Les alliés occidentaux envoient des signaux contradictoires sur la guerre en Ukraine. Les dirigeants politiques européens ne semblent pas être d’accord sur la manière de mettre fin au conflit et de rétablir la paix. Et ce, alors qu’il semble chaque jour plus difficile pour l’Ukraine de stopper l’avancée russe.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a essuyé de nombreuses critiques cette semaine pour un tweet. Alors que la guerre fait rage en Ukraine et que de nombreuses pertes humaines sont à déplorer, le chancelier a soulevé la question de savoir si la violence pouvait être combattue par la violence, et si la paix ne pouvait être instaurée que sans armes. «Les deux camps devraient discuter avec respect», a déclaré Olaf Scholz. Il a ajouté: «Il est cependant clair que nous sommes aux côtés de l’Ukraine.»
«Des paroles vides de sens», a critiqué le directeur national de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne, Stefan Hennewig. Olaf Scholz, sans doute l’homme politique le plus puissant d’Europe, n’a pas fourni jusqu’à présent d’engagement clair en faveur d’un soutien militaire à l’Ukraine. «Malgré les promesses, l’Allemagne ne livre pratiquement pas d’armes à l’Ukraine depuis neuf semaines», s’indigne «Die Welt».
Zelensky exprime pour la première fois des doutes
Et ce, alors que le président russe Vladimir Poutine dicte le déroulement de la guerre. Le chef du Kremlin a mis en garde Olaf Scholz contre les livraisons d’armes à l’Ukraine, et le pétrole et le gaz russes continuent d’affluer en Europe. Moscou génère d’importants revenus supplémentaires grâce à l’exportation de combustibles fossiles, ce qui permet notamment à la machine de guerre de continuer à tourner.
De leur côté, les Américains essaient de joindre le geste à la parole. Dès la semaine prochaine, ils veulent livrer à l’Ukraine des missiles à longue portée pour défendre des positions dans le Donbass. C’est ce que rapporte le «Wall Street Journal». La réponse de Moscou a été rapide et cinglante. Des armes qui pourraient atteindre le territoire russe seraient un «pas vers une escalade inacceptable», a averti le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, selon l’agence de presse publique Tass.
Entre-temps, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a admis pour la première fois que tous les territoires perdus ne pourraient probablement pas être reconquis par la force. «Je ne pense pas que nous puissions récupérer l’ensemble de notre territoire par des moyens militaires», déclare-t-il dans une interview publiée en ligne par son bureau.
Les pays occidentaux hésitent
Après des premières semaines de guerre chaotiques du côté russe, la stratégie de l’occupant consistant à avancer en l’Ukraine par l’est semble porter ses fruits. La chute complète du Donbass pourrait être imminente. Avec l’aggravation des possibilités restreintes d’approvisionnement et de la crise alimentaire, le risque de voir tomber les régions une à une inquiète.
L’armée russe se déplace lentement, mais inexorablement. La guerre, affirmait Volodymyr Zelensky, se gagne sur le champ de bataille, mais ne peut se terminer que par des négociations. Quand arrêter les combats? À quelles conditions? Après bientôt 100 jours d'affrontements, les pays occidentaux ont pris position, mais semblent s’efforcer de ne pas rompre totalement les liens avec la Russie.
Samedi, Olaf Scholz et le président français Emmanuel Macron ont parlé à Vladimir Poutine lors d’un entretien téléphonique. «Le chancelier allemand et le président français ont insisté à cette occasion sur un cessez-le-feu immédiat et un retrait des troupes russes», a-t-on appris du côté allemand. Le chancelier et le président français ont exigé des négociations. Il est dit que le dirigeant russe voulait apparemment envisager les négociations en tant que solution du conflit. Elles auraient finalement été arrêtées «par la faute de Kiev». Ce faisant, le chef du Kremlin a mis en garde contre des livraisons d’armes «dangereuses» et contre le fait que «la situation en Ukraine continue de se dégrader, alors que la crise humanitaire s’aggrave.»
Le temps semble être du côté de Poutine, alors que le débat commence à tourner autour des coûts, des risques et des avantages d’une prolongation de la guerre, mais aussi de la place de la Russie dans l’ordre européen. L’Allemagne insiste sur un cessez-le-feu. L’Italie propose un plan de paix en quatre points. La France veut un futur accord de paix qui n'«humilie» pas la Russie.
Des Européens divisés
Les États-Unis ont jusqu’à présent dépensé près de 14 milliards de dollars (13,4 milliards de francs) pour la guerre. Le Congrès vient de débloquer 40 milliards de dollars supplémentaires, mais l’aide des Américains aux Ukrainiens n’est pas illimitée. Ils ont certes livré de l’artillerie, mais pas encore les systèmes de missiles à plus longue portée exigés par Volodymyr Zelensky.
Les Ukrainiens opposent toutefois une grande résistance et ne permettent pas aux Russes de conquérir facilement leurs territoires. De nouvelles armes occidentales font également leur apparition sur le front. Mais les décideurs politiques européens commencent à se lasser de la guerre. Le négociateur en chef du dirigeant ukrainien, Mykhaïlo Podoliak, s’est dit de plus en plus préoccupé par la «lassitude» de certains pays européens. «Ils ne le disent pas directement, mais on a l’impression que c’est une tentative de nous forcer à capituler», a-t-il déclaré, cité par «The Economist».
«Si l’Occident veut vraiment la victoire de l’Ukraine, il est peut-être temps de nous donner des lance-missiles multiples à longue portée», a fait savoir le négociateur sur Twitter samedi. «Il est difficile de se battre quand on est attaqué à une distance de 70 kilomètres et que l’on n’a rien pour se défendre», a-t-il déclaré.
Moscou n’est pas pressée
Moscou ne se montre pas pressée de conclure un cessez-le-feu. La fin de la guerre dépend en premier lieu de Vladimir Poutine. Celui-ci semble déterminé à conquérir l’ensemble du Donbass à l’est et à s’emparer d’autres terres à l’ouest.
Moscou ne céderait probablement que si elle était dans une impasse stratégique. Mais l’indignation initiale face à l’invasion russe et la volonté d’agir semblent déjà s’être considérablement réduites en Occident. Comme l'a dit Emmanuel Macron, à long terme, l’Europe devra trouver un moyen de vivre avec la Russie.
(Adaptation par Lliana Doudot)