Le trou de 60 milliards ne peut pas être comblé
Le gouvernement allemand se fissure sur le gel budgétaire et menace de tomber

«60 milliards d'euros.» C'est la somme qui manque au budget du chancelier allemand Olaf Scholz après un jugement révélé ce mardi. Le trou dans les caisses de l'Etat montre également que la coalition au pouvoir présente des fissures que personne ne parvient à colmater.
Publié: 22.11.2023 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 22.11.2023 à 07:23 heures
Christian Lindner, Olaf Scholz et Robert Habeck (de gauche à droite) peuvent-ils encore sauver leur gouvernement?
Photo: keystone-sda.ch
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Chiara Schlenz

La situation est exceptionnelle: le ministère allemand des Finances a imposé un gel d'une grande partie du budget fédéral 2023. D'un seul coup, le gouvernement du chancelier Olaf Scholz s'est retrouvé avec un trou de 60 milliards d'euros dans sa poche. Blick fait le point et explique ce que cela signifie pour le gouvernement allemand.

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Que s'est-il passé?

Le gouvernement fédéral allemand voulait verser le montant prévu pour les crédits liés à la pandémie de Covid-19 qui n'avaient pas encore été utilisés – environ 60 milliards d'euros – dans le fonds national pour le climat. Ces fonds auraient ainsi pu être utilisés à bon escient. Mais la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe a décidé la semaine dernière que ce financement ne pourrait avoir lieu – l'argent pour le fonds climatique devra être trouvé ailleurs.

Pour l'Allemagne, le mot d'ordre est donc le suivant: économiser, économiser et encore économiser. Et ce de manière si urgente que le ministre fédéral des Finances Christian Lindner a décrété un quasi-blocage des dépenses, une sorte de shutdown, pour tous les ministères fédéraux. Cela signifie que les différents ministères du gouvernement ne pourront plus effectuer des dépenses que «dans des cas particuliers» et en faisant la demande au ministère fédéral des Finances. Il n'y aurait toutefois pas de garantie que cela fonctionne toujours. Un «critère particulièrement strict» sera appliqué pour vérifier si la dépense est nécessaire. Les organes constitutionnels tels que le président fédéral, le Bundestag, le Bundesrat et la Cour constitutionnelle fédérales ont été exclus de cette restriction.

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Pourquoi le fonds climatique pose-t-il tant de problèmes?

Le fonds climatique est l'un des rares projets de la coalition gouvernementale allemande (SPD, Verts, FDP) que les partis ont fait avancer ensemble. Pour les Verts en particulier, la suspension du financement de ce fonds serait un coup dur, car il s'agissait là de leur projet de cœur. L'importance que les Verts accordaient à la protection du climat lors de la formation de la coalition a été confirmée dans l'accord de coalition. Les Verts y exigent que tous les ministères agissent dans le respect du climat. Le ministre des Verts Robert Habeck avait déjà affirmé en 2021 que le projet serait porté par le fonds climatique.

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Le fonds climatique peut-il encore être sauvé?

La solution la plus constitutionnellement acceptable serait une réforme du frein à l'endettement, estime l'économiste Achim Truger, interrogé au journal télévisé allemand «Tagesschau». «On pourrait par exemple régler le fait qu'après une crise, on ne doit revenir que progressivement à la règle de l'endettement». Achim Truger a par ailleurs évoqué la possibilité de compenser le manque de recettes par la perception d'une contribution de solidarité énergétique ou climatique limitée dans le temps.

Mais pour la coalition gouvernementale, toutes ces propositions pourraient être d'autant plus explosives. D'une part, ce sont surtout des programmes auxquels les Verts sont particulièrement attachés qui sont en jeu. D'autre part, les positions sur le frein à l'endettement divergent énormément: le chancelier Olaf Scholz ainsi que Christian Lindner et les Libéraux veulent s'y tenir, tandis que les Verts et le SPD en tant que parti ne cessent de réclamer une réforme de la règle.

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Le gouvernement est-il en train de se dissoudre?

C'est la question que se pose tout le pays. En Allemagne, au cours des 50 dernières années, les alliances gouvernementales ne se sont séparées avant la fin de leur mandat qu'à deux reprises seulement: en 1982 et en 2005. Les alliances gouvernementales prennent fin soit lorsque les partis impliqués s'entendent sur des avantages, soit pour se sauver d'un sort pire encore. Mais cela n'est envisageable pour aucun des trois partis actuellement au pouvoir.

Le SPD pourrait certes se sauver dans une autre coalition, mais la CDU a déjà fait savoir depuis longtemps que ce scénario se solderait par des élections législatives prématurées. Ce qui n'arrangerait guère le cas des Socialistes. La situation est similaire chez les Verts. Après tout, ils ont enfin réussi à revenir au pouvoir après 16 ans grâce à cette coalition. Une rupture de leur part entrainerait une chute certaine. Et le FDP? Il ne peut pas non plus partir pour les mêmes raisons. En bon français, cela signifie que les trois belligérants doivent tenter de colmater leurs fissures.

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Que va-t-il se passer maintenant?

Jeudi, le gouvernement allemand doit décider du budget pour 2024. Selon les informations du «Spiegel», il pourrait également y avoir un report – mais personne ne veut s'exprimer officiellement à ce sujet. Selon le «Spiegel», il serait toujours envisageable de voter le budget régulier de 2024. Les blocages actuels concernent le budget 2023 et le fonds climatique. Parallèlement, le SPD, le parti du chancelier Scholz, affirme vouloir suspendre le frein à l'endettement afin de combler l'énorme trou du fonds climatique.

Toutefois, cette option semble improbable et il est impossible de trouver une majorité en faveur de la modification – tant les Socialistes, Verts et Libéraux semblent divisés. Une réunion extraordinaire d'experts sur le sujet aura lieu mardi, au cours de laquelle d'autres mesures seront discutées.

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