La capitale haïtienne Port-au-Prince continuant de s'enfoncer dans les violences liées aux gangs, les États-Unis ont annoncé dimanche avoir évacué une partie du personnel de leur ambassade, suivis par l'Allemagne, qui a évacué son ambassadeur et des membres de la délégation de l'Union européenne.
Les États-Unis ont évacué une partie du personnel de leur ambassade et renforcé les équipes en charge de sa sécurité. «La recrudescence des violences des gangs dans les quartiers proches de l'ambassade américaine et de l'aéroport a conduit le département d'État à décider de procéder au départ d'agents supplémentaires», a indiqué dimanche un porte-parole de la diplomatie américaine.
Évacuation les lieux
L'Allemagne a annoncé un mouvement similaire. «En raison de la situation sécuritaire très tendue en Haïti, l'ambassadeur d'Allemagne et le représentant permanent à Port-au-Prince sont partis aujourd'hui pour la République dominicaine avec des représentants de la délégation de l'UE», a déclaré à l'AFP un porte-parole du ministère, ajoutant qu'ils travailleraient depuis la République dominicaine «jusqu'à nouvel ordre».
Port-au-Prince est le théâtre d'affrontements entre policiers et bandes armées, qui s'en prennent à des sites stratégiques, dont le palais présidentiel, des commissariats et prisons. Et ce en l'absence du Premier ministre Ariel Henry, dont elles réclament la démission tout comme une partie de la population.
C'est «une ville en état de siège», a alerté samedi Philippe Branchat, le chef pour Haïti de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). «Nous avons perdu tous nos biens, tout ce que nous possédions. Nous perdons nos familles», a dit à l'AFP Reginald Bristol, habitant de Port-au-Prince.
Les autorités ont décrété il y a une semaine l'état d'urgence dans le département de l'ouest, qui comprend la capitale, et ont instauré un couvre-feu nocturne. Face à la nouvelle flambée de violences, la Communauté des Caraïbes (Caricom) a convié des représentants des États-Unis, de la France, du Canada et de l'ONU à une réunion d'urgence lundi en Jamaïque.
Le Conseil de sécurité donne son accord
Le Conseil de sécurité de l'ONU a donné son accord il y a des mois à l'envoi d'une mission de multinationale dirigée par le Kenya pour aider la police haïtienne, mais son déploiement se fait cruellement attendre.
Le Premier ministre haïtien a signé début mars un accord à Nairobi pour permettre l'envoi de policiers kényans, et cherche depuis à regagner Haïti. Il était aux dernières nouvelles toujours bloqué à Porto Rico, territoire américain dans les Caraïbes.
Le chef de la diplomatie américaine et le président du Kenya se sont entretenus sur la crise en cours et ont «souligné leur engagement inébranlable en faveur du déploiement d'une mission multinationale de soutien à la sécurité» permettant de «créer les conditions de sécurité nécessaires à la tenue d'élections libres et équitables», a indiqué samedi un porte-parole du département d'État.
Haïti, sans président ni parlement, n'a connu aucune élection depuis 2016 et Ariel Henry, nommé par le président Jovenel Moïse juste avant son assassinat en 2021, aurait dû quitter ses fonctions début février.
Administration et écoles fermées
Du fait des violences en cours dans la capitale, l'ambassade des États-Unis va restreindre ses activités, a indiqué le porte-parole du département d'Etat. L'évacuation d'une partie de son personnel s'est déroulée au cours de la nuit de samedi à dimanche par hélicoptère, selon des habitants du quartier.
«Tous les agents du personnel évacués travaillent pour le gouvernement américain», a précisé un responsable américain, ajoutant que «des agents en charge de la sécurité ont été transportés à Port-au-Prince pour renforcer la sécurité de l'ambassade».
Les administrations et écoles de la capitale sont fermées depuis plusieurs jours, et l'aéroport et le port ne fonctionnent plus, faisant craindre un effondrement de l'approvisionnement de la population du pays le plus pauvre des Amériques.
Accès aux soins compromis
L'accès aux soins est fortement compromis, avec «des hôpitaux qui ont été attaqués par des gangs et qui ont dû évacuer le personnel médical et les patients, y compris des nouveaux-nés», selon l'IOM.
Le pape François a dit dimanche suivre «avec préoccupation et douleur» cette «grave crise» et a appelé toutes les parties à œuvrer en faveur de la paix.
Selon l'OIM, 362.000 personnes – dont plus de la moitié sont des enfants – sont actuellement déplacées en Haïti, un chiffre qui a bondi de 15% depuis le début de l'année.
«Depuis hier soir, nous n'avons pas pu dormir. Nous sommes en train de fuir, moi avec mes effets personnels posés sur ma tête, sans savoir où aller», a raconté à l'AFP Filienne Setoute, une fonctionnaire contractuelle, qui a dû quitter sa maison.
Maigre signe d'espoir: cinq personnes enlevées en février à Port-au-Prince, dont quatre religieux, ont été libérées, a annoncé dimanche leur congrégation catholique, appelant à la libération de deux autres religieux retenus.
(AFP)