Mi-juin, à l'aéroport de Zurich, l'ambiance est déjà aux vacances: des gens de toutes les régions du monde font la queue ou tuent le temps dans les cafés en attendant leur avion.
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André Lüthi, chef et copropriétaire de Globetrotter Group, s'apprête à vivre sa prochaine aventure: neuf jours au Pakistan. Avec Blick, ce professionnel du voyage parle plutôt des destinations prisées par les foules.
Monsieur Lüthi, nous sommes assis à l'aéroport. Qu'est-ce que ce lieu représente pour vous?
La nostalgie. La nostalgie d'un monde grand et vaste. Le voyage est pour moi la meilleure école de vie et reste un pilier central de l'entente entre les citoyens des différents pays. Ça permet de se familiariser avec des cultures étrangères, de se forger sa propre opinion, peut-être faire tomber l'un ou l'autre préjugé – par exemple à l'égard des pays islamiques. Tout cela correspond à mon proverbe préféré: «Voir une fois vaut mieux qu'entendre mille fois». La plupart du temps, le départ pour de nouvelles découvertes commence ici, à l'aéroport.
Vous êtes plus que quiconque lié aux voyages – et vous voyagez aussi beaucoup en avion. Pourtant, vous vous montrez régulièrement critique à l'égard des vols fréquents et de notre comportement actuel en matière de voyages. Comment cela s'explique-t-il?
Je n'ai rien contre le fait de prendre l'avion, bien au contraire. Ce que je ne comprends pas, ce sont les vols à 30 francs pour Londres et toutes les offres qui font perdre au voyage sa véritable valeur. Si je peux obtenir un vol aller-retour pour l'Egypte et une semaine dans un hôtel quatre étoiles pour 700 à 900 francs, c'est qu'il y a un problème quelque part. Par exemple, soit les collaborateurs sur place ne sont pas payés décemment, soit les voyagistes et les compagnies aériennes doivent se débarrasser de leur personnel excédentaire.
Vous avez le temps et l'argent nécessaires pour les grands voyages. Certaines personnes ne possèdent pas ce privilège. Ils sont tributaires de vols bon marché.
Je ne critique pas les personnes qui acceptent ces offres bon marché, mais plutôt notre industrie qui crée de telles offres. Tout doit rester dans une saine proportion. S'envoler pour Londres pour 30 francs – voyager à de tels prix est-il un «droit humain»? Il faut économiser pour se payer un vélo ou une voiture. Pourquoi en serait-il autrement pour les voyages? Quand on économise pour s'offrir quelque chose, on s'en réjouit encore plus. Mais si l'on peut partir à Londres avec de l'argent de poche, quelque chose ne va pas.
Le secteur des voyages traverse une période de turbulences: Migros veut vendre Hotelplan, la semaine dernière, FTI, le troisième plus grand voyagiste d'Europe, a déposé son bilan. Que pensez-vous de tout cela?
Je suis avant tout peiné pour les collaborateurs concernés. En Suisse, les parts de marché de FTI seront réparties entre les acteurs restants. En tant que Globetrotter Group, nous ne sommes que marginalement concernés par ces bouleversements, nous avons un tout autre groupe cible.
Le spécialiste des voyages individuels Travelhouse ainsi que le spécialiste des maisons de vacances Interhome font également partie d'Hotelplan. Cela pourrait être intéressant pour votre groupe. Migros a-t-elle frappé à votre porte?
Le secteur est petit, il y a toujours des discussions. Mais une éventuelle acquisition partielle n'est pas un sujet pour nous à l'heure actuelle. De plus, les entreprises qui nous intéresseraient seraient plutôt celles qui se concentrent encore plus sur une niche.
Après une année de rêve en 2023, les réservations pour cet été laissent à désirer chez de nombreux voyagistes. Quelles en sont les raisons?
Cela ne me surprend pas. J'étais déjà réservé sur mes prévisions au début de l'année. 2023 était une année exceptionnelle, les effets de rattrapage du Covid-19 ont joué un grand rôle. C'est un peu terminé. Pour beaucoup de gens, notamment pour les familles, le budget est plus serré que l'année précédente en raison de l'inflation. Mais c'est peut-être aussi parce que beaucoup redoutent la chaleur de l'été et attendent donc l'automne pour se rendre en Italie ou en Espagne. La Méditerranée a perdu de son attrait en été, les gens réservent de plus en plus de destinations dans le nord de l'Europe. L'Islande, par exemple, connaît déjà ponctuellement un problème de surtourisme pendant les vacances d'été.
Quelle destination recommanderiez-vous à quelqu'un qui voudrait éviter la chaleur et la foule, sans toutefois devoir faire le tour du monde en avion?
