Les nouveaux droits de douane du président américain Donald Trump touchent la Suisse de plein fouet. Que pense Rahul Sahgal, directeur de la Chambre de commerce américano-suisse, des nouvelles taxes? Blick a pu s'entretenir avec cet ancien diplomate.
Rahul Sahgal, quelle est votre première impression des mesures tarifaires de Donald Trump?
Nous avons été surpris par le montant des droits de douane imposés à la Suisse. Nous sommes plus durement touchés que l'Union européenne (UE) et de nombreux autres pays.
N'avez-vous pas exercé d'influence avant la décision?
Nous avons bien sûr essayé de faire comprendre à Washington D.C. qu'il est impossible pour un pays de 9 millions d'habitants de parvenir à un rapport d'exportation équilibré dans le commerce avec un pays de 330 millions d'habitants. Nous aurions souhaité un calcul ramené à un rapport par habitant. Là, la situation aurait été très différente: nous importons 11 fois plus des États-Unis par habitant que l'inverse. De plus, le secteur des services n'a pas été pris en compte, ce qui aurait permis d'obtenir un rapport plus équilibré.
La Suisse s'en sort donc mal…
La Suisse n'impose pas de droits de douane industriels sur les produits importés des Etats-Unis. Il n'y a que quelques droits de douane dans le domaine agricole.
Comment la Suisse doit-elle réagir?
Nous pourrions faire quelques concessions et exempter les importations d'oranges, de soja ou d'amandes, pour ne citer que quelques exemples, d'un droit d'importation. Mais cela ne permettrait jamais d'équilibrer la balance commerciale.
Et vous, que faites-vous?
Les droits de douane spécifiques à chaque pays entreront en vigueur le 9 avril. J'échange avec les entreprises, les associations et la Confédération pour voir ce que nous pouvons faire d'ici là. L'économie suisse est fortement touchée, mais à des degrés divers – la pharma est par exemple exemptée, alors que les droits de douane sur les voitures sont déjà en vigueur. Nous devons avoir une vue d'ensemble de la situation.
Empruntez-vous aussi la voie diplomatique pour trouver des solutions?
Il ressort de l'«Executive Order» que l'administration Trump peut à court terme réduire – ou augmenter – les droits de douane ou réduire leur durée de validité. Il y a donc une certaine marge de manœuvre.
La Suisse peut-elle obtenir quoi que ce soit de Trump en négociant?
Nous ne sommes pas optimistes. Le calendrier est extrêmement serré et le monde entier essaie de se mettre en règle avec les Etats-Unis d'une manière ou d'une autre. Il existe de nombreux scénarios différents. Les entreprises suisses qui produisent chez nous et exportent beaucoup vers les Etats-Unis sont très touchées, celles qui ont des sites de production aux Etats-Unis le sont nettement moins. Elles doivent donc décider comment et dans quelle mesure elles répercuteront les droits de douane sur les consommateurs, si cela réduit leur marge et s'il existe une marge de manœuvre. Des journées intenses nous attendent.
De quels leviers disposons-nous?
Nous ne recevons que 2% des exportations américaines. Seuls nos investissements sur place, c'est-à-dire la création d'emplois aux Etats-Unis, sont intéressants pour Trump. Mais c'est un processus très long.
La Suisse est un petit poisson pour Trump. Quelles sont les conséquences de ses nouvelles taxes douanières sur l'économie mondiale?
Dans un premier temps, un ralentissement du commerce mondial. Ce qui est décisif pour nous, c'est ce que fait l'Union européenne. De nombreuses entreprises fournissent des entreprises de l'UE qui, à leur tour, exportent vers les Etats-Unis. Selon ce que l'UE décidera, il pourrait y avoir des dommages collatéraux pour les entreprises suisses.
Les entreprises suisses ne doivent-elles pas tout simplement chercher de nouveaux marchés?
L'action de Trump donne certainement un coup de pouce aux efforts de nombreuses entreprises suisses pour diversifier davantage leurs partenaires commerciaux. Nous avons récemment signé d'importants accords de libre-échange, par exemple avec l'Inde ou la Thaïlande, et intensifié nos relations avec l'UE. Mais ce ne sera pas si simple: les Etats-Unis, en tant que pays unique, sont notre principal partenaire commercial depuis 2022. Nous devons continuer à entretenir cette relation.
Mais les relations entre les Etats-Unis et la Suisse continuent de se refroidir…
J'espère que nous trouverons des solutions qui pourront satisfaire les deux parties.