Lorsque le soleil se couche, des dizaines de personnes montent leurs tentes entre les colonnades de marbre de la basilique Saint-Pierre. Les foules de pèlerins sont parties et les policiers se retirent. Dans l'obscurité, la place Saint-Pierre appartient aux sans-abri de Rome.
Faldo, un homme aux yeux bleus et au regard perçant, vit depuis longtemps sur la place Saint-Pierre. «Je ne dirais pas que ce lieu est devenu mon foyer», reconnait-il. «Quand on est sans domicile fixe, on ne se sent nulle part chez soi.» Mais ici, il est plus en sécurité qu'ailleurs à Rome et surtout, il a pu voir le pape de près.
«Depuis que j'ai trouvé la foi, je supporte mieux ma situation», confie Faldo. La présence de l'Eglise et de Caritas rythme son quotidien. Le matin, l'œuvre de bienfaisance distribue de la nourriture et Faldo assiste à la messe. L'après-midi, il se rend à la prière et ensuite, c'est l'heure du dîner.
«Caritas ne vient plus»
C'est du moins le rythme qu'il connaissait avant la mort du pape François. Désormais, certaines parties de la place sont fermées. Pendant la journée, les patrouilles de police sont nombreuses. «Caritas ne passe plus nous voir», se désole Faldo. «Je n'ai pas mangé depuis deux jours.»
Le pape François avait la réputation d'être le pape des pauvres. Faldo et de nombreux autres sans-abri voyaient en lui une figure paternelle. «Une fois par semaine, il invitait douze d'entre nous à sa table. Comme Jésus avec ses douze apôtres», raconte-t-il.
Mercredi matin, le corps du pape François a été transféré de la résidence Santa Maria à la basilique Saint-Pierre. Des catholiques sont venus du monde entier pour faire leurs adieux au pontife.
Pendant ce temps, les sans-abri ont marché de la place Saint-Pierre à l'église Saint-Grégoire VII. Une fois sur place, les moines franciscains leur ont proposé un petit déjeuner et des douches gratuites, une alternative aux distributions de Caritas.
«Nous avons besoin de son aide»
Bogdan est assis sur les marches de l'église avec sa cigarette et boit un café. Né en Bulgarie, il est chrétien orthodoxe. «Le pape nous envoyait une lettre tous les six mois et y joignait 150 euros», raconte-t-il. Malheureusement, il n'a pas gardé la lettre. «François a vraiment aidé tout le monde, sa mort nous attriste.»
La pauvreté en Italie bat des records: en 2023, plus de 34'000 personnes étaient dans une situation d'extrême pauvreté selon Caritas.
Près de la moitié de ces personnes sont sans abri et leur nombre ne cesse d'augmenter. «La vie dans la rue est devenue plus difficile», raconte Steven. Lui aussi vit sur la place Saint-Pierre. «Je remercie beaucoup le pape François mais j'espère que le prochain pape sera encore plus présent pour nous car nous avons besoin de son aide.»
«On nous voit comme des criminels»
En effet, les sans-abri ne reçoivent pas d'aide de l'Etat. Daniele s'assied à côté de Bogdan sur les marches de l'église. Il a rangé ses affaires dans un sac de sport. «Nous sommes considérés comme des criminels par le gouvernement, mais nous ne le sommes pas. Je vis dans la rue parce que personne ne veut m'embaucher», raconte le jeune homme de 28 ans. Il ne reçoit du soutien que de l'Eglise, du pape. «Je prie pour lui, pour qu'il trouve la paix.»
Dans les prochains jours, tout le gratin politique se réunira à Rome. Donald Trump fera le déplacement. Les funérailles du pape samedi seront encadrées par des mesures de sécurité maximales. Tous les regards seront tournés vers les puissants et les riches.
Pendant ce temps, Daniele, Faldo, Bogdan et Steven attendent que l'agitation au Vatican s'apaise au plus vite. Faldo veut tenir jusqu'à samedi. «Quand tout le monde sera parti, nous retrouverons notre quotidien. Caritas pourra à nouveau nous apporter de la nourriture.»