Il y a 70 ans, le Groenland cessait d'être une colonie danoise. Aujourd'hui, la plus grande île du monde est une partie largement autonome du royaume du Danemark. Pourtant, le torchon brûle entre les deux parties.
Dans son discours du Nouvel An, le chef du gouvernement groenlandais Múte Egede a exprimé son souhait de devenir indépendant du Danemark. Selon les médias danois, Múte Egede a critiqué la coopération existante avec le royaume, estimant qu'elle n'était pas équitable.
«L'histoire et les conditions actuelles ont montré que notre coopération avec le royaume du Danemark n'a pas abouti à une égalité totale», a déclaré le Premier ministre. Il a souligné qu'il était désormais temps de passer à l'étape suivante et a évoqué la nécessité de «supprimer les obstacles à la coopération – que nous pouvons qualifier d'entraves dues au colonialisme».
Un chemin semé d'embûches jusqu'à l'indépendance
Le mouvement pour l'indépendance du Groenland prend de plus en plus d'ampleur. L'une des raisons en est notamment les révélations sur le comportement fautif antérieur du Danemark en tant que puissance coloniale.
Jusque dans les années 1970, les femmes groenlandaises auraient été stérilisées de force. Múte Egede a annoncé que la population groenlandaise voterait sur une éventuelle indépendance. Il n'a toutefois pas indiqué de date précise.
Et si c'était possible?
D'un point de vue purement formel, la voie est libre pour la sortie du royaume du Danemark, d'autant plus que le statut d'autonomie du Groenland de 2009 stipule explicitement que le Groenland peut prendre cette décision de manière unilatérale.
Le statut d'autonomie constitue la troisième étape de la décolonisation de l'île arctique, les deux premières ayant consisté à déclarer le Groenland comme partie intégrante du royaume danois en 1953 et à introduire une autonomie limitée en 1979.
Aujourd'hui encore, la politique étrangère et de sécurité de l'île relève de la compétence exclusive du gouvernement danois. Ce n'est que récemment que le ministre de la Défense, Troels Lund Poulsen, a annoncé son intention de renforcer la présence militaire du Danemark au Groenland.
Une ressource de pouvoir pour Copenhague
Le chemin vers l'indépendance devrait toutefois s'avérer extrêmement difficile. En effet, il n'est pas facile pour le Groenland de mettre en place une économie propre et viable.
Sur le plan financier, l'île est fortement dépendante du Danemark. Ainsi, le Groenland reçoit des transferts annuels – appelés subvention de bloc – qui s'élèvent actuellement à environ 550 millions de francs. Ce montant couvre environ 20% de la performance économique régionale et plus de la moitié des dépenses publiques du Groenland. De nombreux politiciens groenlandais sont conscients du fait que l'indépendance est certes l'objectif souhaité, mais qu'il faut d'abord pouvoir se le permettre.
Le Danemark, quant à lui, n'est pas prêt à laisser partir le Groenland. En effet, cette île gigantesque, dont la masse terrestre se situe majoritairement au nord du cercle polaire, fait du petit Danemark un Etat arctique. Pour Copenhague, il s'agit d'une ressource de pouvoir importante, puisque le gouvernement danois est ainsi assis à la table des discussions des grandes puissances sur la région polaire nord.
«Le Groenland nous appartient»
L'annonce de Múte Egede intervient peu après les déclarations du président élu américain Donald Trump. «Dans l'intérêt de la sécurité nationale et de la liberté dans le monde, les Etats-Unis estiment que la possession et le contrôle du Groenland sont une nécessité absolue», a écrit Donald Trump sur la plateforme en ligne Truth Social qu'il a cofondée.
L'idée de Trump n'est pas tout à fait absurde. Car le Groenland a une énorme importance stratégique pour les Etats-Unis. Le pays y possède notamment plusieurs bases militaires depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le major de l'armée Steen Kjaergaard de l'Académie de défense danoise suppose que l'intention de Donald Trump pourrait avoir été de pousser le Danemark à augmenter ses dépenses militaires sur l'île. «Je pense que Trump est intelligent. Il pousse le Danemark à donner la priorité à ses capacités militaires dans l'Arctique.»
Le Groenland ne veut pas entendre parler des USA
Le gouvernement groenlandais a toutefois fermement rejeté l'intérêt de Trump. «Le Groenland nous appartient. Nous ne sommes pas à vendre et nous ne serons jamais à vendre», a souligné Múte Egede.
Ainsi, alors que les Etats-Unis y voient des avantages stratégiques, la population groenlandaise aspire à l'autodétermination. Pendant ce temps, le Danemark tente de préserver son influence. L'issue de cette lutte pour l'avenir du Groenland reste ouverte.