Le trésor de guerre de Poutine
Les avoirs russes en Europe et en Suisse sont une bombe à retardement

Pour l’Ukraine, une levée des sanctions serait un coup dur. L’UE a gelé 210 milliards d’euros de la banque centrale russe, la Suisse 7,45 milliards de francs supplémentaires. Des fonds que Poutine pourrait utiliser pour renforcer encore son industrie de guerre.
Publié: 02.04.2025 à 12:04 heures
1/5
Le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, profiterait massivement d'une levée des sanctions.
Photo: AFP
RMS_Portrait_AUTOR_377.JPG
Martin Schmidt

Les chiffres ne racontent qu’une partie de l’histoire. L’Union européenne (UE) a gelé quelque 210 milliards d’euros de fonds appartenant à la banque centrale russe. En Suisse, 7,45 milliards de francs supplémentaires ont également été bloqués par une interdiction de transaction, comme l’a indiqué mardi le Secrétariat d’État à l’économie (Seco). À cela s’ajoutent 7,4 milliards de francs d’avoirs gelés, appartenant à des particuliers et entreprises russes. 

Régulièrement, des voix s’élèvent au sein de l’UE pour demander que ces fonds soient transférés à l’Ukraine, afin de financer sa défense ou sa reconstruction. Mais une telle expropriation reste juridiquement très délicate au regard du droit international. Pour l’instant, seule une partie des revenus générés par ces avoirs est destinée à l’Ukraine. Résultat: les fonds russes restent intacts et pourraient, en cas de dégel, contribuer non pas à reconstruire l’Ukraine, mais à poursuivre sa destruction.

Un homme peut tout faire basculer

Ce scénario pourrait devenir réalité si les sanctions de l’UE ne sont pas reconduites. Et ce n’est pas de la fiction. En mars, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, proche allié de Vladimir Poutine, s’est opposé avec véhémence à leur prolongation, avant de céder contre des concessions de Bruxelles. Car toute prolongation des sanctions doit être validée à l’unanimité des 27 États membres.

Si l’UE venait à lever ces mesures, la Suisse suivrait automatiquement. Et sans sanctions, l’argent redevient librement accessible à la Russie, a confirmé Simon Plüss, responsable des sanctions et contrôles à l’exportation au Seco, lors d’une conférence de presse.

Un trésor de guerre en voie d’épuisement

Les avoirs gelés font partie du régime de sanctions instauré après l’invasion de l’Ukraine. À ce jour, la Suisse a repris 15 des 16 paquets de sanctions décidés par l’UE. 

Malgré ces mesures, l’économie russe a affiché une croissance de 3,6% sur les deux dernières années. L’économie de guerre, véritable moteur, compense en partie les effets des sanctions. Mais cette stratégie a un coût. Le Kremlin a déjà puisé dans 60% du fonds national de prospérité, et le budget militaire continue de grimper. En 2025, près de 40% des dépenses publiques devraient être consacrées à la défense et à la sécurité intérieure. 

L'avenir économique de la Russie en prend un coup

Cet effort militaire compromet l’avenir économique de la Russie. Le gouvernement a déjà dû supprimer les subventions immobilières qui permettaient d’absorber des taux hypothécaires atteignant jusqu’à 30%.

Le niveau très élevé des taux d’intérêt freine aussi l’investissement. Fin 2024, la banque centrale a relevé son taux directeur à 21% pour contenir l’inflation. Les emprunts sont devenus si coûteux que même le secteur privé hésite à investir. Pour 2025, les prévisions annoncent une croissance deux fois inférieure à celle de l’année précédente.

Si les sanctions occidentales n’ont pas réussi à contraindre la Russie à mettre fin à la guerre, leur levée représenterait un signal dangereux. Elle permettrait au Kremlin de relancer massivement la production d’armes – chars, avions de combat, drones – et risquerait d’alimenter encore davantage le conflit. En septembre, l’UE devra se prononcer à nouveau sur les sanctions ciblant les personnes et entités russes. Et une fois de plus, tous les regards se tourneront vers Viktor Orban.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la