Il fut l'avocat personnel de Donald Trump, surnommé son «pitbull», avant de devenir son ennemi juré: Michael Cohen a témoigné mardi à New York contre l'ancien président américain, au procès civil qui menace son empire immobilier.
Les deux hommes, qui se vouent désormais une haine tenace, dans les tribunaux ou les réseaux sociaux, se sont retrouvés dans la salle d'audience bondée de la Cour suprême de l'Etat de New York: l'un, Michael Cohen, à la place des témoins; l'autre, Donald Trump, poursuivi dans cette affaire civile, lui faisait face, assis entre ses avocats.
Dans cette affaire, la procureure générale de l'Etat de New York, Letitia James, accuse Donald Trump, 77 ans, deux de ses enfants, Eric et Donald Jr, et deux dirigeants de la Trump Organization, d'avoir surévalué de plusieurs milliards de dollars ses golfs, résidences et gratte-ciel new-yorkais dans les années 2010 pour obtenir des prêts plus avantageux auprès des banques.
Son but était «d'augmenter les chiffres»
Cheveux grisonnants, chemise blanche et veste sombre à petits carreaux, Michael Cohen, qui répondait aux questions de la représentante du parquet général sans regarder Donald Trump, a rapidement chargé son ancien patron.
«J'étais chargé par M. Trump d'augmenter la valeur du patrimoine, sur la base d'un chiffre qu'il fixait arbitrairement», a-t-il déclaré.
«Ma responsabilité, avec Allen Weisselberg, c'était de faire de la rétro-ingénierie sur les actifs et de les augmenter afin d'atteindre le chiffre (...), quel que soit le chiffre demandé», a-t-il ajouté.
«C'est un menteur. Il essaie d'arranger ses affaires, mais ça ne va pas marcher», avait attaqué, un peu plus tôt, Donald Trump, à son arrivée au tribunal de Manhattan, une référence à la condamnation de Michael Cohen, pour mensonge, devant le Congrès américain, dans le cadre de l'enquête sur une ingérence russe durant la présidentielle de 2016.
Michael Cohen à l'origine du procès civil en cours
Longtemps au coeur de la garde rapprochée de l'ancien président des Etats-Unis, Michael Cohen avait été condamné à trois ans de prison fin 2018, également pour son rôle dans des paiements pour protéger la réputation de Donald Trump.
Un CV sulfureux sur lequel la défense compte appuyer pour attaquer sa crédibilité. Michael Cohen a réaffirmé devant le tribunal avoir agi dans ces affaires à la demande et dans l'intérêt de Donald Trump.
Michael Cohen est à l'origine du procès civil en cours. Lors d'une audition spectaculaire et au vitriol au Congrès américain en février 2019, il avait affirmé que Donald Trump «gonflait son patrimoine quand cela servait ses intérêts», notamment pour grimper dans la liste des plus grandes fortunes du magazine Forbes.
La procureure générale de l'Etat de New York, Letitia James, avait ouvert une enquête, et, au bout de trois ans d'investigation, intenté un procès en réclamant notamment 250 millions de dollars de réparations financières.
Il avait lui-même réglé le versement à l'actrice Stormy Daniels
L'ancien avocat, qui se décrit comme un repenti, est aussi l'un des principaux témoins à charge dans l'un des quatre futurs procès pénaux de Donald Trump, à New York en mars 2024, sur des paiements pour étouffer des affaires embarrassantes lors de la présidentielle de 2016.
Il avait lui-même réglé le versement de 130'000 dollars à une star du X, l'actrice Stormy Daniels, pour qu'elle taise une présumée relation avec Donald Trump. Michael Cohen a déjà été condamné dans cette affaire.
S'il ne peut pas être condamné à de la prison, Donald Trump joue quand même gros lors du procès civil à New York.
Avant même l'ouverture des débats, le juge Arthur Engoron a décidé que des fraudes répétées étaient établies et que les actifs de Donald Trump avaient été surévalués entre 812 millions et 2,2 milliards de dollars par an entre 2014 et 2021. Il a en conséquence pris des mesures de confiscation et de liquidation de sociétés qui pourraient aboutir au démantèlement de l'empire immobilier Trump. L'application de ces mesures a été suspendue en appel.
L'ancien président a assisté aux débats pendant plusieurs jours, et n'a cessé d'attaquer de manière virulente Letitia James, une élue démocrate et afro-américaine qu'il qualifie de «raciste» et «corrompue», et son juge, Arthur Engoron, qu'il a traité de «voyou».
Le magistrat lui a imposé vendredi 5000 dollars d'amende pour une publication insultante à l'égard de sa greffière, en menaçant l'ancien président de le mettre en prison s'il recommençait.
(ATS)