Les scientifiques s'inquiètent
Un mégaprojet met en danger l'observation du ciel au Chili

Un mégaprojet d'énergie propre prévu près de l'Observatoire de Paranal dans le désert d'Atacama suscite l'inquiétude des astronomes. Ils craignent que la pollution lumineuse ne compromette la visibilité exceptionnelle du site, crucial pour l'observation du cosmos.
Publié: 09.02.2025 à 14:39 heures
Le projet envisagé près de l'observatoire au Chili, menace l'un des ciels les plus sombres et préservés de la planète.
Photo: AFP
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ATS Agence télégraphique suisse

La nuit tombe sur le désert d'Atacama et quatre puissants télescopes commencent à scruter l'un des ciels les plus purs et les plus étoilés du monde. Pourtant, l'Observatoire de Paranal, au Chili, pourrait être menacé par la pollution lumineuse d'un mégaprojet énergétique.

La pollution lumineuse d'un nouveau projet inquiète

Situé à 2635 mètres d'altitude, le site permet d'"observer la Voie lactée avec une clarté inégalée (...), il s'agit des ciels les plus dégagés, les plus sombres», explique à l'AFP Itziar de Gregorio, une astronome espagnole de l'Observatoire Européen Austral (ESO), qui exploite les lieux.

A quelques kilomètres de ce «sanctuaire astronomique mondial» est pourtant prévue la construction d'une usine consacrée aux énergies propres, dans le cadre de l'ambitieux programme chilien de remplacement des énergies fossiles d'ici à 2050. Les scientifiques s'inquiètent de la pollution lumineuse que pourrait générer le projet: l'excès de lumière artificielle limite en effet la visibilité de certains phénomènes, comme les éclipses et les pluies de météorites, préviennent-ils.

À plus de 100 km de la ville

Ce phénomène, généralement lié à une augmentation de l'éclairage public et à la présence de panneaux publicitaires lumineux, affecte aussi les cycles de sommeil chez les humains et désoriente les oiseaux migrateurs. Pourtant, il passe souvent inaperçu. A Paranal, c'est quand le soleil se couche que débute la phase la plus intense du travail. Dans la journée, astronomes et ingénieurs traitent les données. La nuit, ils sondent l'infini.

Dans le désert d'Atacama, le plus aride et le plus sec du monde, les nuages sont rares, offrant des conditions idéales pour l'observation du cosmos. En outre, la pollution lumineuse y est faible. L'Observatoire de Paranal se trouve ainsi à plus de 100 km d'Antofagasta, la ville la plus proche.

Scientifiques inquiets

Mais cela pourrait changer avec la construction de la nouvelle usine. Dans une lettre ouverte, une quarantaine d'astronomes, scientifiques et même poètes ont récemment exprimé leur préoccupation.

Le projet, financé à hauteur de 10 milliards de dollars par AES Andes, la filiale chilienne de la compagnie américaine AES Corporation, s'étendrait sur 3000 hectares. Il prévoit, selon l'entreprise, «la production d'hydrogène et d'ammoniac vert, ainsi que le développement du solaire, de l'éolien et du stockage des batteries».

Zone «d'exclusion lumineuse»

Cependant, la question de la distance entre l'Observatoire de Paranal et la future usine divise. Tandis que l'entreprise l'évalue à 20 ou 30 km, les chercheurs estiment qu'elle ne dépasse pas 11 km. Sans s'opposer au projet, ces derniers réclament la création d'une zone d'"exclusion lumineuse» afin de préserver l'intégrité du site.

AES Andes, dans un court communiqué de presse, assure que son projet respecte «les normes les plus élevées en termes d'éclairage» et répond à celle édictée par le gouvernement sur le sujet. Mise en place en octobre, cette dernière vise notamment à protéger les principaux lieux d'observation astronomique.

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