L’enthousiasme. C’est le mot d’ordre des démocrates lors de leur convention à Chicago. Mais pour quoi au juste? Est-ce que Kamala Harris, la candidate à la présidence, qui était considérée comme impopulaire au sein de son parti il y a encore six semaines, suscite cet enthousiasme? Et si oui, comment fait-elle?
Blick s’est renseigné à Chicago et a demandé ce qu’il en était à des personnes qui participaient à la convention du parti. «Nous sommes enthousiastes à l’idée de gagner», déclare Sally Kerans, une députée du Massachusetts. Elle se précipite hors de l’hôtel Marriott dans le centre de Chicago et monte dans une voiture qui l’emmène sur le site de la convention. Elle ne mentionne pas le nom de Harris.
«De la poussière de fée» est tombée sur le parti
Ce n’est «pas forcément Harris qui enthousiasme», précise Tabitha Isner, 43 ans, originaire de Montgomery dans l’État américain de l’Alabama. Elle est vice-présidente du Parti démocrate dans cet État et porte une bannière étoilée sur son chapeau. La confiance se lit sur son visage. «Ce n’est pas à cause d’elle. Ce qui se passe est plus grand qu’elle. Un sentiment de noirceur planait au-dessus de nous, une véritable menace semblait se profiler, explique-t-elle. Nous espérions qu’un héros viendrait nous sauver. Kamala est cette héroïne.»
Sur le plan du contenu, peu de choses ont changé avec la candidate, souligne toutefois Tabitha Isner. «Mais il y a maintenant un esprit magique dans l’air. De la poussière de fée est tombée sur notre parti.»
Il y a six semaines, de nombreux démocrates conseillaient encore à Joe Biden de changer sa vice-présidente. Désormais, le parti se réjouit que cette même personne soit sa candidate. Ses valeurs dans les sondages le confirment: au niveau national, elle a dépassé Donald Trump et dans des États clés importants.
L’obsession Trump
Mais pourquoi Kamala Harris suscite-t-elle autant d’espoir? Les réponses concrètes ne sont pas faciles à trouver à Chicago. La plupart du temps, on entend de la part des démocrates des phrases standard, comme celles que les conseillères politiques prononcent sur les chaînes d’information. Harris se bat pour les pauvres, pour les enfants, pour les droits des femmes. Les premiers jours de la convention du parti ont été dépourvus d’idées. Il ne s’agit pas d’un programme, mais d’une lutte contre Trump, sur lequel tout le monde s’acharne.
Jordan Acker, 39 ans, avocat au Michigan, est à Chicago en tant que délégué suppléant. Il attend un Uber au bord de la route avec des amis. «Je suis ravi de Kamala Harris, car je pense que son atout principal est qu’elle peut battre Trump.» Ce serait donc de lui qu’il s’agit, et pas d’elle.
La politique est une discipline de gain, et l’Amérique aime particulièrement les gagnants. «Aux États-Unis, on parle de politique comme on parle de sport», explique D’Seanté Parks, une conseillère politique de Louisiane qui, avec son organisation «1000 More», veut apporter du contenu au débat politique.
Les hommes et femmes politiques américains sont principalement occupés à se faire élire et réélire, dénonce-t-elle. Il ne reste donc guère de temps pour s’occuper des électeurs. Et ce à tous les niveaux de l’État. Les médias locaux disparaissent, et avec eux les informations sur les responsables. Les médias nationaux se disputent l’audimat, et le plus simple pour l’obtenir est de raconter des histoires de victoire et de défaite. «Mais ce n’est pas parce que quelqu’un gagne une élection que c’est bon pour les gens», tonne D’Seanté Parks.
Les bons candidats pas forcément proches des gens
Un coup d’œil sur l’histoire récente des États-Unis renforce sa thèse: les bons candidats n’ont pas toujours été de bons politiciens, et les mauvais candidats n’ont pas eu le droit de montrer ce dont ils étaient vraiment capables. Barack Obama a enthousiasmé le public en 2008 avec sa rhétorique pendant la campagne électorale, mais il n’a pas réussi à convaincre en tant que président. Hillary Clinton est considérée comme l’une des femmes politiques américaines les plus compétentes des temps modernes, mais elle n’a pas suscité l’enthousiasme lors de la campagne électorale.
John Hatch, 60 ans, se promène avec son chapeau de cow-boy dans le United Center de Chicago. Le Texan est venu de San Antonio, où il dirige le Parti démocrate. «Tout le monde veut aider Kamala à gagner, assure-t-il. Il était clair pour nous qu’il ne devait pas y avoir de combat entre Biden et Trump.» Une façon d’expliquer qu’il fallait trouver coûte que coûte une candidate avec la simple qualité d’être plus jeune.
L’espoir du pouvoir
La perspective d’une victoire ouvre l’appétit des démocrates: «Kamala peut gagner, nous pouvons conserver le Sénat et reconquérir la Chambre des représentants», lance John Hatch. Ce serait une victoire par K.O.: «Nous pourrions alors enfin nous mettre au travail.» Au-delà de Kamala Harris elle-même, c’est surtout la perspective d’avoir plus de pouvoir qui enthousiasme. C’est ça, la politique.