Manifestations en Géorgie
L'UE juge la violence contre les manifestants inacceptable

La Géorgie s'enfonce dans la crise politique. Des milliers de manifestants pro-UE protestent contre le report de l'adhésion à 2028. La police a dispersé violemment les rassemblements, provoquant la condamnation de l'UE et des États-Unis.
Publié: 01.12.2024 à 13:36 heures
Photo: AFP
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ATS Agence télégraphique suisse

L'Union européenne a jugé dimanche «inacceptable» le recours à la violence contre les manifestants pro-européens en Géorgie. Elle a réagi après une troisième nuit consécutive d'affrontements avec la police.

«Il est clair que le recours à la violence contre des manifestants pacifiques n'est pas acceptable et que le gouvernement géorgien doit respecter la volonté du peuple géorgien», a affirmé la nouvelle cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, lors d'une visite à Kiev, en Ukraine.

Plus de 150 interpellations

La Géorgie est dans la tourmente depuis les élections législatives du 26 octobre remportées par le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, mais dénoncées par l'opposition comme entachées d'irrégularités. Celle-ci accuse le gouvernement de dérive autoritaire prorusse.

Des milliers de manifestants pro-européens sont descendus dans les rues de Tbilissi et d'autres villes du pays ces trois dernières nuits pour protester contre la décision de l'exécutif de reporter les ambitions d'adhésion à l'UE à 2028.

«Nous avons voté pour l'Union européenne, pour la liberté, pour les droits humains. Et que fait notre gouvernement? L'exact inverse», a dénoncé samedi Ani Bakhtouridzé, une manifestante de 32 ans. Les manifestations ont été dispersées à coup de canons à eau et de gaz lacrymogène par la police, qui a procédé à plus de 150 interpellations.

Des dizaines de policiers ont été blessés par des projectiles et pétards jetés par les protestataires. Le ministère de l'Intérieur a affirmé samedi que «les actions de certains individus présents à la manifestation sont devenues violentes peu après son début» et que la police répondrait «conformément à la loi».

«Isolement international»

Le service d'enquête spécial de Géorgie a annoncé avoir ouvert une enquête sur des «allégations d'abus d'autorité par la violence des forces de l'ordre contre des manifestants et des représentants des médias». Parallèlement aux manifestations, des centaines de fonctionnaires, notamment des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l'Education, ainsi que des juges, ont publié des déclarations communes en signe de protestation.

Plus d'une centaine d'écoles et d'universités ont suspendu leurs activités. Quelque 160 diplomates géorgiens ont aussi critiqué la décision du gouvernement, estimant qu'elle était contraire à la Constitution et conduisait «à l'isolement international» du pays. De nombreux ambassadeurs géorgiens ont démissionné en signe de protestation.

La présidente pro-européenne du pays, Salomé Zourabichvili, en rupture avec le parti Rêve géorgien, soutient le mouvement de protestation mais ne dispose que de pouvoirs limités. Elle a assuré qu'elle ne quitterait pas ses fonctions comme prévu le 14 décembre. «Tant qu'il n'y aura pas de nouvelles élections et un Parlement qui élira un nouveau président selon de nouvelles règles, mon mandat se poursuivra», a-t-elle affirmé dans un entretien exclusif à l'AFP.

L'ancienne diplomate française née à Paris a annoncé avoir mis en place samedi un «conseil national» composé de partis d'opposition et de représentants de la société civile, qui assurera «la stabilité dans ce pays». «Je serai la représentante de cette transition légitime et stable», a-t-elle dit.

Fraude électorale

Le cheffe de la diplomatie européenne, qui a pris ses fonctions ce dimanche, a déclaré que la situation en Géorgie avait «clairement des conséquences» sur les relations avec l'UE. Mme Kallas a expliqué que des «options» avaient été proposées aux 27 États membres de l'UE quant à la manière de réagir, y compris via l'imposition de sanctions, et qu'un accord devait être trouvé à ce sujet.

Le gouvernement géorgien accuse de son côté Bruxelles de «chantage» mais assure toujours prévoir d'intégrer l'UE à l'horizon 2030. Après le vote d'octobre, un groupe d'observateurs électoraux de Géorgie a déclaré avoir des preuves d'un système complexe de fraude électorale à grande échelle.

Bruxelles a exigé une enquête sur ce qu'elle a qualifié de «graves» irrégularités. Les députés du Rêve géorgien ont eux voté à l'unanimité jeudi pour que Irakli Kobakhidze reste Premier ministre, alors même que l'opposition boycottait le Parlement. Le porte-parole du département d'Etat américain, Matthew Miller, a «condamné l'usage excessif de la force contre les Géorgiens exerçant leur liberté de manifester». «Nous avons suspendu notre partenariat stratégique avec la Géorgie», a-t-il ajouté.

Le bureau des droits de l'Homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a jugé «très préoccupante» l'action des forces de l'ordre «lors de manifestations pacifiques», estimant qu'elle «constitue une grave violation du droit à la liberté de réunion pacifique.» La France, le Royaume-Uni, l'Ukraine, la Pologne, la Suède et la Lituanie ont aussi exprimé leurs inquiétudes.

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