L'islamologue suisse Tariq Ramadan, âgé de 60 ans aujourd'hui, a été acquitté dans son procès pour viol le mercredi 24 mai. En outre, l’Etat de Genève devra lui verser 150’000 francs et prendre en charge les frais de procédure.
Lors de ce procès, le premier procureur Adrian Holloway avait requis une peine de prison de trois ans, dont 18 mois ferme, à l'encontre du théologien. La plaignante, âgée aujourd'hui de 57 ans, qui s'est convertie à l'islam durant sa jeunesse, avait affirmé avoir été frappée, insultée et abusée sexuellement par l'islamologue durant des heures. Une nuit qu'elle avait qualifiée de nuit «de baston».
Tariq Ramadan, figure charismatique et contestée de l'islam européen, se disait quant à lui victime d'un «piège». Il a toujours clamé son innocence dans ce dossier. L'islamologue a reconnu avoir rencontré la plaignante, mais a toujours nié avoir eu ne serait-ce que des relations sexuelles avec elle. Durant son procès, il a expliqué avoir été victime d'une femme éconduite et blessée.
Brigitte va faire appel
Brigitte, qui a choisi ce pseudonyme pour se protéger des menaces, a assuré en revanche que Tariq Ramadan l'avait soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d'insultes dans la chambre 511 de l'hôtel genevois où il séjournait, la nuit du 28 octobre 2008.
Lors des trois jours d'audience, la semaine dernière à Genève, un paravent les séparait afin qu'elle n'ait pas à le voir. La partie plaignante a annoncé qu'elle ferait appel au jugement qui vient d’être rendu. À noter que Tariq Ramadan est également accusé de viol par quatre femmes en France.
«Un procès caricatural»
Brigitte est sortie de la salle à la lecture du verdict. À l'issue de la session, l'équipe de la plaignante a été assaillie par la presse. L’avocat français François Zimeray a commencé par affirmer face aux caméras: «Aux termes d'une audience caricaturale, où la dignité était absente, notre cliente n'a été ni entendue, ni respectée, alors même que le parquet avait souligné combien son récit était cohérent, constant et crédible. C'est pourquoi nous allons relever appel à cette décision.»
L'avocat genevois Robert Assaël d'ajouter: «Les débats que nous avons vécus, avec une partialité rare du Tribunal, qui a été dénoncée par moult médias et d'autres personnes, ne laissaient augurer rien de bon. On est choqués par cette décision. Bien sûr qu'un appel s'imposait. (...) Nous allons nous battre jusqu'au bout pour que la parole de la victime soit entendue.»
«Le Tribunal de la conscience»
De l'autre côté, la défense jubile. L'avocate de Tariq Ramadan, Yaël Hayat, commente face à la presse: «Ni un coup de tête, ni un coup de cœur: c'est un verdict éclairé, inspiré que de raison. (...) J'espère que ce verdict soulèvera les consciences, parce qu'il n'y a rien de pire que d'être accusé d'un crime qu'on n'a pas commis. La vérité est désormais en marche, et nous espérons qu'elle ira loin.»
Ce verdict aura-t-il un impact sur les plaintes similaires contre l'islamologue, à ce jour toujours pendantes en France? L'avocate genevoise rétorque: «Nous n'avons pas à nous prononcer sur la suite. Mais nous espérons simplement que ce verdict retentira, qu'il aura une résonance. On doit savoir que ceux qui saisissent la justice à d'autres fins que la justice, que ceux qui détournent les prétoires à d'autres fins, pour servir d'autres ambitions, un jour rendront des comptes devant le Tribunal de la conscience.» Me Yaël Hayat précise être confiante, en vue de l'appel.
Le visage apaisé et légèrement souriant dès la lecture du verdict, Tariq Ramadan ne s'est exprimé qu'en une seule phrase, emboîtant le pas à sa défenseuse: «Je crois que Me Hayat a tout dit à ce sujet aujourd'hui. Effectivement, la vérité est en marche, et nous sommes confiants pour la suite.» L'islamologue est-il soulagé? «Pas de commentaires.»