Si on veut rester à proximité, mon meilleur conseil serait d'aller en Europe de l'Est. Là-bas, Il y a des destinations qui ont beaucoup à offrir, mais qui ne sont pas encore surpeuplées par les touristes. Je pense par exemple à la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie. Mais les pays baltes, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie, valent également le détour. Ceux qui recherchent de l'espace et de la nature ne devraient pas seulement penser à la Scandinavie et à l'Islande, mais aussi à l'Écosse par exemple.
Le surtourisme est également un sujet de préoccupation en Suisse. Il y a quelques semaines, vous avez provoqué une levée de boucliers en remettant en question le budget publicitaire de Suisse Tourisme. L'organisation reçoit chaque année entre 50 et 60 millions de francs de la Confédération. A votre avis, quel montant serait suffisant pour eux?
Mon objectif n'est pas de réduire les moyens de Suisse Tourisme. L'organisation fait un bon travail dans le cadre de son mandat. Mais au vu des masses de touristes, qui sont devenues une charge pour les locaux à de nombreux endroits, il est primordial de discuter d'une éventuelle utilisation différente de ces moyens. La publicité pour la Suisse à l'étranger, comme cela se fait encore parfois, doit être repensée. Avec ma «provocation» sur Linkedin, je voulais simplement lancer une discussion à ce sujet.
Selon Suisse Tourisme, le marketing classique a déjà été fortement réduit. On se concentre sur une meilleure orientation des clients, explique le directeur Martin Nydegger – non seulement en ce qui concerne la durée du voyage, leur destination mais aussi le comportement à adopter en tant que touristes.
Les voyageurs d'aujourd'hui sont responsables. Grâce aux réseaux sociaux, à leurs amis et aux différents médias, ils savent déjà où ils veulent aller avant même de se rendre dans une agence de voyage. En conséquence, il est difficile d'orienter les clients. C'était différent il y a vingt ans. C'est pourquoi nous pourrions investir davantage d'argent au niveau national – par exemple dans une sensibilisation judicieuse des clients.
Comment cela devrait-il se présenter concrètement?
Suisse Tourisme pourrait par exemple aider une commune comme Lauterbrunnen à maîtriser son problème récurrent de surtourisme ou encore développer des concepts permettant de réduire au minimum les conséquences négatives du passage de ces masses de visiteurs.
Quels pourraient être ces concepts?
Je n'ai pas de recette miracle. Mais je trouverais judicieux, par exemple, que des bénévoles soient présents dans les sites touristiques principaux pour informer les visiteurs du monde entier et les sensibiliser à notre culture. Cela permettrait d'éviter que des personnes pénètrent sur des terrains privés pour prendre des photos ou les utilisent comme parking. Il est également important de réglementer la circulation, par exemple en limitant le nombre de places de parking ou de bus. En revanche, les billets d'entrée et les taxes n'ont de sens que là où l'accès peut effectivement être contrôlé. Pour des villages comme Lauterbrunnen ou des villes comme Lucerne, c'est difficile.
Au Blausee, dont vous êtes copropriétaire, l'entrée est déjà payante. Mais en tant que Suisse, je trouve dérangeant de devoir payer pour visiter un lac.
Cela existe aussi pour d'autres sites naturels. L'accès aux cascades, aux gorges ou aux grottes est également souvent payant. Au Blausee, nous mettons à la disposition des visiteurs de superbes infrastructures comme la descente en bateau ou des foyers avec du bois. De plus, en haute saison, nous régulons le nombre maximal de visiteurs au moyen de cartes d'entrée.
Le Blausee fait depuis longtemps la une des journaux en raison d'un prétendu scandale environnemental. Vous et les deux autres copropriétaires célèbres – l'ex-président de la Banque nationale suisse Philipp Hildebrand et Stefan Linder, cofondateur du Swiss Economic Forum – vous livrez à une bataille sans faille avec les entreprises de construction et les autorités. Où en est cette histoire?
Nous restons convaincus que la mort des poissons dans notre élevage de truites a été causée par l'élimination inappropriée de ballast ferroviaire toxique et de boues de compactage toxiques. Nous avons déposé une plainte pénale à ce sujet il y a près de quatre ans. En outre, nous voulons éviter que l'extension du Lötschberg n'entraîne encore plus de déchets toxiques dans la nappe phréatique. On ne peut pas construire une place d'installation sur une décharge illégale. Le règlement des constructions l'exclut. La balle est dans le camp du Ministère public bernois et du Tribunal administratif fédéral, qui enquêtent sur les faits.
Dernièrement, le Ministère public bernois a émis une ordonnance pénale pour une prétendue contrainte et violation de domicile – et ce contre votre partenaire commercial Stefan Linder. L'affaire a complètement dégénéré. Pourquoi toutes les parties concernées ne s'assoient-elles pas ensemble pour trouver une solution?
Ce serait bien si cela était possible. Nous sommes toujours à l'écoute et une discussion directe n'a jamais fait de mal.