Les Etats-Unis et la Chine se livrent une guerre commerciale
«Au final, ce sont toujours les consommateurs qui paient, car les prix augmentent»

La guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine s'intensifie. Les Etats-Unis imposent des droits de douane punitifs, la Chine pourrait suivre le mouvement. Avec des conséquences négatives pour l'économie mondiale et la Suisse.
Publié: 17.05.2024 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 17.05.2024 à 07:58 heures
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Les voitures électriques chinoises sont à la conquête des marchés occidentaux.
Photo: Zvg
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Christian Kolbe

Les Etats-Unis et la Chine affutent leurs armes en matière de politique économique. Les États-Unis viennent d'imposer de nouveaux droits de douane punitifs sur les produits chinois. Les voitures électriques made in China sont particulièrement touchées. Pour celles-ci, les droits de douane punitifs sont portés à 100%, ce qui signifie que leur prix doublerait.

Mais ce n'est pas tout: les Etats-Unis augmentent également les droits de douane, parfois de manière drastique, pour les cellules solaires, les semi-conducteurs, les grues portuaires, les batteries ou les articles médicaux tels que les canules et les masques de protection. Les Etats-Unis ferment de plus en plus leur marché aux produits chinois. Une nouvelle escalade de la guerre commerciale entre les plus grandes puissances économiques du monde se dessine.

Qu'est-ce que cela signifie pour le commerce mondial, mais aussi pour les consommateurs et les entreprises en Suisse? Blick répond aux questions essentielles.

Que se cache-t-il derrière les mesures américaines?

La campagne électorale, selon les uns – la nécessité pure et simple, selon le gouvernement américain: «La Chine a fortement subventionné tous ces produits et a poussé les entreprises chinoises à produire bien plus que ce que le reste du monde peut absorber», a déclaré le président américain Joe Biden pour justifier les droits de douane punitifs. Ensuite, les produits excédentaires seraient jetés sur le marché à des prix injustement bas, mettant les producteurs du monde entier sur la touche. «Ce n'est pas de la concurrence, c'est de la triche», a appuyé Joe Biden.

Nico Luchsinger, du think tank Asia Society, relativise la nécessité d'une action immédiate des Etats-Unis: «Aucun des grands constructeurs automobiles chinois n'est vraiment présent aux Etats-Unis. Les importations ont certes fortement augmenté l'année dernière, mais elles se situent globalement à un faible niveau.» Il devrait donc surtout s'agir d'empêcher l'entrée en masse des Chinois sur le marché américain des voitures électriques.

A titre de comparaison: l'année dernière, les Etats-Unis ont importé de Chine des marchandises pour une valeur d'environ 385 milliards de francs. Les droits de douane punitifs imposés aujourd'hui ne concernent qu'un volume commercial d'un peu plus de 16 milliards de francs.

Comment la Chine va-t-elle réagir?

La Chine a aussitôt fait savoir qu'elle voulait «prendre des mesures décisives pour défendre ses propres droits et intérêts». Mais Nico Luchsinger fait remarquer: «Les Chinois ne peuvent pas rendre la pareille. La Chine exporte nettement plus de produits vers les Etats-Unis que l'inverse.» Martin Naville, de la Chambre de commerce américano-suisse, s'attend à des contre-mesures, mais pas dans l'immédiat: «Les derniers développements ont été une surprise. Il faudra probablement encore quelques semaines avant que les Chinois ne suivent.»

Quel est le danger de cette évolution?

La question centrale est la suivante: l'UE va-t-elle imposer des mesures similaires aux constructeurs automobiles chinois? La pression est forte, la part de marché des voitures électriques chinoises en Europe est bien plus importante qu'aux Etats-Unis. «Les reproches américains selon lesquels la Chine soutient fortement certaines branches sont certainement justifiés, mais les mesures le sont-elles aussi?», se demande Nico Luchsinger. «Cela deviendra problématique pour la Chine si l'UE lui emboîte le pas.»

«Les États-Unis mélangent la politique économique, la politique de sécurité et la politique étrangère», explique Nico Luchsinger. Un cocktail dangereux pour l'économie mondiale, qui dépend du libre-échange pour prospérer. Jan Atteslander, responsable du secteur Économie extérieure chez Economiesuisse, souligne également les problèmes engendrés par un glissement significatif vers des politiques économiques extérieures plus restrictives dans de nombreux pays: «La tendance est clairement à des mesures encore plus protectionnistes. Conséquence: l'économie mondiale croît plus lentement.»

Qu'est-ce que cela signifie pour l'économie suisse?

Il n'y a pas de danger immédiat, même pour les entreprises qui ont des sites de production aux Etats-Unis. «Ces entreprises produisent en premier lieu pour le marché américain», explique Martin Naville. «Il faut donc beaucoup d'imagination pour trouver quelque chose qui serait menaçant pour ces entreprises.» Nico Luchsinger ne craint pas non plus pour le moment de conséquences directes pour l'économie suisse qui serait causées par le différend commercial entre les deux grandes puissances. Ce spécialiste de l'Asie appelle toutefois à un changement de mentalité: «Le commerce prend de plus en plus une dimension géopolitique. En Suisse, nous avons le sentiment que l'on peut séparer le commerce de la politique étrangère.» Selon lui, cela doit changer. «La Suisse doit se battre pour conserver ses espaces de liberté.»

Jan Atteslander s'attend à des conséquences négatives supplémentaires, surtout en cas de nouvelle escalade: «Si l'UE suit, la Chine devrait également prendre des mesures de rétorsion contre l'Europe. L'industrie automobile allemande en ressentira les effets – et donc aussi ses sous-traitants suisses.»

L'association professionnelle Swissmem craint surtout les conséquences indirectes: «Les murs douaniers freinent la croissance économique dans le monde entier. L'industrie tech, avec ses 80% d'exportations, le ressentira douloureusement.»

Que ressentent les consommateurs?

Pas grand-chose pour l'instant, mais cela pourrait changer: «Au final, ce sont toujours les consommateurs qui paient, car les prix augmentent», explique Jan Atteslander. «Toute forme de protectionnisme est une attaque directe contre les consommateurs.» Et sur l'environnement: «Les mesures concernent certains produits stratégiques, indispensables à la décarbonisation de l'économie mondiale.» Le président américain Biden tente en effet de pousser la Chine hors de secteurs d'avenir critiques en distribuant de son côté des milliards de subventions pour la production de puces ou de batteries.

Avec comme conséquence, une probable augmentation du prix des batteries et avec elles, le renchérissement des voitures électriques non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe. Cela placera les voitures électriques à la traîne en termes de prix par rapport aux voitures à essence, qui restent très populaires.

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