Fatigués de l’actualité politique Française? Lassés de relire les hypothèses sur la confrontation triangulaire entre Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen? Désolés – une fois encore – de voir la France s’enliser dans une crise politique et redouter à ce point l’idée d’un compromis entre grandes formations politiques pour parvenir à gouverner?
Alors, ce livre est fait pour vous. Il s’agit d’histoire. Il s’agit de monarchie. Mais il explique tout, ou presque, du comportement si singulier des électeurs français, vu depuis l’étranger. «La France s’est révélée, dans la large mesure, contre la volonté de monarques démiurges. Et cette confrontation a engendré une histoire positive, créatrice de règles et d’aspirations qui ne cessent de déterminer et d’agiter sa vie politique et sociale.»
Tel est le constat de l’historien Alphée Roche-Noël dans son essai «La France contre le monarque. De l’An mil à nos jours» (Ed. Passés Composés). Lequel refuse pourtant de valider la thèse d’un pays uniquement «révolutionnaire»: face à leur monarque, les Français ne sombrent pas toujours dans un «affrontement de haute intensité» écrit l’auteur. Ils procèdent «par à-coups, par crises, par prises de conscience, par avancées et par reculades». L’objectif est toujours de tuer le Roi. Mais il arrive que celui-ci, bien aimé, parvienne à convaincre son peuple de ne pas le châtier.
La révolution subvertie
Lire «La France contre le monarque» tout en feuilletant, juste à côté, «Emmanuel Macron, vérités et légendes» (Ed. Perrin) permet de se faire une idée juste de la situation du pays en ce début d’été 2022. Allez, sous la plume d’Alphée Roche-Noël, à la page 206 consacrée à l’ascension de Bonaparte. Napoléon, l’Empereur arrivé par les champs de bataille à la tête de ce pays et de cette révolution «qui avait démonté jusque-là tous ceux qui s’étaient hissés sur son dos».
Le rapport entre la France et son monarque, sous le premier Empire, façonne ce qui adviendra plus tard. Le jeune général républicain «subvertit définitivement la révolution qu’il était censé protéger». Voilà le drame. En plus d’avoir été fondée à l’ombre de la guillotine qui exécuta Louis XVI, décapité le 21 janvier 1793 place de la Concorde à Paris, la République a grandi dans le mensonge, du moins, le refus d’accepter certaines réalités. Les Français aiment les hommes forts «dès lors que ce régime de pouvoir personnel se drape dans les formes constitutionnelles […] peu importe que la constitution soit monarchique. Peu importe qu’elle ait été ratifiée par un million de fantômes: la rationalité révolutionnaire commande qu’il y en ait une»
Macron, si bonapartiste
Voici pourquoi Emmanuel Macron, ce jeune Chef de l’État si bonapartiste dans son style et ses promesses initiales de «transformation» du pays, n’a toujours pas complètement compris ce qui lui est arrivé le 19 juin dernier. Réélu un mois et demi plus tôt, le locataire de l’Elysée n’éprouvait pas le besoin de faire campagne. Il misait sur cet accord tacite de ses concitoyens pour suivre le monarque qu’ils prétendent détester, dès lors qu’il les protège.
Arthur Berdah est l’auteur de «Emmanuel Macron, vérités et légendes». Il a, le 23 janvier 2020, à l’aube de la pandémie de Covid 19, demandé au président s’il espérait encore réconcilier les Français. Sa réponse? «Sur un sujet comme celui-ci, c’est sans doute l’histoire qui jugera. Et je ne suis même pas sûr que ce soient les électeurs qui puissent juger d’un sujet aussi compliqué dans l’immédiateté de la vie politique.» Macron refuse de comparaître. Pour lui, les Français ne parviendront jamais à s’extirper de ce piège monarchique. Puisqu’ils chercheront toujours à tuer le Roi, l’essentiel est de les devancer pour rester hors d’atteinte: «Ce que vous appelez la gestion est une conquête de chaque instant poursuit-il devant Arthur Berdah. Ce qui compte, c’est de ne jamais se départir de l’esprit de conquête, y compris dans l’exercice du pouvoir.»
Impossible de faire obstacle au «gouvernement d’un seul»
Rien de nouveau sous le soleil politique de l’hexagone. «La Ve République partage avec la monarchie d’être un système où les contre-pouvoirs, quels qu’ils soient ne sont pas de taille à faire obstacle au «gouvernement d’un seul» juge l’historien Alphée Roche-Noël. Après Bonaparte, De Gaulle est passé par là. Pouvoir élire le roi – au suffrage universel – c’est aussi s’arroger le droit de lui couper périodiquement (et symboliquement) la tête. La France contre le monarque reste l’ADN politique du pays. Sa marque de fabrique.