Salzgitter, c'est la ville qui représentait l'ancien miracle industriel allemand. Cette ville est désormais le symbole de la misère dans laquelle la plus grande économie d'Europe a glissé. L'industrie lourde domine cette ville de 105'000 habitants en Basse-Saxe. Une odeur aigre flotte dans l'air, des colonnes de fumée s'échappent des grandes usines, et sur le parking devant l'usine Volkswagen, Benjamin Znak, employé de la firme, se dresse comme une tour dans le paysage.
«Avant, c'était comme gagner à la loterie si tu obtenais un poste fixe chez VW», explique le monteur au Blick. «Aujourd'hui, on a peur que tout disparaisse, qu'il faille soudain repartir de zéro». L'Allemagne est en crise – et pas seulement sur le plan politique. Une croissance économique négative pour la deuxième année consécutive, la fuite massive des investisseurs étrangers, les prix élevés de l'énergie et une bureaucratie record plombent l'ambiance. Le taux de chômage de 6,4% n'a jamais été aussi élevé depuis dix ans. La charpente industrielle grince violemment. Et rien ne présage une amélioration, au contraire.
La faute à un virage électrique raté
Aucune entreprise n'incarne mieux cette ambiance morose que Volkswagen (VW), l'ancienne usine allemande modèle. VW, c'était autrefois la fierté de la nation mais aujourd'hui, la firme est vraiment dans la tourmente. La faute à l'offensive de l'entreprise dans le domaine des voitures électriques, qui n'a pas eu le succès escompté. Par ailleurs, les séquelles de la crise de la triche au diesel de 2015 se font encore sentir.
La direction a commis de graves erreurs, affirme Benjamin Znak. Sur sa casquette figure le logo d'IG Metall, le syndicat qui, peu avant Noël, a mis la direction du groupe à genoux en organisant d'énormes manifestations à Salzgitter et sur d'autres sites de production et qui a pu éviter les fermetures d'usines et les licenciements massifs prévus – pour l'instant jusqu'en 2030.
VW pourrait également être touchée de plein fouet par les menaces de droits de douane imposés par le président américain Donald Trump au Mexique et au Canada. Volkswagen possède dans la ville mexicaine de Puebla l'une de ses plus grandes usines au monde – et l'entreprise souhaite à l'avenir fabriquer des batteries automobiles au Canada. Le journal allemand «Handelsblatt» a calculé que les droits de douane punitifs pourraient coûter jusqu'à trois milliards d'euros à VW. Une prédiction amère pour Salzgitter et amère pour l'Allemagne.
Tout cela préoccupe Benjamin Znak, lui qui a toujours été fier de travailler chez VW et qui dans l'usine de Salzgitter, est «homme de confiance» comme l'était déjà son père. En parallèle, il écrit des chansons et les met sur Youtube. «Les gros animaux font des conneries et les petits doivent les redresser», chante-t-il dans l'une d'elles. «Un emploi stable, un salaire juste, est-ce que cela fera bientôt partie du passé?»
Retour souhaité à l'époque de la Coccinelle
L'Allemagne a proclamé l'e-mobilité sans mettre en place les infrastructures nécessaires, explique l'employé. «Le chancelier Olaf Scholz est venu en personne ici il y a deux ans pour donner le premier coup de pioche de notre nouvelle usine de batteries.» Mais tout cela ne sert à rien si l'électricité devient de plus en plus chère en raison de l'arrêt des centrales nucléaires et si les bornes de rechargement fonctionnelles sont difficiles à trouver. «Je souhaite que l'Allemagne puisse redevenir un beau pays automobile comme à l'époque où nous produisions des Coccinelles VW.»
Des voitures pour le peuple, des véhicules pour les revenus normaux plutôt que des bolides de luxe pour les personnes aisées: c'est exactement ce que veut Cem Ince, autre ouvrier de l'usine VW. Partout dans la ville sont placardées ses affiches électorales. «De l'usine au Bundestag», peut-on lire sur les affiches. Il se tient dans la Berliner-Strasse, devant le bureau de son parti, Die Linke. À gauche et à droite: des restaurants turcs, de vieux immeubles d'habitation. Salzgitter a l'un des taux d'endettement par habitant les plus élevés d'Allemagne. Cem Ince veut changer cela et garder la tête haute au lieu de laisser la situation se dégrader davantage.
Il n'a toutefois pas beaucoup de raisons d'être optimiste. «VW n'a pas résolu ses problèmes, mais les a simplement reportés», déclare-t-il. «Nous voulons de bonnes voitures, la direction veut des marges.» L'accord avec le syndicat n'a rien changé à cela. Mais ce qui dérange bien plus ce fils d'une famille d'immigrés, c'est le tapis rouge que l'Allemagne déroule à l'industrie de l'armement, alors que l'on freine des quatre fers pour moderniser l'industrie automobile et énergétique.
64 millions de moteurs: un bilan impressionnant pour Salzgitter
«Il y a apparemment toujours de l'argent pour le réarmement. Pour la transformation urgente et nécessaire vers une industrie neutre en CO₂, il y a bien trop peu d'investissements.» Voilà ce qui dérange encore l'employé VW. C'est contre cela qu'il veut se battre en tant que député à Berlin. Mais le débat national en Allemagne ne le rend guère confiant dans le fait que quelque chose de fondamental changera bientôt. «Nous préférons mener de faux débats populistes qui divisent encore plus la société au lieu de nous attaquer aux problèmes.»
Pourtant, les employés de VW, ici à Salzgitter, ont au moins de quoi être fiers. Les ouvriers ont fabriqué 64 millions de moteurs depuis l'ouverture de l'usine VW locale en 1970. Ils savent mettre la main à la pâte. Mais les petites mains, – comme souvent– ne peuvent pas grand-chose pour les crises vraiment importantes.