cas éloquent de la Grèce
En Grèce, sur les 250’000 emplois saisonniers, 50’000 n’ont toujours pas trouvé preneurs. En Espagne, les départs à la retraite ne sont pas compensés par les recrutements. «Pour 100 employés qui partent, 80 seulement arrivent» a confirmé au «Financial Times» la confédération patronale CEOE. D’où la proposition du WTCC d’un plan européen pour relancer l’emploi des jeunes dans le tourisme. Il tient en cinq propositions:
- Faciliter la mobilité des travailleurs à l’intérieur des pays et au-delà des frontières et renforcer la collaboration à tous les niveaux, en fournissant des visas et des permis de travail, notamment aux jeunes Africains et Latino-américains.
- Permettre le travail flexible et à distance lorsque cela est possible.
- Fournir des filets de sécurité sociale et mettre en évidence les possibilités d’évolution de carrière
- Offrir une formation complète pour doter la main-d’œuvre de compétences nouvelles et améliorées.
- Créer et promouvoir l’apprentissage
C’est d’ailleurs le premier ministre grec qui le dit, dans un pays où le tourisme devrait retrouver, en 2022, son niveau de revenus et d’arrivées de 2019 (18 milliards d’euros et 33 millions de visiteurs). «Le tourisme ne doit pas seulement être attractif pour les visiteurs. Il doit l’être aussi pour tous ceux qui les servent» a affirmé en début de saison Kyriakos Mitsotakis. À bon entendeur…