Vous avez remarqué quelque chose, mercredi dernier? Internet était très lent dans plusieurs pays, tant en Europe qu'en Asie ou aux États-Unis. Par endroits, la connexion était même impossible. Ce n'est pas un hasard: trois câbles internet reliant les continents ont été endommagés à Marseille, dans le sud de la France, selon l'entreprise de cloud computing Zscaler.
La situation la plus chaotique a eu lieu dans les îles écossaises des Shetland, qui ont subi une panne totale de réseau. Même les distributeurs automatiques de billets ne fonctionnaient pas, rapporte la BBC. Or, peu de temps auparavant, un câble internet reliant les Îles Féroé aux Shetland venait d'être coupé...
Selon les opérateurs, il est hautement improbable que plusieurs câbles internet soient coupés simultanément en raison d'une panne technique. «Rien que deux câbles endommagés en même temps, ce serait déjà une sacrée coïncidence», a déclaré jeudi le chef du gouvernement écossais, Nicola Sturgeon. La thèse à peine déguisée? Un sabotage de la Russie.
Le Kremlin en cause?
Après les attaques présumées contre les oléoducs et les gazoducs ces dernières semaines, le président russe, Vladimir Poutine, veut-il s'en prendre à l'infrastructure d'Internet? Ce n'est pas qu'une hypothèse: il existe des indices concrets en ce sens. Un expert naval américain a découvert que peu avant les incidents, un «navire de recherche» du gouvernement russe avait spontanément changé de route sans aucune annonce préalable et était passé très près des câbles.
Cela ne suffit toutefois pas pour conclure que le navire soit réellement impliqué dans la destruction. Il est tout à fait possible qu'il s'agisse d'une manœuvre de diversion, selon l'expert. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les navires russes font, en effet, l'objet d'une surveillance rapprochée. Toute déviation des itinéraires suscite un grand intérêt — difficile donc de passer inaperçu.
Internet est très fragile
Saboter Internet, par contre, n'est pas une entreprise particulièrement difficile: alors qu'elle est hautement critique (sinon, vous ne liriez pas cet article), toute l'infrastructure est très fragile. Les données Internet sont transportées à travers le monde par un nombre relativement faible de câbles: à l'heure actuelle, il n'y en a «que» 530 à travers le monde, selon une carte de la société d'études de marché TeleGeography. Ces câbles sont à peu près aussi épais que du fil de clôture d'un jardin, et surtout très peu protégés.
Certaines régions, notamment les îles éloignées comme celles évoquées précédemment, ne dépendent que... d'un seul câble. Il suffit que celui-ci soit endommagé pour qu'une région entière soit revenue à l'ère d'avant Internet.
Selon «Die Zeit», ce scénario est survenu en février dans l'archipel des Tonga, dans le Pacifique. Rien à voir avec Vladimir Poutine: une éruption volcanique souterraine a endommagé le seul câble internet menant à l'archipel situé au nord-est de la Nouvelle-Zélande. Pendant cinq semaines, les habitants ont dû vivre déconnectés, jusqu'à la réparation de la ligne.
Le président russe, acculé, pourrait profiter de cette dépendance à des câbles minces et peu sécurisés. Comme le déclare l'expert Marc Helmus au journal allemand, c'est surtout Marseille qui pose problème. Seize câbles sous-marins de différents continents s'y rejoignent — difficile d'imaginer un endroit plus efficace pour un sabotage.
Un sabotage ferroviaire en Allemagne
Selon l'expert, les photos publiées par la police française indiquent que le câble a été coupé par des professionnels à Marseille. Les auteurs étaient visiblement bien préparés et savaient exactement quel câble ils devaient couper. Un schéma similaire avait déjà été constaté lors de la panne à grande échelle de la Deutsche Bahn (DB), début octobre.
A l'époque, plusieurs câbles de la DB avaient été sectionnés. Le trafic ferroviaire avait été interrompu pendant une demi-journée dans tout le nord-ouest de l'Allemagne. Dans ce cas-ci également, les auteurs savaient très exactement ce qu'ils devaient faire pour causer le plus de dégâts possible...