À Solingen, dans l'ouest de l'Allemagne, un réfugié syrien de 25 ans a tué ce vendredi trois personnes et en a blessé beaucoup d'autres. Cette attaque au couteau interroge sur les raisons qui ont mené à cet acte violent.
Peter R. Neumann, expert sur l'extrémisme, met en garde depuis longtemps contre le fait que le terrorisme international se fait de plus en plus sentir en Europe occidentale. L'Allemand voit des développements inquiétants se profiler en Europe, avec une radicalisation facilitée par Internet et des auteurs de plus en plus jeunes.
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Peter R. Neumann, un acte terroriste vient d'ébranler l'Allemagne. Vous mettez en garde depuis longtemps contre le fait que l'Allemagne soit dans la ligne de mire des islamistes. A quoi avez-vous pensé lorsque vous avez découvert cette attaque?
Cela m'a effrayé, bien sûr. Même si l'on travaille sur le sujet depuis 20 ans, chaque nouvelle attaque nous bouleverse. Ces attaques sont de plus en plus fréquentes, et elles se rapprochent. Cette évolution ne concerne pas seulement l'Allemagne, mais toute l'Europe occidentale. Au cours des dix ou onze derniers mois, il y a eu sept attentats djihadistes réussis et 21 autres tentatives d'attentats ou de projets d'attentats déjoués. Quatre fois plus qu'en 2022 – une augmentation dramatique.
Il s'agit de plus en plus d'auteurs isolés, qui n'ont pas de lien direct avec des organisations terroristes – des «loups solitaires». Certains sont même des adolescents. D'où vient cette évolution?
La radicalisation se produit de plus en plus souvent en ligne. Les chiffres montrent clairement que dans deux tiers des cas mentionnés précédemment, les auteurs étaient des adolescents. Nous observons ce même schéma en Suisse, où neuf personnes très jeunes ont été arrêtées entre-temps. Les autorités doivent s'adapter à ce nouveau phénomène. À la radicalisation en ligne pour commencer, puis à de très jeunes auteurs d'attentats que l'on n'avait pas repérés auparavant.
Depuis octobre dernier, dix des 60 arrestations de terroristes présumés en Europe occidentale ont eu lieu en Suisse. Toutes ont été commises par des jeunes. Le directeur du service de renseignement suisse parle ouvertement d'un problème de radicalisation. Pourtant, il n'y a que peu d'attentats en Suisse…
L'âge des auteurs potentiels joue un rôle. Un jeune de 13 ans a plus de mal à se procurer une arme ou à planifier un attentat qu'un jeune de 23 ans par exemple, même si cela reste de toute façon difficile. Pour simplifier, les adolescents ne sont pas aussi compétents que des adultes. L'attaque d'un juif par un jeune de 15 ans à Zurich est, à l'échelle européenne, le seul exemple à ce jour d'une attaque «réussie» par un adolescent au nom du djihadisme. Mais lorsque des jeunes s'associent à des personnes plus expérimentées, le danger augmente. Comme dans le cas de la cellule Schaffhouse-Thurgovie, où l'on a appris que le père d'une jeune fille de 15 ans de Düsseldorf, qui était en contact avec des jeunes en Suisse, était déjà soupçonné par les services de renseignement.
L'auteur de l'attentat de Solingen aurait dû être expulsé, mais il a disparu et est revenu dans les rouages de la politique d'asile. Les autorités allemandes en matière d'asile sont-elles trop laxistes?
C'est la question qui fait actuellement débat en Allemagne. Comment les choses vont-elles évoluer en matière de migration et d'intégration? Il est clair que beaucoup de personnes qui sont venues en Allemagne en quête de protection ou du statut de réfugiés n'ont pas été suffisamment intégrées. Nous devons donc prendre une décision: soit nous disons que nous y parviendrons, et nous augmentons alors nos efforts d'intégration, soit nous disons que nous n'y parviendrons pas, et nous laissons alors entrer moins de personnes dans le pays.
Le monde politique est intervenu très rapidement. D'un côté, on demande un durcissement du système d'asile, de l'autre, on milite pour des zones d'interdiction de couteaux et d'armes. Cette dernière mesure est-elle efficace?
C'est une approche parmi d'autres. Mais l'État islamique ne se soucie pas des moyens utilisés pour agir. Si on ne peut pas le faire avec un couteau, on peut le faire avec une voiture par exemple. L'interdiction des couteaux ne suffira pas à résoudre ce problème. En fin de compte, il s'agit toujours de ce qui se passe dans la tête des gens.