Qui pourrait succéder à Vladimir Poutine? Le journal indépendant russe «Novaïa Gazeta» a analysé huit profils de potentiels successeurs, avec l’aide de politologues.
Le «Corriere della Sera» italien a également compilé ces analyses. Parmi ces huit hommes, certains ont réussi à se faire bien voir par le président russe. Pour d’autres, l’accession au pouvoir s’annonce plus ardue. Tour d’horizon.
Ramzan Kadyrov: d’outsider à interlocuteur
Le dirigeant tchétchène s’est rallié du côté de Vladimir Poutine depuis le début de la guerre en Ukraine. Il a déployé une partie de ses hommes dans le pays de Volodymyr Zelensky, et utilise régulièrement les réseaux sociaux pour proférer des menaces. Ramzan Kadyrov aurait récemment menacé d’une invasion en Pologne, par exemple.
Même si, pour l’instant, aucune de ses menaces n’a été portée à exécution, il compte une large communauté d’abonnés, notamment sur Instagram, où 2,5 millions de personnes le suivent.
D’après les analystes de la «Novaïa Gazeta», Kadyrov a utilisé la guerre en Ukraine pour devenir un interlocuteur direct du président russe.
Dmitri Medvedev: un clown médiatique
Pour les politologues, Dmitri Medvedev a choisi l’autre voie. Le proche de Vladimir Poutine a été président de la Russie de 2008 à 2012, puis premier ministre de la Fédération de Russie jusqu’en 2020. Il est aujourd’hui aussi bruyant que Ramzan Kadyrov, et fait régulièrement parler de lui, par exemple en remettant en question le maintien de l’Ukraine en tant qu’État souverain.
Mais, selon la «Novaïa Gazeta», il ne marquerait pas des points auprès de Vladimir Poutine pour autant. L’heure de gloire de l’ex-président russe serait derrière lui, et il ne serait devenu qu’une sorte de clown médiatique.
Andrey Turchak: à la recherche d’une place au soleil
Le secrétaire général du parti de Poutine «Russie unie», Andreï Tourtchak, s’exprime régulièrement pour soutenir son dirigeant. Il ne «doute pas» que les régions ukrainiennes de Lougansk et de Donetsk rejoindront la Russie, a-t-il déclaré il y a quelques semaines.
Les politologues de la «Novaïa Gazeta» partent du principe que la guerre est une occasion unique pour Andrey Turchak de grimper dans la hiérarchie, «et d’obtenir enfin une place au soleil, différente de celle d’un chef de parti personnel sans véritable structure.»
Viatcheslav Volodine: un porte-parole captif
Viatcheslav Volodine est président de la Douma de l'État, la chambre basse du Parlement russe. S’il a d’abord été un politicien modéré, il est devenu de plus en plus conservateur ces dernières années. En 2018, il a par exemple soutenu les lois anti-LGBTQIA+. Il se fait désormais remarquer pour d’autres propositions radicales, demandant notamment le licenciement de la fonction publique de ceux qui s’opposent à «l’opération militaire spéciale», la qualification de guerre en Ukraine.
Le président parlementaire qualifie également les soldats ukrainiens de «guerriers nazis». Le jugement des politologues est sans appel: «Viatcheslav Volodine est plus visible, mais pas plus influent. En Russie, il compte peu. Le meilleur lui est aussi passé devant le nez.»
Sergueï Kirienko: un successeur sans charisme
Jusqu’en 2016, Viatcheslav Volodine était directeur adjoint de l’administration présidentielle. Sergueï Kirienko l’a ensuite remplacé. Ce dernier s’était déjà fait remarquer très tôt: à 35 ans, il avait déjà été Premier ministre de Russie pendant quelques mois.
Aujourd’hui, il dirige l’occupation du Donbass, et est convaincu, comme Vladimir Poutine, de ne pas lutter contre l’Ukraine, mais contre l’Occident. Il est considéré comme le successeur prédestiné à la présidence de la Russie. D’après la «Novaïa Gazeta», ce n’est toutefois pas gravé dans le marbre. Sergueï Kirienko aurait la réputation, à Moscou, d’être un technocrate peu charismatique, incapable de parler en public.
La preuve il y a quelques jours: à l’occasion de la fête nationale russe le 12 juin, il a promis de restaurer le Donbass, même si cela devait coûter plusieurs milliards de roubles, ce qui ferait baisser temporairement le niveau de vie de la Russie. Le discours a été retiré d’Internet, car Vladimir Poutine ne veut pas que des informations «négatives», aussi minimes soient-elles, soient diffusées au peuple.
Marat Khousnoulline: une promotion dans l’impasse
Le vice-premier ministre a été chargé de la reconstruction et de l’administration des régions de Kherson, Zaporizhzhya et Lougansk. Marat Khousnoulline s’exprime régulièrement sur la situation dans ces régions. Il y a quelques jours, il a estimé qu’il n’y avait aucune raison de reconstruire l’aciérie Azov de Marioupol, entièrement détruite et longtemps considérée comme le symbole de la résistance ukrainienne. Au lieu de cela, il propose d'y aménager une zone de loisirs.
Selon les politologues sollicités par la «Novaïa Gazeta», ce nouveau poste n’est toutefois qu’en apparence une promotion pour Marat Khousnoulline. En réalité, il serait au zénith car, comme Sergueï Kirienko, il a commis trop d'écarts pour espérer arriver au sommet. Il doit certainement espérer que Vladimir Poutine tienne le plus longtemps possible...
Sergueï Mironov: un président de parti ridicule
Sergueï Mironov aurait le même rôle que Dmitri Medvedev. En tant que président du parti «Russie unie» de Vladimir Poutine, il est en fait l’un des hommes les plus importants du pays, mais selon le journal, il ne figure sur la liste que par souci d’exhaustivité.
Nikolaï Patrouchev: un héritier trop âgé
Il est, avec Sergueï Kirienko, le plus souvent cité comme successeur potentiel de Vladimir Poutine. Et il est encore plus puissant, écrit la «Novaïa Gazeta». Elle le décrit comme le deuxième homme le plus important de Russie.
L’ancien directeur des services secrets est le président du Conseil de sécurité, et se trouve ainsi bien au-dessus de Dmitri Medvedev, qui lui est nominalement supérieur. «Le conflit avec l’Occident et l’isolement croissant de Poutine ont accru son pouvoir de manière exponentielle», écrivent les politologues à propos de Nikolaï Patrouchev.
Il serait l’homme qui filtre les informations adressées à son dirigeant. Mais lui aussi a un point faible: son âge. Nikolaï Patrouchev, qui connaît Vladimir Poutine depuis les années 1970, a un an de plus que Poutine, et si ce dernier vit encore longtemps, il ne pourra guère lui succéder.
Finalement, la «Novaïa Gazeta» dresse le bilan suivant: L’héritier du trône de Poutine n’est pas encore trouvé. À moins qu’il ne se déplace si habilement dans l’ombre que personne ne l’a encore remarqué...