L'ONU inquiète du prix des engrais
Plus de 5 millions de tonnes de céréales grâce à l'accord ukrainien

Le volume de céréales exportées depuis l'Ukraine a dépassé les cinq millions de tonnes depuis l'accord entre Kiev et Moscou en juillet, selon l'ONU. Mais elle s'est dite inquiète lundi à Genève du prix des engrais qui pourrait aboutir à une crise d'approvisionnement.
Publié: 03.10.2022 à 22:39 heures
L'ONU souhaite que l'accord pour l'exportation de céréales d'Ukraine puisse être renouvelé par les parties au conflit (archives).
Photo: Nina Lyashonok

«Il ne fait aucun doute» que l'accord sur les céréales a eu un impact «significatif», a affirmé à la presse la secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) Rebeca Grynspan. La moitié des quelque 250 chargements sont allés vers les pays riches et l'autre vers les pays en développement.

Mais «il est difficile» de savoir où atterrissent ces céréales, ajoute celle qui a porté pour l'ONU cet arrangement. Selon elle, aucune perturbation n'a été observée dans les ports ukrainiens et les chargements augmentent.

Les tarifs des engrais inquiètent

L'ONU souhaite que l'arrangement soit renouvelé après quatre mois parce que celui-ci «est un succès pour faire face à la crise alimentaire». Mais le second accord de juillet, celui qui exempte les exportations russes de céréales et d'engrais de sanctions, «est une partie indispensable» de ce dispositif, a insisté Rebeca Grynspan. Or, la Russie n'est pas entièrement satisfaite.

L'ONU a œuvré pour garantir auprès des Etats-Unis et d'autres acteurs l'application de cet accord. «Nous avons continué de résoudre ce problème», a ajouté la secrétaire générale. Plus largement, si les marchés se stabilisent, les prix des denrées alimentaires pourraient encore diminuer, selon elle. L'inquiétude porte désormais sur les tarifs des engrais qui restent «très importants».

Ralentissement de la croissance anticipé

Selon le rapport de la CNUCED sur le commerce et le développement publié lundi, le Produit intérieur brut (PIB) réel dans le monde devrait encore être inférieur fin 2023 à la situation d'avant la pandémie. L'agence onusienne anticipe un ralentissement de la croissance à guère plus de 2% l'année prochaine.

Cette année, le PIB mondial ne devrait progresser au final que de 2,5%. En cause, la pandémie et la guerre en Ukraine mais aussi la réponse économique des pays riches dont les banques centrales ont rapidement augmenté les taux d'intérêt.

Et cette approche ne suffira pas à éviter une récession, a affirmé Rebeca Grynspan. La décision américaine pourrait même coûter plus de 510 milliards de dollars aux pays en développement, en dehors de la Chine. Ces dispositifs sont pris davantage «pour la crédibilité des banques centrales que pour leur impact», estime le directeur de la division de la mondialisation à la CNUCED, Richard Kozul-Wright.

«C'est une période difficile» pour les responsables politiques mais «il est encore temps d'éloigner le risque d'une récession», selon elle. «Nous avons les outils nécessaires pour calmer l'inflation et soutenir tous les groupes vulnérables», ajoute-t-elle, mentionnant une question de «volonté politique».

Une crise de distribution plutôt que d'inflation

Selon la CNUCED, le manque à gagner du PIB réel l'année prochaine pourrait s'établir à près de 18'000 milliards de dollars, soit 20% des revenus mondiaux. Le ralentissement affectera toutes les régions, mais surtout les pays en développement. Le taux de croissance moyen dans ces Etats ne devrait pas dépasser 3%.

Depuis fin 2021, les flux nets de capitaux vers les pays en développement sont devenus négatifs, ces territoires finançant les Etats riches, déplore encore la CNUCED. Près de 100 pays sont exposés à des problèmes économiques multiples.

Selon des estimations, 379 milliards de dollars ont déjà été dépensés par les Etats en développement cette année face aux difficultés monétaires, le double du volume des nouveaux droits de tirage spéciaux qui leur ont été attribués. La CNUCED appelle à une utilisation plus permanente et plus large de ceux-ci et, à nouveau, à un cadre juridique international pour la restructuration de la dette.

Selon Richard Kozul-Wright, le problème politique vient davantage d'une crise de la distribution, en raison des dividendes trop nombreux, qu'à une crise de l'inflation. L'agence onusienne appelle à un dispositif pour lutter contre l'augmentation des prix de l'énergie, de l'alimentation et d'autres composantes considérées comme les plus importantes. Elle est favorable à un contrôle des prix et à des taxes exceptionnelles, notamment sur les superprofits comme l'a souhaité le secrétaire général de l'ONU.

(ATS)

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